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France : perte de pouvoir d’achat
en 2012, de quoi parle-t-on ?
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Kezako ?

Conjoncture dégradée, inflation soutenue, mesures fiscales sont autant de raisons qui devraient mettre à mal le pouvoir d’achat en 2012, celui-ci étant attendu en baisse de -0,5%. Pour saisir l’importance de ce recul, il est utile de revenir sur ce concept, sa définition, son évolution et sa perception par les ménages.

Banque Crédit Agricole

Banque Crédit Agricole

Souvent appelé la Banque verte du fait de son activité d'origine au service du monde agricole, la Banque Agricole est un réseau français de banques coopératives et mutualistes qui est devenu depuis 19902 un groupe bancaire généraliste international.

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Une croissance en sursis en France

Jusqu’à présent la croissance française a échappé de justesse à une contraction de l’activité, avec une croissance quasi-nulle au cours des deux derniers trimestres (+0% T1/T4 2011 ; +0,1% T4/T3). Au regard des enquêtes, l’activité reculerait néanmoins légèrement au deuxième trimestre (-0,1% t/t) pour se redresser mollement par la suite (+0,2% t/t aux troisième et quatrième trimestres 2012). La croissance annuelle moyenne serait en ralentissement très marqué en 2012 (+0,3%, après +1,7% en 2011), puis en reprise très modeste en 2013, 1,1 %.

La résistance relative de la croissance française se confirme. La France reste pour l’instant le seul grand pays européen à ne pas avoir connu de trimestres de recul de son activité au cours des six derniers mois. Le tableau conjoncturel n’est pas réjouissant pour autant. L’activité fait du surplace : après avoir très légèrement progressé au quatrième trimestre 2011 (+0,1% t/t), le PIB est resté stable au premier trimestre 2011 (+0% t/t). En ce début d’année, l’économie peine à trouver des relais de croissance. La demande intérieure a ralenti, tirée vers le bas par le recul marqué de l’investissement des entreprises (-1,2% t/t). À l’inverse, la consommation a faiblement accéléré (+0,2% t/t, après +0,1%) sous l’impulsion d’une forte progression des dépenses énergétiques (+4% t/t) en lien avec la vague de froid de février. À cela s’ajoute une contribution négative à la croissance du commerce extérieur (-0,1 point) résultante du rebond des importations (+0,7% t/t, après -1,4%) et du net freinage des exportations (+0,3%, après +1,1%). En effet, si ces dernières avaient été portées par des commandes importantes hors de la zone euro (principalement dans l’aéronautique) à la fin de l’année dernière, elles restent freinées par l’affaiblissement de la demande de nos principaux partenaires européens.

Les perspectives d’activité des entreprises ne laissent pas espérer d’embellie à court terme et restent empreintes d’une forte incertitude. Les enquêtes des deux premiers mois du deuxième trimestre 2012 témoignent d’une dégradation marquée de l’activité, en particulier les PMI dont le niveau (à 44,7 en mai) s’éloigne de plus en plus de la zone d’expansion de l’activité (50 et plus). Une certaine précaution est néanmoins de mise par rapport à l’interprétation de cette enquête. Notamment, avec la réactivation de la crise des dettes souveraines et le manque de visibilité qui l’accompagne, l’indice serait pénalisé par une perception très négative des perspectives générales de production, alors que les perspectives personnelles résisteraient mieux. Ce décalage apparaît nettement dans les enquêtes Insee et suggère unecontraction moins marquée de l’activité au deuxième trimestre (anticipée à -0,1% t/t).

La prévision de croissance de l’activité en 2012 resterait quasiment inchangée avec une progression très modeste de l’activité (+0,3%). La consommation des ménages (+0,1%, après +0,2% en 2011), traditionnel pilier de la croissance française, augmenterait très faiblement. Rappelons qu’à titre de comparaison, celle-ci a progressé en moyenne de 2,3% par an de 2000 à 2007. Depuis, avec le ralentissement marqué de la progression du pouvoir d’achat des ménages et la dégradation de la situation sur le marché du travail, les ménages ont mis un coup de frein à leurs dépenses et maintiennent une épargne élevée.

