Guerre entre la Snep et Google : suggérer aux internautes des sites de téléchargement illégal est-il une atteinte aux droits d'auteurs ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La cour de cassation vient de rendre son verdict dans l’affaire opposant le Snep à Google. Le géant du Web va devoir censurer certains mots sur la saisie assistée.
La cour de cassation vient de rendre son verdict dans l’affaire opposant le Snep à Google. Le géant du Web va devoir censurer certains mots sur la saisie assistée.
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Guerre ouverte

Le 12 juillet, la Première chambre civile de la Cour de cassation a annulé la décision de la cour d’appel de Paris, qui avait considéré que les suggestions de Google, qui ciblent plus rapidement les requêtes des internautes, ne constituaient pas en elles-mêmes une atteinte au droit d'auteur.

Antoine Chéron

Antoine Chéron

Antoine Chéron est avocat spécialisé en propriété intellectuelle et NTIC, fondateur du cabinet ACBM.

Son site : www.acbm-avocats.com

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Les faits reprochés par le Syndicat National de l’Edition Phonographique (Snep) à Google concernent la fonction « Google Suggest ».

De manière générale, « Google Suggest » est un outil qui propose en temps réel, aux internautes qui tapent leur requête, une liste de mots ou expressions se rapprochant de leur recherche. Ces suggestions résultent d’un algorithme basé sur les recherches statistiquement les plus fréquemment effectuées par les internautes.

Le Snep estime que Google, en proposant des mots-clés tels que « Torrent » (qui est un système d’échange de fichiers), « Megaupload » ou « Rapidshare » (qui sont des sites d’hébergements de fichiers) aux internautes recherchant des noms d’artistes, des titres de chansons ou d’albums, porte atteinte au droit d’auteur ou à un droit voisin.

Ces suggestions renvoient les internautes, selon le Snep, à des sites rendant possible le « téléchargement éventuellement illégal ».

Ce dernier souhaitait donc voir ordonner des mesures pour empêcher ces atteintes conformément aux dispositions de l’article L336-2 du Code de la propriété intellectuelle notamment en obtenant la suppression des termes « Torrent », « Megaupload » et « Rapidshare » des suggestions proposées par le moteur de recherche et l’interdiction de proposer sur celui-ci, des suggestions associant ces termes aux noms d’artistes et/ou aux titres d’albums ou de chansons.

Malgré le déférencement réalisé suite aux demandes formulées par le Snep et l’opération de filtrage des suggestions, le demandeur critiquait l’insuffisance des mesures prises par Google. La suppression des trois mots-clés étant selon ce dernier, « une mesure proportionnée au but poursuivi et efficace pour combattre le piratage en ligne ».

La cour d’appel de Paris confirme l’ordonnance rendue le 10 septembre 2012 et considère que la suggestion de ces sites ne constitue pas en elle-même une atteinte au droit d’auteur dès lors que les fichiers figurant sur ces sites ne sont pas tous nécessairement destinés à procéder à des téléchargements illégaux, l’échange de fichiers contenant des œuvres protégées notamment musicales sans autorisation ne rend pas ces sites en eux-mêmes illicites, c’est l’utilisation qui en est faite par ceux qui y déposent des fichiers et les utilisent qui peut devenir illicite.

La cour d’appel de Paris estime ainsi que le téléchargement de ces fichiers suppose un acte volontaire et réfléchi de l’internaute.

Cette décision pouvait être d’autant plus être appréciée dans la mesure où, comme la Cour l’avait ajouté, les mesures de filtrage et de suppression de la suggestion ne sont pas de nature à empêcher le téléchargement illégal de phonogrammes ou d’œuvres protégées par le Snep, le contenu litigieux restant accessible en dépit de la suppression de la suggestion.

La Cour de Cassation retient quant à elle qu’au contraire, la fonction « Google Suggest » oriente « systématiquement les internautes […] vers des sites comportant des enregistrements mis à la disposition du public sans l’autorisation des artistes-interprètes » de sorte que ce service offre « les moyens de porter atteinte aux droits des auteurs ou aux droits voisins ».

La Cour de Cassation rejette par ailleurs l’argument de l’inefficacité des mesures, selon elle, « les mesures sollicitées tendaient à prévenir ou à faire cesser cette atteinte par la suppression de l’association automatique des mots clés avec les termes des requêtes, de la part des sociétés Google qui pouvaient ainsi contribuer à y remédier en rendant plus difficile la recherche des sites litigieux, sans, pour autant, qu’il y ait lieu d’en attendre une efficacité totale ».

Certains accueillent favorablement cette décision, d’autant plus que Google est dans la capacité d’exclure ces mots-clés suggérés, comme cela a déjà été fait pour les mots à caractère pornographique ou violent.

Il faudra donc attendre la décision rendue par la cour d’appel de Versailles devant laquelle l’affaire a été renvoyée afin de déterminer si les moyens d’accéder à une source sont devenus au même titre que la source elle-même, une atteinte au droit d’auteur.

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