Pourquoi le pacte budgétaire européen est contraire à la Constitution française<!-- --> | Atlantico.fr
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Les premières clauses contraires sont celles contenues dans l’article 3 du Pacte, qui prévoit d’abord que le déficit budgétaire autorisé n’est plus de 3% du PIB.
Les premières clauses contraires sont celles contenues dans l’article 3 du Pacte, qui prévoit d’abord que le déficit budgétaire autorisé n’est plus de 3% du PIB.
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Anticonstitutionnellement

Alors que la crise économique semble s'intensifier en Europe, le Conseil constitutionnel a un mois pour valider, ou non, la constitutionnalité du Pacte budgétaire européen signé en mars dernier. Un traité qui pourrait être jugé non-conforme sur plusieurs points essentiels.

Olivier Passelecq

Olivier Passelecq

Olivier Passelecq est constitutionnaliste.

Il a été chargé de mission auprès de la Commission nationale des archives constitutionnelles (services du Premier ministre).

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En vertu de l’article 54 de la Constitution, le président de la République a saisi le Conseil constitutionnel le 13 juillet dernier pour lui demander de se prononcer sur l’éventuelle contrariété entre notre loi fondamentale et le Pacte budgétaire européen, de son vrai nom « Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire » (TSCG), signé le 2 mars 2012.

Le Conseil a un mois pour se prononcer, mais on peut d’ores et déjà considérer, selon toute probabilité, qu’il ne pourra conclure qu’à une décision de non-conformité, rendant ainsi nécessaire une révision de notre Constitution pour que le Traité puisse être ratifié.

Ce qui aura, évidemment, de lourdes conséquences politiques. Car une révision constitutionnelle, selon l’article 89, suppose non seulement, d’abord, un vote identique des deux chambres du Parlement, mais aussi, ensuite et surtout, une approbation par un référendum ou par le Congrès. Comme la voie du référendum semble pour le moins risquée, il est pratiquement certain que François Hollande optera pour le Congrès, où il ne dispose pas de la majorité des 3/5e sans l’appoint des voix de l’UMP !

C’est donc un grand débat qui va s’ouvrir dès la rentrée, sur fond de crise économique et monétaire, mettant en jeu l’avenir même de la France et de l’Europe.

Mais, comme souvent, les grandes affaires politiques sont fondées sur des problèmes juridiques et celle du Pacte budgétaire européen n’échappe pas à la règle. Pourquoi, et en quoi, ce Traité est-il donc incompatible avec notre Constitution ?

Faisons remarquer en tout premier lieu que ce n’est pas tant, comme le pensent certains, la question de la fameuse « règle d’or » budgétaire qui rend nécessaire une révision de notre Constitution. Cette « règle d’or », qui oblige - rappelons-le - un Etat à voter son budget en équilibre ou en excédent,  peut en effet être introduite dans notre droit national sans qu’une disposition constitutionnelle spécifique lui soit expressément consacrée. Une loi organique, plus précisément une insertion dans la « LOLF » (loi organique relative aux lois de finances), conformément à l’article 47 al.1, est parfaitement suffisante.

En revanche, d’autres clauses du Pacte budgétaire européen sont manifestement contraires à notre Constitution.

1/ Les premières clauses contraires sont celles contenues dans l’article 3 du Pacte, qui prévoit d’abord que le déficit budgétaire autorisé n’est plus de 3% du PIB, comme le prévoyait le Traité de Maastricht, mais de 0,5% du PIB (étant précisé que ce n’est plus le seul déficit du budget de l’Etat qui est pris en compte, mais celui de « toutes les administrations publiques »), et qui prévoit ensuite que chaque Etat sera automatiquement « dans l’obligation » de mettre en œuvre des mesures visant à corriger le dépassement du déficit autorisé, ces mesures – qui consisteront inévitablement à diminuer les dépenses publiques – étant décidées par la Commission européenne.

L’article 8 du traité précise d’ailleurs que la Cour de Justice Européenne pourra infliger des amendes à l’Etat qui ne respectera pas les mesures de réduction des déficits publics prévus à l’article 3.

Toutes ces dispositions, particulièrement celle instaurant un mécanisme de correction déclenché automatiquement en cas de dépassement du déficit autorisé, sont contraires à la Constitution en ce qu’elles portent manifestement atteinte « aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale », pour reprendre l’expression utilisée par le Conseil Constitutionnel lui-même.

Mais un facteur aggravant vient également renforcer la présomption de contrariété entre le Pacte et notre Constitution. Il faut bien voir en effet que les stipulations de l’article 3 sont totalement inédites et donc sensiblement différentes de celles des Traités précédents : elles ne sont donc pas, selon nous, « couvertes » par les révisions constitutionnelles déjà intervenues, notamment en 2008.

2/ Ce ne sont pas là les seules stipulations du TSCG qui paraissent contraires à la Constitution : les articles 4 et 5, qui ne concernent plus l’équilibre budgétaire en tant que tel mais la réduction nécessaire du montant global de la dette publique de chaque Etat, nous semblent également poser un sérieux problème.

L’article 4 prévoit en effet que lorsque la dette d’un Etat dépasse 60% du PIB (ce qui est évidemment le cas de la France), cet Etat sera dans l’obligation de réduire cette dette « à un rythme moyen d’un vingtième par an », c'est-à-dire de 5% par an.

Ce qui veut dire concrètement pour la France, dont la dette publique s’élève à environ 1.700 milliards d’Euros, une réduction obligatoire de sa dette - en moyenne – de 85 milliards d’Euros par an.

L’article 5 précise d’autre part que chaque Etat qui ne respecterait pas cette règle devra mettre en place un « partenariat budgétaire et économique » comprenant des « réformes structurelles » imposées par le Conseil Européen et la Commission Européenne et mises en œuvre sous la surveillance de la Commission.

Ces réformes structurelles, qui concerneront la définition même de la politique économique, salariale et sociale de l’Etat, et qui viseront directement en France, plus particulièrement, le montant des rémunérations et des pensions de retraite des agents des trois fonctions publiques, sont à l’évidence de nature à porter atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale.

Voilà pourquoi, quant au fond, le Pacte est contraire à notre Constitution. On pourrait y ajouter d’autres dispositions, contenues à l’article 7, concernant de nouvelles conditions de majorité pour certaines prises de décision, dont il appartiendra au Conseil Constitutionnel de dire si elles sont compatibles, ou non, avec notre Loi fondamentale.

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