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La République exemplaire, c’était donc ça... Quand l’Assemblée nationale agit comme si elle était au-dessus de la Loi
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Tartuffes

La commission des finances de l'Assemblée nationale a rejeté ce jeudi l'amendement Courson sur la fiscalisation des frais des parlementaires. Une triple erreur de la part de l'Assemblée, qui montre là qu'elle ne fait pas corps avec les Français et se place au-dessus des principes de transparence qu'on attend d'elle.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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On aurait tort de vouloir minimiser la portée du rejet, par l’Assemblée nationale, de l’amendement de Courson qui prévoyait la fiscalisation de l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) versée aux députés lorsqu’elle est utilisée à des fins personnelles. L’amendement avait du sens: il ne cherchait pas à interdire ce chèque de près de 6.500 euros mensuels délivré chaque mois aux représentants du peuple souverain. Il cherchait juste à en moraliser l’utilisation, en le transformant en revenu déclaré fiscalement lorsque son usage n’est pas lié à l’intérêt général.

Pour parvenir à cette fiscalisation, il fallait que les députés expliquent la nature des dépenses que cette indemnité supportait. Le député Courson proposait donc une mesure de transparence conforme à l’article 15 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, qui fait partie, rappelons-le, du bloc de constitutionnalité, c’est-à-dire des textes à valeur constitutionnelle. Cet article prévoit que chaque citoyen peut demander des comptes aux représentants publics sur leur gestion concrète.

Il assez étonnant qu’après avoir soutenu un candidat dont le mot d’ordre était une « République exemplaire », les députés socialistes aient rejeté cet amendement. Selon la règle du « Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais », ils ont privé le président de la République d’une belle occasion de mettre en application ses promesses électorales. Ils  ont surtout manifesté le recul qu’ils prenaient vis-à-vis des règles démocratiques et prouvé une fois de plus, que la démocratie représentative ressemble de plus en plus à un malade en soins palliatifs.

L’amendement du député Courson serait apparu dans un monde idéal, je n’en dirais pas autant. Mais les affaires qui ont éclaté en Grande-Bretagne, et en France, par exemple avec le député Pascal Terrasse, montrent bien que la représentation nationale, qui vit bien, utilise parfois, souvent ? nous n’en savons rien, faute de transparence démocratique, des manœuvres de petites frappes pour améliorer encore son train de vie.

En outre, nous vivrions une époque d’expansion sans limite, ces petits arrangements paraîtraient anodins. Mais l’heure est grave pour les finances publiques. Pascal Terrasse lui-même le dit : sur son blog, à propos de la sécurité sociale, on lit: « nous devons trouver de nouveaux modes de financement. » Et d’ajouter: « il faut notamment mettre à contribution les autres facteurs de production comme le capital. »

Taxer les autres, mais ne pas se taxer soi-même, tel est le réflexe minable de la représentation nationale. Tel est le spectacle décadent que ces indignes héritiers des Conventionnels et du Tiers offrent à un pays en proie à l’angoisse du chômage et de la précarité.

Minimiser la portée de cette faute serait une triple erreur.

Une erreur parce qu’une représentation nationale qui ne fait pas corps avec le peuple qui l’a élue, qui n’en partage ni les efforts ni les épreuves, est une représentation nationale sans aucune légitimité. Au moment où chacun sent bien qu’il faut « prendre sur soi », l’écoeurant spectacle de ces petits marquis qui refusent de se soumettre aux rigueurs qu’ils imposent au peuple français n’est pas admissible, et sape pour longtemps le droit de cette assemblée à parler en notre nom.

Une erreur parce qu’une représentation nationale qui refuse de donner une application concrète à l’un des plus beaux principes proclamés par la Révolution, celui du  droit du citoyen à demander des comptes à ses élus et aux agents publics en général, cette représentation nationale-là viole la loi, viole le droit, et ce luxe-là, nous ne pouvons plus nous l’offrir en temps de disette.

Il y a tout simplement rupture d’égalité entre le citoyen non élu, qui doit rendre compte devant l’agent du fisc de l’usage qu’il fait de ses frais professionnels, et le citoyen élu qui place une part importante de ses revenus en dehors de ces contrôles. Cette rupture d’égalité est un scandale.

Une erreur enfin, parce que la représentation nationale de la France montre le mépris qu’elle a pour la transparence démocratique. La République exige pourtant que nous sachions très exactement quel usage est fait de nos impôts. Le contribuable n’est pas un sujet obligé de payer sans contrepartie. Il est un citoyen libre, doté du droit de savoir si l’argent public que perçoit son député sert à représenter le peuple, ou à mener grand train dans les salons parisiens.

Il est très probable que nous n’ayons, pendant de trop nombreuses années, qu’excessivement, que nocivement transigé sur la morale qui devrait inspirer l’ensemble de la conduite publique. Il est temps de revenir à la vertu collective qui a fondé l’esprit républicain.

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