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Des hommes, des dieux, Facebook
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And the winners are...

Ce sont les deux grands gagnants du week-end. Côté français: "Des hommes et des Dieux" de Xavier Beauvois, César 2011 du meilleur film. Côté américain : "The Social network" de David Fincher, grand vainqueur des Oscars 2011. A priori, tout les oppose. Et pourtant...

Véronique  Langlois et Xavier Charpentier

Véronique Langlois et Xavier Charpentier

Véronique Langlois et Xavier Charpentier ont créé en mars 2007 FreeThinking, laboratoire de recherche consommateur 2.0 de Publicis Groupe.

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Le cinéma en dit parfois plus long sur ce que nous sommes et ce à quoi nous aspirons que de longs traités de sociologie. Aujourd’hui dans l’arène : d’un côté, The Social Network, récit plus ou moins romancé de la création de cette nouvelle façon d’entrer en relation avec les autres, de cette révolution des rapports interindividuels, qu’est devenu Facebook et ses 19 millions d’adeptes en France. De l’autre, Des hommes et des dieux, récit méditatif et dépouillé de la vie des sept moines de Tibhirine, et de ce moment précis où ils décident ensemble, en toute connaissance des risques, de rester au poste dans leur monastère. Dans les deux cas, un succès incontestable et même inattendu : plus de 3 millions d’entrées en France pour Des hommes et des dieux, un triomphe aux Golden Globes et aux Oscars après avoir réalisé 1 400 000 entrées en France pour The Social Network...

Deux films plus proches qu’il n’y paraît

La contradiction paraît absolue, presque impensable : comment des Français qui se bousculent pour s’inscrire sur LE réseau social et y exposer leur vie privée dans ce qu’elle a souvent de plus intime, peuvent-ils dans le même temps être bouleversés à ce point par l’exact contraire de Facebook - sept moines qui n’ont sans doute jamais eu accès à Internet et vivaient à mille années lumières de l’esprit même de ce nouveau web ?

Mais peut-être le paradoxe n’est-il qu’apparent. Et si ce que nous dit cette conjonction inattendue entre des hommes, des dieux, et Facebook, c’était le besoin inextinguible d’une société à la fois surinformée, surexposée, narcissique et troublée de trouver des repères ? Une signification. Une direction. Une indication sur ce qu’il faut faire, sur ce que vivre comme un humain signifie, en des temps où tous les jours les médias proposent « d’inventer sa vie », de « créer son propre modèle », de « devenir soi-même »…  Une indication que seul un regard extérieur peut donner.

De l’importance d’être vu

Ce que nous disent ces chiffres, ces succès en apparence si contradictoires, c’est une seule et même chose très simple : qu’être, plus que jamais, c’est être vu par quelqu’un. C’est être l’objet d’un regard. C’est être digne d’une attention, même faible, même fugitive. Le regard des autres, le regard de Dieu, au fond qu’importe ? Regardez-moi, et dites-moi que je suis dans le vrai ! Regardez-moi, et dites-moi au moins que j’existe… Un cri qui s’adresse à qui veut bien l’entendre, sur la Toile ou dans les salles, et qui donne un relief particulier au phénomène Facebook, qui n’est ni futile ni superficiel. Mais au contraire utile et même vital dans une société qui n’a jamais autant mêlé individualisme et culte de l’image. Quand exposer sa vie au regard du prêtre n’est plus possible parce qu’il n’est tout simplement plus là, quand les directeurs de conscience d’antan ne sont plus capables d’offrir à ma vie une approbation… Que reste-t-il ? Autrui. L’Autre absolu, Dieu, mais personne n’a son adresse email. Ou les autres, ici et maintenant – eux ils ont bien un profil Facebook, non ?

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