Les dépenses des entreprises seront également mal orientées, du fait d’une visibilité très réduite, de l’absence de tensions sur les capacités et de profits médiocres. Alors que l’investissement des entreprises était dans une phase de rattrapage (+4,6% en 2010 ; +5,3% en 2011) après avoir lourdement chuté en 2009 (-13,3%), il ralentirait nettement en 2012 (+0,6%). Le comportement de stock des entreprises suit à peu près la même évolution cyclique. En 2011, leur restockage avait contribué pour 0,9 point à la croissance, après -1,2 point en 2009 et +0,1 point en 2010. En 2012, les entreprises devraient légèrement déstocker, d’où une contribution négative de 0,6 point.

En 2013, sous l’hypothèse d’une amélioration très progressive sur le front de la crise de la dette souveraine européenne, le climat des affaires se redresserait peu à peu. De plus, la stabilité des prix énergétiques et le recul de l’euro joueraient favorablement. D’où une reprise très modérée, prévue à 1,1% en moyenne. Cette amélioration relative reste conditionnée à l’impact des mesures devant être mises en place par le nouveau gouvernement au cours des prochains mois et dont les détails doivent encore être précisés. Si certaines dispositions soutiendront l’économie (hausse de l’allocation rentrée scolaire, créations d’emplois publics, baisse du taux de l’impôt sur les sociétés pour les PME, création d’une banque publique d’investissement…), celles-ci risquent d’être compensées par diverses mesures de durcissement fiscal, notamment sur les revenus élevés, les revenus de l’épargne et les grandes entreprises.

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Focus : perte de pouvoir d’achat en 2012, de quoi parle-t-on ?

Conjoncture dégradée, inflation soutenue, mesures fiscales sont autant de raisons qui devraient mettre à mal le pouvoir d’achat en 2012, celui-ci étant attendu en baisse de -0,5%. Pour saisir l’importance de ce recul, il est utile de revenir sur ce concept, sa définition, son évolution et sa perception par les ménages.

Omniprésent dans les débats politiques, le « pouvoir d’achat » reste l’objet d’une certaine confusion quant à son interprétation. Il fait davantage référence à un concept abstrait utilisé pour évoquer l’état de santé général des ménages. Pourtant, la comptabilité nationale, qui sert de cadre de référence en la matière, en donne une définition précise qui permet de mesurer l’évolution de la capacité réelle d’achat des ménages. Le pouvoir d’achat est ainsi défini comme l’évolution réelle du revenu disponible brut (RDB) des ménages. Ce dernier regroupe essentiellement l’ensemble des revenus d’activité (salaires et traitements bruts des ménages), les revenus du patrimoine (dividendes, intérêts et loyers) et les prestations sociales en espèces (retraites, indemnités de chômage, allocations familiales...). Il faut ensuite le diminuer des impôts directs (impôt sur le revenu, taxe d’habitation, CSG, CRDS…) et des cotisations sociales payés par les ménages. Il s’agit donc du revenu disponible après impôt dont les ménages peuvent bénéficier pour consommer. On retire l’évolution des prix à la dépense de consommation pour obtenir sa progression « réelle » (hors effet prix). Cette mesure de prix correspond au prix de l’ensemble des biens et des services consommés par les ménages (la dépense de consommation). En cela, ils différent légèrement de ceux mesurés par « l’indice des prix à la consommation » (IPC) publié chaque mois par l’Insee, outil de référence dans la mesure de l’inflation. Par exemple, l’IPC ne prend pas en compte la totalité des dépenses de consommation des ménages, mais seulement les activités marchandes (à l’exclusion de l’autoconsommation ou de certains services publics non marchands). Ces deux indicateurs restent néanmoins très proches et l’IPC est parfois utilisé comme proxy notamment en matière de prévisions.

