Quand l’affaire PSA révèle l'ultra-gauche Canada Dry<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Front de gauche de Mélenchon se révèle avec l'affaire PSA.
Le Front de gauche de Mélenchon se révèle avec l'affaire PSA.
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Mélenronchon

Allié critique du Parti socialiste, le Front de gauche a montré toutes ses difficultés pour trouver son positionnement politique lors du conflit de cette semaine entre le gouvernement et Peugeot.

Bruno Bertez

Bruno Bertez

Bruno Bertez est un des anciens propriétaires de l'Agefi France (l'Agence économique et financière), repris en 1987 par le groupe Expansion sous la houlette de Jean-Louis Servan-Schreiber.

Il est un participant actif du Blog a Lupus, pour lequel il rédige de nombreux articles en économie et finance.

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Ce que nous appelons l’ultra gauche Canada Dry, c’est le Front de gauche de Mélenchon. Pourquoi Canada Dry ? Parce que ce Front s’est constitué sur la base d’une alliance avec le Parti socialiste, parti bourgeois. Une partie de la vraie ultra gauche a refusé cette stratégie, ce qui explique, par exemple, la position du candidat Philippe Poutou et l’actuelle position d'Olivier Besancenot.

La position de l’ultra gauche Canada Dry de Mélenchon sur la restructuration de Peugeot vient d’être exprimée par les principaux leaders de ce rassemblement. Nous vous rappelons que l’ultra gauche a été évincée du gouvernement, elle est amère, mais elle n’a aucune solution, aucune issue. Son audience est trop faible, bien entendu, au Parlement ; elle est trop faible également dans l’ensemble du pays, comme l’a manifesté la déception du score de Mélenchon à l'élection présidentielle.  En fait, l’ultra gauche Canada Dry n’a pas de stratégie de rechange.

Elle n’a pas de stratégie politique de rechange.  L’exemple vient encore d’en être donné en Grèce avec l’échec de Tsipras. Elle n’a pas de stratégie de rechange en France non plus, à ce stade. La rodomontade d’un troisième tour social, c’est-à-dire troisième tour syndical et manifestations de rues, a été piteusement différée. Le Parti communiste n’est plus ce qu’il était, les dissidents de la LCR sont un peu faibles malgré de fortes positions ponctuelles; par conséquent, il est urgent d’attendre.

Justement, en attendant la dégradation de la situation, en particulier sur le plan de l’emploi, l’ultra gauche pose des banderilles.

Le dossier PSA est l’occasion rêvée d’une de ces banderilles. A cette occasion, il est intéressant de tracer la ligne de partage entre la position, comme ils disent « des partis bourgeois » (le PS) et la position de l’ultra gauche.

Mélenchon commence son analyse par un peu de venin et beaucoup de haine de classe. C’est normal dans la pratique de l’ultra gauche, il faut salir les adversaires. Il paraît que cela fait mieux comprendre au peuple la logique de la lutte des classes.  Donc, il est évident, nous le disons pour la petite histoire, car ce n’est pas de l’analyse, que tout commence par le dénigrement, voire l’insulte à l’égard de la famille Peugeot.

Passons aux choses sérieuses. L’ultra gauche critique l’analyse de Hollande sur le « redressement productif », ce que nous appelons le Viagra productif. L’analyse est sérieuse et bien vue. Mélenchon met en avant le fait que Hollande se rallie à la logique internationale du capital : « le redressement productif ne doit pas être défensif. Il doit au contraire permettre à la France, à ses travailleurs et à ses entreprises de s’adapter aux changements permanents, de s’orienter vers les secteurs d’avenir, d’engager les transitions indispensables ». Les propos de Hollande sont des propos officiels. Ils signifient en clair le ralliement du nouveau président à la logique capitaliste défendue par le FMI, l’Allemagne, voire les marchés financiers. Le plaidoyer de Hollande signifie qu’il faut accepter le changement, qu’il faut être flexible, qu’il faut rechercher l’innovation et entretemps,… et bien, faire les transitions.

Fidèle à sa réputation de bretteur, Arnaud Montebourg a vivement mis en cause l’actionnaire principal de PSA.”La famille Peugeot a un certain nombre de choses à nous dire je le crois”, a-t-il dit mardi lors de la séance des questions au gouvernement à l’Assemblée. Il s’est notamment demandé pourquoi il y avait eu “des opérations financières au moment même où Peugeot commençait à voir apparaître ses premières difficultés et notamment le versement de dividendes”, a-t-il ajouté. Le ministre a également dit avoir “un vrai problème” avec la stratégie du constructeur et donc de la famille Peugeot, actionnaire principal de PSA, avec 25,4% du capital. 

