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Slips réhausse-fesses :
l’homme moderne est-il
définitivement un objet ?
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Vaginocratie ?

Les hommes sont de plus en plus coquets, et n'hésitent plus à céder à certaines tendances pour tendre au corps parfait. Avec l'arrivée du boxer "push up" sur le marché, l'homme n'est-il pas en train de devenir une femme comme les autres ?

Vincenzo Susca

Vincenzo Susca

Vincenzo Susca est maître de conférences en sociologie à l’Université Paul-Valéry de Montpellier, directeur éditorial des Cahiers européens de l’imaginaire et chercheur associé au Ceaq (Sorbonne). Ses derniers livres sont Les Affinités connectives (Cerf, Paris 2016) et Pornoculture. Voyage au bout de la chair (Liber, Montréal 2017, avec Claudia Attimonelli). Il a aussi publié, entre autres, A l’ombre de Berlusconi (L’Harmattan, Paris 2006), Transpolitica (Apogeo, Milan 2010, avec D. de Kerckhove) et Joie Tragique (CNRS éditions, Paris 2010).

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Atlantico : Après trois ans de recherche & développement, la marque italienne D.Hedral lance sur le marché un boxer "push-up" pour les hommes. Cela tend-il à prouver que l'homme est en quête d'une nouvelle image dans notre société ?

Vincenzo Susca : Je dirais plutôt qu’on est en phase d'accomplissement d'un processus. L'homme est de plus en plus accompagné de prothèses et d'extensions.

Ce qu’il y a d’intéressant, c’est que l’on assiste aujourd'hui à une inversion des tendances. On est dans un paradigme qui va vers la prévalence du ludique. Les extensions ou les prothèses sont une manière pour l’homme de s’élargir, mais aussi de se perdre : une forme de renoncement à soi. L’accomplissement de ce processus veut dire que l’acte même qui représente la cristallisation du plaisir est vécu par le biais d’une extension qui dépasse l’humain même.

Pareilles pratiques présentent-elles des risques ?

Je ne veux pas réfléchir en terme de "bien ou mal", mais au contraire penser au-delà de ces concepts. Il n’y a pas d’humain sans technique. Je considère qu’essayer de détourner la technique pour une finalité ludique a un aspect vertueux.

J’y vois une certaine sagesse. Détourner les machines - qui renvoient à l’univers de la technique - vers des finalités liées à la recherche de plaisirs partagés. Des plaisirs que l’on peut éprouver avec l’autre. Le sex toy est par exemple devenu un objet de convivialité, qu’on s’offre désormais même à Noël ! Voyez le détournement de l’imaginaire de ce type d’objet. Avant, ce n’était qu’à Pigalle ou dans des endroits sordides et sales. Aujourd’hui, cela peut-être un jeu, voire même un luxe. Cela m’amuse beaucoup !

Peut-on parler d’une féminisation de l’homme ?

J’aime beaucoup l’idée qu'il puisse y avoir des dépassements de dualité. Culture / technique, homme / femme, etc. Ces schémas deviennent dépassés. Ce n’est pas un hasard si l’on voit proliférer le mot « trans ». Habituellement, on est en présence de centralités symboliques indiquant une certaine séparation entre l’homme et la nature. Aujourd'hui, je vois une prédominance du vagin. Ce n’est plus une manière de "pénétrer le monde", mais plutôt de "l’accueillir en soi".En ce sens, il y a une forme de féminisation de l'homme...

Quelles leçons peut-on en tirer ?

J’ai l’impression qu’il y a une forme de sagesse plus ironique qui consisterait à jouer, à faire plaisir, même en usant de vecteurs qui ont conduit à la décentralisation de l'homme. Je pense en particulier aux machines, qui ont asservi l’homme au travail et au service du progrès. Prenons garde toutefois à ne pas renier notre liberté ! Et continuons de profiter de ces choses qui nous dominent.

La domination, est-ce la dépendance à ces machines ?

Tout à fait ! J’aime la métaphore du film de Charlie Chaplin « Les temps modernes », car sa manière de danser enchainé au travail, c’est en fait l’archétype d’une forme de sagesse et d’ironie, qui fait que l’on arrive à jouir et s’amuser même dans le contexte du travail.

Plutôt que de mourir enchaîné, on préfère danser et prendre un peu de plaisir.

Propos recueillis par A.N

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