Les Jeux Olympiques vont-ils enfoncer Londres dans un chaos financier ou en faire le centre du monde ?<!-- --> | Atlantico.fr
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11,8 milliards d'euros on été investis pour l'organisation des Jeux de Londres. La capitale britannique pourra-t-elle rentabiliser une telle dépense ?
11,8 milliards d'euros on été investis pour l'organisation des Jeux de Londres. La capitale britannique pourra-t-elle rentabiliser une telle dépense ?
©Reuters

Tiercé gagnant

L'organisation des JO est-elle un pari rentable pour Londres ? La capitale britannique semble s'inspirer des réussites passées tout en se défiant des mauvais exemples.

Laurent Acharian

Laurent Acharian

Laurent Acharian est senior manager chez PricewaterhouseCoopers (PWC), cabinet d'audit et de conseil.

Spécialiste du sport, il a auparavant exercé comme journaliste au sein de l'Equipe magazine.

Il est l'auteur de Les cents jours des dirigeants : l'Etat de grâce existe t-il dans l'entreprise ? (Manitoba / Octobre 2011).

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Atlantico : Les Jeux Olympiques sont-ils un événement qu'une ville peut rentabiliser ? Peut-on évaluer les retombées économiques pour l'organisateur et évaluer si l'investissement en valait la peine ?

Laurent Acharian : En réalité, c'est très complexe. On se rend compte au fil des Jeux qu'il y a un décalage entre le prix annoncé au départ, lors du dépôt de dossier, et le coût réel de l'organisation in fine. Pour les Jeux de Londres, c'est la même chose : le prix a été multiplié par cinq entre l'évaluation en 2005 et l'investissement final en 2012. On est passé de 4,3 à 11,8 milliards d'euros.

Cette réalité est récurrente dans l'histoire des Jeux Olympiques et le sujet a été largement abordé lors de ceux d'Athènes. Il faut se souvenir qu'en 1984, Los Angeles a obtenu d'organiser les Jeux … parce que personne d'autre ne s'était porté candidat ! C'était beaucoup trop cher à mettre en place. Plus tôt, les Jeux de Montréal en 1976 avaient sonné l'alerte : les Canadiens ont mis 30 ans à rembourser.

Aujourd'hui, lorsqu'une ville prend la responsabilité d'organiser les Jeux Olympiques, elle anticipe fatalement de tels débordements des dépenses. Certains y voient même une stratégie pour remporter l'appel d'offres.

Quel intérêt, du coup, pour les villes organisatrices ?

Il faut aller au delà de la simple question du coût. Accueillir un événement de cette taille offre un vrai intérêt en matière d'aménagement du territoire. Albertville en est un parfait exemple. On estime que la ville avait, à l'époque, gagné 15 ans dans ce domaine en investissant massivement dans le prolongement de l'autoroute, dans l'amélioration des infrastructures routières en général en montagne … tout le monde au profite aujourd'hui, notamment dans le domaine hôtelier. Cela a été incroyablement enrichissant pour la totalité du secteur tourisme. Autre exemple intéressant, Barcelone. Avant les Jeux de 1992, peu de gens se rendaient là-bas pour leurs vacances ou pour faire des affaires. La ville a profité de cet événement pour réhabiliter plusieurs quartiers et infrastructures : logements, routes, métro...

Peut on anticiper de telles réussites dans le cas de Londres ?

C'est encore un peu tôt. Le Premier ministre britannique David Cameron a chiffré à 13 milliards d'euros l'apport pour l'économie britannique dans les quatre années à venir. Londres a raisonné la chose intelligemment. Le village olympique se trouve un quartier qui a été totalement réhabilité. Il pourra par la suite être reconvertit en zone d'habitation avec des logements rénovés.

Lorsqu'une ville accueille les Jeux, il faut qu'elle anticipe l'après. C'est ce que les Grecs n'ont pas su faire en 2004.

Pour illustrer cette réalité, vous comparez les villes organisatrices à des marques...

C'est effectivement un second point. L'aménagement du territoire est un premier fondamental. La question de la visibilité et de la notoriété en est un second. Il porte sur la ville, effectivement, mais aussi sur le pays en général.

Aujourd'hui, la communication des villes hôtes est comparable à celle de n'importe quelle multinationale. Elle assure une notoriété pour plusieurs décennies. Il faut de même se pencher sur l'investissement fait pour obtenir des médailles. On peut se demander ce que cela change pour un pays d'avoir 10 ou 30 médailles. Pourtant, c'est quelque chose qui est crucial en termes de visibilité. Plus le pays hôte obtient de récompenses, plus il valorise l'investissement auprès de sa population. Dans une étude que nous venons de réaliser, nous constatons que le facteur « pays hôte » est un formidable moteur d'obtention de médailles. Lorsque la Chine a organisé les Jeux, elle est passée de 67 à 100 médailles entre 2004 et 2008. Nous pronostiquons pour Londres une croissance de 47 à 54 médailles pour ces Jeux. C'est une vitrine pour la ville et pour le pays, à laquelle contribuent les sportifs médaillés. Cela va au delà du simple événement sportif.

Quelles sont les villes qui peuvent se féliciter d'un investissement que l'on pourrait qualifier de réussit en termes d'organisation des Jeux ?

Le bon investissement, c'est Los Angeles en 1984. Ils avaient tiré les leçons des Jeux précédents et se sont appuyés sur des installations déjà existantes, qu'ils ont rénové. Ils ont fait 300 millions de dollars de bénéfice.

Sur un autre registre, il y a les Jeux de Pékin en 2008. Officiellement, le coût s'élève à 40 milliards de dollars. C'est colossal en comparaison de Londres 2012. Pourtant, c'est une vraie réussite en matière de notoriété pour la Chine. Elle a été palpable vue du monde, mais aussi vue des Chinois eux-mêmes. Aujourd'hui, de nombreux touristes nationaux viennent à Pékin visiter les installations olympiques qui n'ont plus d'autre utilité que le prestige faute d'activités sportives.

A l'inverse, quel serait l'exemple d'un vrai échec d'organisation ?

L'exemple classique, c'est Montréal qui s'est retrouvée plombée financièrement par des dettes colossales qu'il aura fallut rembourser sur 30 ans. L'autre exemple, c'est Athènes. Là aussi, 5 ans après les Jeux, 21 des 22 sites sportifs étaient à l'abandon. Il n'y a pas eu du tout de réflexion sur l'après.

C'est ce qui est intéressant dans l'organisation des Jeux de 2012. Le maire de Londres a créé une agence chargée de réfléchir à cet après-Jeux. Le site de la London Legacy Development Corporation évoque l'avenir de chacun des sites sportifs. L'investissement est donc bien pensé sur le long terme.

Propos recueillis par Romain Mielcarek

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