Définir ainsi ce concept permet de retracer l’évolution du « pouvoir d’achat » des ménages. Sur le long terme (depuis 1960), sa progression apparaît nettement corrélée à la croissance du PIB et l’on distingue souvent deux périodes (cf. graphique 1). Entre 1960 et 1973, celui-ci augmente à un rythme de 5,9% par an, contre 5,8% pour la croissance. Le RDB nominal connaît une très forte croissance (+10,7%), mais son évolution réelle est freinée par la hausse marquée des prix de la dépense de consommation des ménages (+4,6%). Après 1974, le pouvoir d’achat des ménages ralentit fortement pour atteindre le cap de +2% par an (1,9% pour la croissance). Le ralentissement du RDB est à l’origine de ce ralentissement. En effet, celui-ci décélère à +6,6% par an, alors qu’en moyenne la progression des prix reste inchangée (+4,6% par an). Cette décélération est elle-même causée par le freinage des revenus d’activité, ainsi qu’une forte hausse des impôts au cours des années 80. Néanmoins, si la tendance générale montre un ralentissement progressif du pouvoir d’achat des ménages (cf. graphique 2), ce dernier s’est très nettement accentué depuis la crise de 2008-2009. En moyenne, entre 2008 et 2011, le pouvoir d’achat a progressé à hauteur de +0,7% par an (+0% pour le PIB). Le RDB a progressé de +2,1% par an et le déflateur de 1,4%. À l’aide de nos prévisions (ci-après), nous anticipons que sur la période 2008-2013, le ralentissement du pouvoir d’achat serait marqué puisqu’il progresserait de seulement de +0,5% par an, se rapprochant du rythme de progression de la croissance (+0,3%).

Une évolution perçue plutôt correctement par les ménages ?

Les nombreuses études économiques sur le pouvoir d’achat prennent parfois pour point de départ le décalage entre l’opinion des ménages sur l’évolution de leur pouvoir d’achat et l’évolution réelle de celui-ci. Cependant, au regard de l’enquête Insee effectuée mensuellement auprès des ménages, ce décalage n’apparaît pas si évident. Les ménages semblent évaluer correctement les phases d’accélération ou de décélération du pouvoir d’achat. En effet, l’indice sur les perspectives d’évolution du pouvoir d’achat des ménages montre la justesse et la réactivité de leurs anticipations. L’indice sur l’évolution passée du pouvoir d’achat marque une perception plutôt correcte et davantage lissée de sa progression (cf. graphiques 3 & 4). Le décalage entre l’opinion des ménages et l’évolution factuelle du pouvoir d’achat doit donc être davantage compris comme une mauvaise appréhension de son rythme de progression. Les ménages réaliseraient correctement si leur pouvoir d’achat s’améliore ou se détériore, mais percevraient moins précisément à quel rythme cette évolution s’effectue. Ce décalage peut s’expliquer par plusieurs facteurs…

La mesure classique du pouvoir d’achat : une mesure qui ne tient pas compte des changements démographiques

La définition classique du pouvoir d’achat arrêtée par la comptabilité nationale constitue tout d’abord une mesure macro-économique de l’évolution des revenus réels d’une population prise dans sa globalité. Il ne tient pas compte des changements démographiques s’opérant progressivement dans la population. D’autres mesures du pouvoir d’achat ont donc été progressivement élaborées pour déduire l’impact de ces effets démographiques sur celui-ci. À l’échelle de l’individu, le « pouvoir d’achat par personne » permet de tenir compte de la forte augmentation de la population française, impliquant une hausse moins rapide des revenus par tête. Entre 2000 et 2007, celui-ci a ainsi progressé de +1,7% par an, contre +0,2% entre 2008 et 2011, alors que le pouvoir d’achat global progressait de respectivement +2,4% et +0,7% pour ces deux périodes. À l’échelle du ménage, le « pouvoir d’achat par ménage » tient compte à la fois de la progression de la population et de la montée progressive du phénomène de décohabitation des familles qui jouent tout deux positivement sur le nombre de ménages et négativement sur la masse de revenus disponibles au sein de cette unité.

