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Sous pression : les marchés poussent-ils Mario Draghi à violer
les traités européens ?
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Mario superstar !

Mario Draghi a déclaré jeudi que "la BCE est prête à faire tout ce qu'il faudra pour préserver l'euro". Plus encore, il précise : "Et croyez moi, ce sera suffisant". Le président de l'institution de Francfort serait-il vraiment prêt à tout pour sauver l'euro, même à enfreindre son mandat ?

Cédric Thellier

Cédric Thellier

Cédric Thellier est économiste spécialisé sur la zone euro chez Natixis depuis 2007.

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Atlantico : Mario Draghi a déclaré jeudi matin que "la BCE est prête à faire tout ce qu'il faudra pour préserver l'euro". Plus encore, il précise : "Et croyez moi, ce sera suffisant". Comment expliquer la tenue de ces propos ? Cherche t-il à répondre aux exigences des marchés ?

Cédric Thellier : La BCE souhaite jouer sur les anticipations des acteurs de marché. Mais il faudra voir ce que Mario Draghi annoncera la semaine prochaine. Les taux espagnols sont insoutenables et ceux de l'Italie sont injustifiés par rapport aux fondamentaux de son économie.

Dans ce contexte, Draghi a surtout souhaité apporter une solution rapide. Par exemple, même si 100 milliards d'euros ont été accordés pour venir en aide au secteur bancaire espagnol, ce n'est pas avant la fin du mois d’août que nous connaîtrons les besoins banque par banque. Un temps trop long pour les marchés.

Il envoie également un signal aux institutions européennes et aux chefs d'États et de gouvernement pour leur signaler que les solutions existent, mais qu'il faut désormais agir. Les opérateurs de marché attendent qu'il passe à l'acte notamment par le biais d'une réouverture du programme SMP (Securities Market Program), relatif à l'achat de dettes souveraines, afin de détendre les taux souverains. Ils souhaiteraient également une baisse des taux directeurs.

Programme SMP arrêté, FESF (Fonds européen de stabilité financière) non bouclé, MES (Mécanisme européen de stabilité) en attente, LTRO (prêt long terme accordé par la BCE aux banques) sans effet sur l'économie réelle, rigueur sans croissance... Mario Draghi cherche t-il à combler les limites des mesures de politiques monétaires et budgétaires européennes ?

Il ne s'agit pas d'un revirement. Mario Draghi avait déjà ouvert les portes de manière implicite. La BCE n'intervenait alors qu'en dernier recours, d'autres mesures devant être prises préalablement. Mais faute de temps, cette décision représente la dernière issue possible.

Il n'y a plus de marge de manœuvre sur le plan budgétaire. En effet, les politiques de sortie de crise adoptées jusqu'à présent ont consisté à réduire les déficits, couper dans les dépenses et augmenter les impôts. Mais la croissance a été pénalisée. Un effet contre-productif puisque, sans celle-ci, il est difficile d'atteindre un quelconque équilibre budgétaire.

Autre facteur, les fonds de sauvetage comme le FESF ou le MES, ainsi que le projet d'union bancaire, nécessitent du temps avant de leur mise en place. Une période trop longue pour les marchés.

Contrairement à la Fed ou la Banque d'Angleterre, la BCE ne peut pas procéder à de la création monétaire pour soutenir directement le secteur privé et l'économie réelle. Mario Draghi pourrait-il enfreindre son mandat ?

Draghi reprend un peu le même discours que celui qu'il a tenu lorsqu’il avait relancé le programme SMP (Securities Market Program), pour la Grèce ou même l'Espagne et l'Italie.

Mais cette fois-ci, nous franchissons clairement une nouvelle étape. L'enjeu n'est pas seulement les taux souverains eux-mêmes, mais également celui du financement au secteur privé. En effet, les niveaux élevés des taux obligataires de certains pays de la zone euro impactent ceux du secteur privé, ce qui pénalise mécaniquement l'activité des entreprises.

Quelles sont les marges de manœuvre de la BCE ?

L'exemple des taux directeurs négatifs au Danemark a été évoqué. Mais avant, ils devront analyser les effets d'une politique de taux zéro, même si l'estimation de tels résultats est difficile.

Un scénario plus probable serait une baisse du taux directeur à 0.50% au mois de septembre prochain, lors de la publication des nouvelles perspectives de croissance et d'inflation. Il ne s'agira cependant pas d'un soutien décisif à la relance du crédit et de la croissance, mais cela permettra de relancer un peu plus l'activité.

Propos recueillis par Olivier Harmant et Franck Michel

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