Ces critiques ont entraîné une contre-attaque de Thierry Peugeot, président du conseil de surveillance de PSA. Dans une interview parue vendredi dans Le Figaro, il rend le gouvernement responsable de la chute de l’action PSA en Bourse. ”Si le cours a chuté autant, c’est que les attaques dont le groupe fait actuellement l’objet ont un effet immédiat sur la perception des actionnaires du groupe”, a-t-il dit. “C’est une situation qui est dangereuse. La capitalisation boursière aujourd’hui de 2,3 milliards d’euros est extrêmement faible et n’a rien à voir avec les capitaux propres de l’entreprise.” 

Après l’annonce de 8 000 nouvelles suppressions d’emplois en France et la fermeture de l’usine d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) pour tenter d’endiguer les pertes financières du constructeur sur fond de chute des ventes en Europe, l’action PSA a chuté de près de 18% en quatre séances. Le titre a rebondi de près de 4% mercredi, puis encore de 7,6% jeudi. Selon Thierry Peugeot, qui doit être reçu jeudi prochain par Arnaud Montebourg, cette situation rend le groupe vulnérable à une OPA. “Tout est possible. Il faut agir.” “Nous sommes prêts à accepter la critique, mais il y a des limites”, a-t-il ajouté dans Le Figaro, rappelant que le groupe ne prévoyait aucun licenciement sec dans son plan. 

L’opposition de droite estime elle aussi qu’Arnaud Montebourg affaiblit un des fleurons de l’industrie française. “C’est irresponsable ce que fait le gouvernement”, a dit sur Europe 1 l’ancien Premier ministre François Fillon.  ”Quelle est cette attitude qui consiste à taper sur une entreprise, à la dénoncer, à émettre des soupçons, alors que cette entreprise est aux premières loges dans le combat de la mondialisation?” a-t-il dit. “Montebourg, c’est l’arrière qui tire dans le dos de ceux qui sont aux premiers rangs du combat.” Jean-François Copé a estimé de son côté que le ministre socialiste mettait en danger des “milliers d’emplois”.

“Je pense que l’économie française est en train d’avoir un sérieux problème avec Arnaud Montebourg”, a dit le secrétaire général de l’UMP sur RTL. “Je n’ai jamais imaginé qu’un ministre de l’Industrie allait à ce point frapper personnellement (…) l’image des grandes entreprises de notre pays.”

A cette analyse, l’ultra gauche répond :

La compétitivité est un rideau de fumée. La question du coût excessif du travail est une fumisterie. Mélenchon explique que Hollande n’a rien compris : « le problème de l’industrie française n’est pas un problème de compétitivité et de coût du travail ».

Vous remarquerez que Mélenchon ne dit pas quel est le problème industriel, cela ne l’intéresse pas, que ce soit la question des coûts, ou la question plus globale de la compétitivité. Non, notre ami Mélenchon préfère faire tout de suite sa grande pirouette qui nous conduit au deuxièmement.

Le problème numéro 1 de l’industrie, c’est le coût du capital et sa financiarisation. Remarquez en passant que lorsque certains, parmi nos lecteurs, disent que nous sommes Mélenchonnistes ou Mélenchonniens, ils ne se trompent pas beaucoup. En effet, nous ne cessons de stigmatiser, comme une litanie, l’hypertrophie des profits qui reviennent au capital depuis le début de la grande mutation de la financiarisation.

Mais c’est là où Mélenchon se moque du peuple car ce qu’il dénonce sous le nom de « financiarisation », c’est précisément ce qui ne constitue pas la financiarisation, ce qui constitue au contraire son antithèse et sa victime. Mélenchon dénonce les 1,1 milliard de profit de Peugeot en 2010 et les 275 millions d’euros de dividendes versés l’an dernier. Est-ce que c’est de la financiarisation, absolument pas ! Il s’agit d’un bénéficie industriel, somme toute assez modeste en regard du chiffre d’affaires et des capitaux engagés. Il s’agit de dividendes normaux, et modestes, eux aussi, dans un système capitaliste, c’est-à-dire fondé sur l’accumulation privée du capital.