Consécutivement, ce dernier a tendance à progresser moins vite que le pouvoir d’achat par personne. Entre 2000 et 2007, il a augmenté de +1,1% par an et a diminué entre 2008 et 2011 au rythme de -0,3% par an. Néanmoins, le pouvoir d’achat par ménage ne mesure pas la modification du pouvoir d’achat induite par l’évolution de la composition même du ménage. L’évolution des revenus disponibles au sein d’un ménage varie nécessairement en fonction de sa taille et des membres qui le compose. Le pouvoir d’achat par unité de consommation1 tient compte ainsi de ces effets sur les ménages et en cela peut être considéré comme un indicateur plus représentatif au niveau du ménage. Or, de façon générale, son rythme de progression se rapproche de celui du pouvoir d’achat par personne (supérieur à celui par ménage). Entre 2000 et 2007, celui-ci a ainsi augmenté exactement au même rythme (+1,7%) et très légèrement en deçà entre 2008 et 2011 (+0,1%, cf. graphique 5).

Le choix discutable du revenu disponible brut comme revenu de référence

Le revenu disponible retenu par la comptabilité nationale pour mesurer l’évolution du pouvoir d’achat peut différer de celui prise en compte « inconsciemment » par les ménages pour estimer leurs capacités d’achat. Au niveau des revenus constituant le RDB, certains dits « imputés » ne sont généralement pas comptabilisés par ceux-ci. Par exemple, les ménages propriétaires-occupants bénéficieraient de loyers fictifs imputés, ce qui augmenteraient leurs revenus et leurs consommations simultanément. Ces loyers sont, en effet, considérés comme une production de services de logement. Or les loyers imputés représentent ainsi plus du dixième du RDB et de la dépense de consommation privée.

À l’inverse, d’autres revenus non pris en compte dans le RDB pourraient être inclus par les ménages. Il s’agit notamment d’autres ressources potentielles liées au patrimoine telles que les plus ou moins-values qui ne font pas partie du revenu courant comme défini par la comptabilité nationale. Enfin, certaines dépenses pouvant réduire les ressources disponibles des ménages sont également laissées de côté, telles que les remboursements de crédit. Dans un effort de définition d’un revenu plus proche de celui considéré par les ménages, l’Insee a introduit depuis quelques années le concept de revenu arbitrable. Ce dernier s’appuie sur l’hypothèse que les ménages baseraient leur perception de l’évolution du pouvoir d’achat sur un revenu disponible diminué des impôts directs et d’un ensemble de dépenses auxquelles ils doivent impérativement faire face à court terme comme les loyers, les dépenses de chauffage, de transports ou encore les remboursements de crédit. Néanmoins, il est intéressant de constater que l’évolution (nominale et donc réelle) de ce revenu reste très proche de celui du RDB et donc du pouvoir d’achat associé (cf. graphique 5).

Une inflation pas toujours bien perçue par les ménages

La capacité des ménages à apprécier l’évolution de leur pouvoir d’achat peut également être brouillée par leur perception de l’inflation. En particulier, leurs anticipations d’inflation montrent une surestimation de la part des ménages par rapport aux rythmes d’évolution constatés depuis le début des années 2000 (cf. graphique 6). À cette période, l’inflation a, en effet, accéléré (à 1,7% en 2000) après avoir ralenti progressivement pendant trois ans, passant de 1,9% en 1996 à 0,5% en 1999. Le ressenti des ménages est alors celui d’une très forte remontée des prix souvent associée, à tort, au passage à l’euro. En effet, les études économiques sur l’impact du changement de monnaie ont démontré son impact limité. Plusieurs autres facteurs ont davantage contribué à la remontée de l’inflation : effet de base lié à l’arrêt de la baisse du prix des carburants (à la fin des années 90), hausse des prix alimentaires liée à des intempéries, hausse du prix du tabac…

