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Français : le mensonge 
dans le sang ?
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Michèle Alliot-Marie

Exit Michèle Alliot-Marie ! Victime de ses cachoteries, l'ex-ministre des Affaires étrangères quitte le gouvernement. Au delà de son cas particulier, mentir fait partie depuis longtemps de l'ADN des dirigeants politiques français. Avec comme mensonge originel, celui du Général de Gaulle...

Christian Delporte

Christian Delporte

Christian Delporte est professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Versailles Saint-Quentin et directeur du Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines. Il dirige également la revue Le Temps des médias.

Son dernier livre est intitulé Les grands débats politiques : ces émissions qui on fait l'opinion (Flammarion, 2012).

Il est par ailleurs Président de la Société pour l’histoire des médias et directeur de la revue Le Temps des médias. A son actif plusieurs ouvrages, dont Une histoire de la langue de bois (Flammarion, 2009), Dictionnaire d’histoire culturelle de la France contemporaine (avec Jean-François Sirinelli et Jean-Yves Mollier, PUF, 2010), et Les grands débats politiques : ces émissions qui ont fait l'opinion (Flammarion, 2012).

 

Son dernier livre est intitulé "Come back, ou l'art de revenir en politique" (Flammarion, 2014).

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Politique-fiction. Le 2 février 2011, sur le plateau du 20 heures de France 2, Michèle Alliot Marie déclare à David Pujadas : « Oui, j’ai bénéficié des services de mon vieil ami Aziz Miled lors de mes vacances en Tunisie. Oui, la France a voulu livrer des grenades lacrymogènes au régime de Tunis. Oui, j’étais au courant des manifestations de rue. Je suis l’héritière d’une politique française qui, toujours, a considéré le régime de Ben Ali comme un élément de stabilité de la région et sacrifié les droits de l’homme en Tunisie au nom de la realpolitik et des intérêts de la France. Dès demain, tirant les conséquences de mes erreurs, je remettrai ma démission au président de la République ».  

De tels propos auraient évité une cascade de mensonges, une crise de la politique étrangère française et une grande perte de temps. « La raison se compose de vérités qu’il faut dire et de vérités qu’il faut taire », disait Rivarol. En politique, les secondes prennent trop souvent le pas sur les premières, avec les effets désastreux sur l’opinion que mesurent les sondages. Ainsi, quand on demande aux Français de classer les métiers selon leur préférence, comme l’a fait l’IFOP en février dernier, les « élus du peuple » arrivent bons derniers.

Mensonges des hommes politiques : l'opinion coupable ?

Aujourd’hui, l’opinion a appris à déjouer les tactiques de langage des hommes publics qui mentent moins qu’ils ne délivrent des demi-vérités, taisent ou enrobent des réalités embarrassantes, flattent leur auditoire. Pour autant est-elle toujours lucide ? Elle encourage les politiques à mentir en fuyant la complexité des débats, leur préférant les formules simplistes du populisme. Elle les encourage, à chaque élection, en désignant celui qui les fait rêver par ses promesses de changement. Elle les encourage en sanctionnant le Cassandre qui annonce des temps difficiles. Le nez collé sur les sondages, l’homme politique ment pour protéger son camp, se protéger lui-même, éviter la fatale impopularité. Il ment parce qu’il n’ignore pas les ambiguïtés de l’opinion à l’égard de la vérité.

Dans les années 1950, Mendès France, sans prononcer le mot, prônait le parler-vrai, au nom de l’exigence démocratique de la vérité. Pour lui, il s’agissait d’informer les citoyens, de ne pas ruser, de ne pas cacher les problèmes, au risque de perdre le pouvoir. Nouveau dogme artificiel de la politique, le parler-vrai, de nos jours, a oublié le fond pour se réduire à la forme. Ce n’est pas parce qu’on parle comme tout le monde qu’on dit la vérité. Mais cette nouvelle manière de cajoler l’opinion semble politiquement payante.

Quand le mensonge bénéficie à la démocratie...

Le mensonge nuit à la démocratie comme le tabac à la santé. Et si ce n’était pas toujours vrai ? Poussons le paradoxe en bousculant l’icône du XXè siècle français : le général de Gaulle. A l’été 1944, tout juste revenu sur le sol français, il construit devant les foules qui l’acclament la légende d’un peuple unanimement résistant, porté durant les quatre années de l’occupation allemande par l’attente de la libération prochaine. La collaboration est réduite à l’action d’une poignée de traîtres que la justice condamnera. Oubliées les hésitations, les renonciations ou les petites lâchetés. Il faut écarter le spectre de la guerre civile dont profiteraient inévitablement les communistes, rétablir au plus vite la République et l’autorité de l’État, permettre au pays de retrouver son rang dans le concert des grandes nations. Le prix à payer pour y parvenir est un mensonge « patriotique » qui, au nom de l’intérêt général, va effectivement permettre à la France de bâtir son avenir en toute indépendance. Mais si le mensonge fonctionne, c’est d’abord parce que l’opinion veut y croire. Certes, peu de Français ont pris les armes contre l’occupant, mais l’immense majorité d’entre eux considèrent qu’ils n’ont pas trahi.

Au fond, cet épisode illustre le malaise face au mensonge politique. On le décèle dans le camp d’en-face. On s’en indigne lorsqu’il surgit au service des ambitions individuelles. Mais on l’accepte s’il apaise et permet de dissimuler son intérêt particulier derrière l’intérêt général.

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