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Pourquoi il serait suicidaire de supprimer les soldes comme l’ont fait les Anglosaxons et les Allemands
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La belle affaire !

Fin des soldes d'été ce mardi. Remises en question par Internet et les soldes flottants, ces périodes de petits prix sont pourtant indispensables à la survie des vendeurs indépendants.

Yvon Merlière

Yvon Merlière

Yvon Merlière est directeur général du CREDOC, le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie.

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Atlantico : Les soldes d'été se terminent ce mardi. Quel bilan peut-on en tirer ?

Yvon Merlière : Les données ne sont pas encore connues. Néanmoins, au vu des déclarations des uns et des autres, il me semble que tout le monde en a profité. Les soldes cette année ont eu l’air de bien se passer. En effet, étant donnée la crise économique actuelle, les Français sont plus accros au soldes qu’auparavant. Chaque année, nous posons une question aux Français : le recours aux soldes est-il une nécessité ou un plaisir ? En 2005, 47% considéraient que c’était une nécessité, 53% un plaisir. En 2012, c’est l’inverse : c’est 62% par nécessité, 38% par plaisir. On recherche donc les bas prix.

Régulièrement remis en cause, les soldes ne doivent donc pas selon vous être supprimés comme c'est le cas dans certains pays étrangers ?

Les périodes de soldes sont surtout une fête du commerce. Il ne faut pas négliger cet aspect festif, qui incite les gens à consommer. Il faut enchanter le commerce, enchanter le consommateur. En revanche, les soldes devraient exister uniquement pour vendre les stocks invendus.

Dans les pays qui ont supprimé les soldes, comme l’Allemagne, les velléités de faire marche arrière se multiplient aujourd’hui.

Les soldes n’existent plus dans les pays anglo-saxons, hormis le Boxing Day en Angleterre juste après Noël, qui est une fête du commerce à part entière. Aux Etats-Unis, en Australie, en Angleterre en-dehors du Boxing day, il n’y a plus de notion de soldes. En général, une partie du magasin est réservée aux produits invendus, donc bon marché.

Mais il faut savoir que dans les pays anglo-saxons, la part des indépendants est nulle. Alors que dans les pays latins, comme en France, en Espagne, ou en Italie, la part des indépendants est conséquente : 16% en France aujourd’hui (même si on était à 20% en 2000), contre 23% pour les enseignes. Or les indépendants ont besoin des soldes. Supprimez les soldes aujourd’hui, instaurez à la place les promotions permanentes, et vous lésez les commerçants indépendants. C’est un choix politique : on voit que dans les pays où il n’y a plus d’indépendants, il n’y a plus de soldes. Sans dates de soldes réglementées, il y a un risque de disparition pour ces derniers car ils n’ont plus la possibilité d’écouler leurs stocks. Or ils sont soumis à la concurrence des grandes enseignes, qui peuvent mettre en place des soldes flottants de manière permanente.

Cela étant, faut-il conserver dans le futur les deux rendez-vous du commerce "soldes d'été", "soldes d'hiver" ? La question se pose dans la mesure où les jeunes générations aujourd’hui n’attendent plus les soldes.

Avec l’avènement des soldes flottants, les soldes saisonniers n’ont-ils pas perdu de leur sens ?

Oui et non. Les soldes flottants ont plutôt déstabilisé les commerçants. Voire même les consommateurs. Parce qu’en France, on reconnaît largement que les soldes sont collectifs. Voyant l’affiche « soldes », on s’attend à ce que ce soit le cas dans tous les magasins.

Au contraire, la notion de promotion implique un ciblage à un magasin, un produit, une période donnés.

Lorsqu’il y a des soldes flottants, on s’attend à ce que ce soit collectif. Or ce n’est pas le cas, ce qui déroute le consommateur, tout comme le commerçant qui, voyant son concurrent d’en face solder ses produits, a envie d’en faire autant mais ne peut pas car il doit informer les autorités six mois à l’avance. Sans parler des centres commerciaux, qui se plaignent de ne pas pouvoir organiser des soldes quand les enseignes le font de manière indépendante. Il devient impossible d’organiser un événement collectif.

Quelque part, à trop multiplier les périodes de soldes, on peut s’interroger sur l’image de marque et la pertinence du signal prix.

Quid des achats sur Internet ? Ont-ils rendu les soldes caducs ?

On peut effectivement se poser des questions sur l’avenir des soldes. Les nouvelles générations, d’une part, comparent les prix sur Internet et trouvent le « juste prix » du produit. D’autre part, celles-ci, sont plus impatientes et n’attendent pas les soldes pour consommer. C’est un effet de génération à observer sur le long terme.

Au final, les consommateurs profitent-ils vraiment des soldes ?

En gros, 60% des Français pratiquent aujourd'hui les soldes. Ils sont plus nombreux qu’en 1998-2000, à un moment où c’était les deux tiers, car les bas revenus ont du mal à faire face.

Ce sont les ménages avec enfants qui pratiquent le plus les soldes, parce que c’est une nécessité pour eux. Pour gagner en pouvoir d’achat, près des trois quarts des ménages avec enfants s’adonnent aux soldes : 72% en 2012. Quant aux familles monoparentales avec enfant, elle sont à plus de 80% à profiter des soldes.

Par conséquent, seuls ceux qui ont un certain pouvoir d’achat peuvent se permettre de pratiquer les soldes : c’est le cas de 61% des cadres, contre 56% pour les ouvriers. Il y a donc un seuil de niveau de vie minimum pour pouvoir accéder aux soldes. En même temps, y participer permet aussi de gérer son budget pour ceux qui se trouvent au-dessus de ce seuil.

Du côté des commerçants, qui sont ceux qui ont profité des soldes cette année ? Qui sont les gagnants et les perdants ?

C’est une question complexe. Les soldes semblent avoir profité à tout le monde cette année. Les enseignes gèrent leur niveau de soldes, en répartissant 6 à 7 collections par an. Lorsqu’elles sortent un grand nombre de collections, le niveau des soldes est bas. Tandis que les indépendants gèrent moins de collections, avec donc plus de soldes. Tout dépend donc de la gestion des soldes et donc des stocks.

Cette année, il semblerait que la gestion ait été satisfaisante : les stocks ont été vendus, sans qu’il y a ait des demandes insatisfaites. Mais il faut se méfier : si les soldes sont trop bons, c’est peut-être parce qu’ils rattrapent une dépense étouffée au cours de l’année. Ce qui est le cas pour l’habillement depuis deux ou trois années.

Propos recueillis par Ania Nussbaum

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