Malgré des écarts persistants, les ménages ont néanmoins plutôt bien réajusté leur opinion sur l’évolution passée de l’inflation. La difficulté générale des ménages à apprécier l’évolution de l’inflation peut s’expliquer par de multiples raisons, en partie rattachées à la manière même de mesurer l’inflation. L’indice des prix à la consommation (IPC) défini par l’Insee est calculé à partir d’un panier moyen de biens et services consommé par les ménages. Il ne prend donc pas en compte la diversité des structures de consommation individuelles. L’IPC mesure également des produits à qualité constante. Aussi, la montée en gamme de certains produits, qui peut jouer à la hausse sur leurs prix, ne sera pas répercutée sur l’IPC. Par ailleurs, le jugement global des ménages sur l’inflation peut être influencé par l’évolution de prix de produits fréquemment achetés tels que les produits alimentaires de base, le tabac ou l’essence qui peuvent subir de fortes variations à la hausse (hausse des taxes, augmentation des prix des matières premières répercutée, remontée des cours pétroliers…).

Une perception et une évolution dépendantes des situations individuelles

L’impression générale des ménages est également très dépendante de la diversité des situations individuelles. Les différentes mesures du pouvoir d’achat, du revenu ou de l’inflation évoquées précédemment et faisant figure de référence restent des mesures moyennes, les ménages étant considérés comme un ensemble homogène. Or, les différences de revenu, de niveau de vie, de statuts  professionnels, sociaux et familiaux ou encore de lieux d’habitation créent autant de pouvoir d’achat, de revenu disponible et d’indice de prix spécifiques. S’il existe pour le moment peu de mesures de pouvoir d’achat permettant d’apprécier l’évolution des diverses situations individuelles, de nombreux indices « catégoriels » de prix Insee tiennent compte de celles-ci en différenciant les structures de consommation par rapport à un ensemble de critères tel que les revenus, l’âge de référence du ménage, la CSP, la composition du ménages... L’évolution de ces indices permet de constater qu’en fonction du critère
retenu, les écarts entre ménages peuvent être substantiels et alimenter un sentiment de décalage par rapport à l’évolution moyenne du pouvoir d’achat. Si l’on se penche notamment sur la classification des ménages par décile de revenu, on constate qu’entre 1998 et 2010, la progression annuelle de l’indice des prix à la consommation du premier décile a été supérieure en moyenne de +0,2 ppt par an à celle de l’indice du dixième décile (respectivement +1,7% a/a, contre +1,5%) soit un écart cumulé de +2,58 ppt (cf. graphique 7).

Toutes choses égales par ailleurs (hors évolution des revenus), la perte relative de pouvoir d’achat des ménages appartenant au premier décile a donc été de même ampleur. Les autres indices catégoriels mettent en avant, à des degrés divers, la situation relativement moins enviable des ménages aux niveaux de vie les moins élevés, de certaines CSP (en particulier les ouvriers), des familles monoparentales ou encore des locataires (par rapport aux ménages propriétaires).

Pouvoir d’achat : Évolution 2011 – 2012 - 2013

Malgré ce décalage existant par rapport à l’évolution des situations individuelles, la mesure traditionnelle du pouvoir d’achat s’avère un indicateur essentiel de l’évolution de l’état de santé financier des ménages. En France, son évolution récente et à venir ne s’annonce pas très brillante (cf. graphique 8), conséquence directe de la dégradation conjoncturelle en cours depuis 2008…

Sous le signe du ralentissement, voire du recul

En 2011, la progression du pouvoir d’achat a été faible (+ 0,5% en moyenne sur l’année) en frein marqué par rapport à 2010 et 2009 (+0,9% et +1,1% respectivement). Ce ralentissement a été principalement le résultat de la forte accélération des prix de la dépense de consommation (+2,1%, contre +1,1% en 2010) malgré la très nette augmentation des revenus d’activité (+3,3%, après +1,9% en 2010). Composante centrale des revenus d’activité (~80%), la masse salariale a en, effet, accéléré de +2,3% en moyenne en 2010 à +2,9% sous l’impulsion d’un léger mieux temporaire du côté de l’emploi (+0,5%, après -0,1%).