Et vous voyez ainsi le subterfuge, la supercherie, de ce que nous appelons l’ultra gauche Canada Dry. Elle est incapable d’attaquer frontalement un système fondé sur le profit, un système fondé sur la production de richesses réelles, donc, elle  fait le grand écart et qualifie le profit industriel de Peugeot de bénéfices issus de la financiarisation.

Bref, on utilise un terme à la mode pour désigner quelque chose qui n’en relève pas. Le bénéfice de Peugeot est un bénéfice industriel qui n’a rien à voir avec la financiarisation et les dividendes sont une rémunération normale du capital en régime capitaliste.

Pourquoi Mélenchon est-il obligé de commettre cette malhonnêteté intellectuelle ? Pour attraper les mouches avec vinaigre. D’un côté, racoler les gens qui sont contre la financiarisation, et il y en a quand même pas mal à droite comme à gauche, de l’autre, pour racoler les anticapitalistes forcenés, les anti-capital, les anti-profits. Et au milieu, racoler de façon démagogique le monde du travail victime des licenciements.

L’ennui, c’est que seule une analyse logique fondée sur la vérité est efficace. Et l’analyse de Mélenchon, de l’ultra gauche, et des collaborateurs bourgeois en général, est boiteuse et comme tout ce qui boite, elle a du mal à tenir debout.

Voilà la vraie analyse de Mélenchon. Nous ne nous attarderons pas dans l’analyse car il faudrait un livre. Outre le fait que l’industrie est malade de la finance (proposition vraie mais fondée sur une erreur princeps, voir ci-dessus),  l’ultra gauche considère que le problème de l’industrie automobile est celui d’une protection insuffisante aux frontières, celui d’une absence de planification. On ajoute pour faire bonne mesure, mais nous reconnaissons que ce n’est pas trop stupide, une insuffisante prise en compte de l’impératif écologique, une insuffisante prise en compte des externalités. On a du mal à démêler dans la suite de l’argumentaire ce qui est d’ordre purement publicitaire de ce qui est raisonnable car on trouve pêle-mêle, un crédo sur l’exploitation des travailleurs étrangers, sur le coût de la casse sociale, « sur les débats écologiques causés par le transport des marchandises d’un bout à l’autre du globe ». 

Il n’est nullement question, dans les analyses de l’ultra gauche, de l’effondrement du marché de l’automobile, de la nécessité d’organiser sa régression ou même de changer de modèle de croissance,  il n’est nullement question des forces fondamentales et irrépressibles qui condamnent l’automobile, ou plus exactement l’industrie automobile, telles que nous les connaissons. Régression du marché, baisse du pouvoir d’achat, concurrence accrue de la part des pays émergents, tout cela est hors sujet, considère l’ultra gauche.

En revanche, ce qui est en plein dans le sujet, c’est le fait que la détention de Peugeot soit capitalistique et familiale. L’ultra gauche va même jusqu’à taxer la famille Peugeot d’incompétence : « ce sont des incapables ».  Donc, la première chose pour l’ultra gauche, c’est que la famille Peugeot, ce sont des incompétents. Ne pouvant l’attaquer sur son train de vie, ils l’attaquent sur l’auto-détention du capital et sur les dividendes distribués.  De la même façon, l’ultra gauche attaque le manager de Peugeot, Varin, sous prétexte qu’il toucherait un salaire scandaleux de 3,3 millions d’euros par an. Que représentent 3,3 millions d’euros dans un monde où un joueur de football comme Ibrahimovic s’est vu octroyer publiquement une rémunération de 14 millions d’euros. Nous ne sommes pas pour les salaires élevés, nous ne sommes pas pour le creusement des inégalités, nous faisons observer simplement que le salaire de Varin est ridiculement bas comparé à celui d’Ibrahimovic, compte tenu de l’utilité sociale des deux personnes. Nos sociétés ont un problème d’utilité sociale et donc un problème de valeur et de salaire social, c’est sur cette question qu’il convient de réfléchir et elle dépasse très largement l’idéologie mélenchonniste.

Quand nous avons écrit que François Hollande était condamné à se renier et même à abjurer publiquement sa foi socialiste, nous étions en plein dans le mille. Vous le voyez clairement, à la fois dans l’analyse de Hollande du redressement productif, et en même temps, dans la critique de Mélenchon de ce même redressement. Une grande partie des électeurs de Hollande, ceux qui se reconnaissent dans l’ultra gauche et ceux qui forment l’aile gauche dure du PS, commencent à partager notre avis.

Cet article a été publié préalablement sur le blog alupus.

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