En 2012, le pouvoir d’achat des ménages est attendu en baisse (-0,5% a/a). Le net freinage des revenus d’activité (à +1,9%) associé à une très faible décélération de l’inflation (à +1,9%) contribuerait en grande partie à ce recul. Malgré les deux hausses du SMIC sur la fin de l’année 2011 (+2,1% en novembre et +0,3% en décembre) et celle de juin 2012 (+2%), la masse salariale ralentirait du fait du freinage du salaire par tête (+2%, après +2,4%) et surtout du retournement de l’emploi. Ce dernier reculerait
légèrement (-0,2%) après sa timide progression de 2011. Dans un contexte conjoncturel dégradé et de visibilité réduite, les entreprises seraient en effet incitées à réduire leurs coûts salariaux en limitant les nouvelles embauches et la hausse des salaires. Ceci est d’autant plus vrai qu’elles doivent faire face à une situation financière détériorée (niveau historiquement bas de leur taux de marge).

En 2013, le pouvoir d’achat se ressaisirait légèrement, mais sa progression resterait faible (+0,4%). Dans l’hypothèse d’une accalmie très progressive sur le front de la crise des dettes souveraines européennes, la croissance repartirait très prudemment (+1,1% après +0,3%) et les perspectives d’activités s’amélioreraient. Les entreprises limiteraient néanmoins toujours leurs embauches au regard de l’état détérioré de leurs profits et de la nécessité d’accroître leurs gains de productivité. L’emploi progresserait donc que très modérément (+0,2%) et les salaires par tête connaîtraient une hausse très modeste (+2,2%). Néanmoins, les prix devraient poursuivre leur phase de ralentissement (+1,7%, après +1,9% en 2012 et +2,1% en 2011) ce qui contribuerait à soutenir le pouvoir d’achat. En 2012 et 2013, les nouvelles mesures fiscales destinées à redresser les comptes publics pèseront également sur le revenu des ménages et donc l’évolution de leur pouvoir d’achat…

Sous le signe de la rigueur budgétaire

Entre 2000 et 2007, les prélèvements sociaux et fiscaux (impôts sur le revenu et le patrimoine et cotisations sociales salariales) ont progressé de +3,7% par an en moyenne. Entre 2012 et 2013, ils augmenteraient de plus de 4%. Cette augmentation serait en grande partie imputable à la forte hausse des impôts courants sur le revenu et le patrimoine supérieure à +8% sur les deux prochaines années contre +2,8% entre 2000 et 2007. Si en 2012, la bonne tenue des revenus de l’année précédente (RDB +2,6%) explique en partie la progression de la base d’imposition, les nombreuses mesures budgétaires décidées dans le cadre du projet de loi de finances 2012 contribuent également très fortement à la hausse de la pression fiscale. Au niveau de l’impôt sur le revenu, on peut notamment citer la désindexation du barème de l’impôt sur le revenu et de l’ISF, l’alourdissement de l’ISF et l’instauration d’une taxe exceptionnelle sur les très hauts revenus.

Pour les autres types de mesures relevant les prélèvements sociaux et fiscaux, on retrouve notamment : l’augmentation du prélèvement forfaitaire libératoire sur les revenus de l’épargne (PFL), la hausse des prélèvements sociaux sur les revenus de l’épargne… Dans le cadre du projet de loi de finances 2013 (qui sera voté en septembre 2012), de nouvelles mesures seront également mises en place, afin de participer à l’effort de 33 milliards nécessaire pour atteindre l’objectif de déficit à 3% en 2013. Les principales mesures évoquées à ce jour sont : l’alignement de la taxation des revenus du capital et du travail (suppression du PFL), la réduction du plafond du quotient familial, la création de deux nouvelles tranches d’imposition sur le revenu (à 45% pour la partie des revenus supérieurs à 150 000 d’euros et à 75% pour celle supérieure à 1 000 000 d’euros) ou encore la hausse des cotisations retraites… À ces nouvelles mesures s’ajoute également la montée en puissance des mesures décidées dans le cadre du collectif budgétaire de juillet 2012. L’ensemble devrait peser lourdement sur le pouvoir d’achat plus particulièrement sur celui des ménages aisés. L’effet sur la consommation serait néanmoins limité, ces ménages ayant une propension à consommer moins élevé que la moyenne et pouvant puiser dans leur épargne pour lisser leurs dépenses dans le temps.

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