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Allemands et Britanniques sévères
à l'égard de l'interventionnisme gouvernemental français
sur le cas PSA
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Et paf !

Le journal conservateur allemand Die Welt titre, dans une tribune au vitriol, « La France est perdue ». Les Allemands, champion de la compétitivité, ne voient d'un bon oeil l'action du gouvernement, notamment l'instauration d'une taxe sur les modèles haut de gamme, là où les Britanniques, qui n'ont plus d'industrie automobile, sont plus modérés.

Christian Schubert et John Lichfield

Christian Schubert et John Lichfield


Christian Schubert 
est correspondant étranger pour le journal allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung.
 


John Lichfield
 est correspondant pour le journal britannique The Independent à Paris depuis 1996.

Voir la bio »

Atlantico : Une tribune d'opinion publiée en Une deDie Welt, titrait « La France est perdue ». Une allusion à la suppression de 8 000 postes par PSA Peugeot-Citroën. Comment jugez-vous la position du gouvernement français vis à vis de PSA ?

Christian Schubert: Le gouvernement n'a pas beaucoup de moyens pour intervenir. Il n'a pas de participation dans le capital de PSA.

La situation actuelle est aussi dûe à certaines politiques menées dans le passé. Ainsi, la prime à la casse a favorisé l'achat de petites voitures fabriquées à l'étranger et n'a pas incité les constructeurs à s'orienter vers la production de modèles haut de gamme.

Si une taxe sur les voitures haut de gamme est instaurée, cela aurait des effets très négatifs. En effet, une intervention protectionniste risque de ne pas être acceptée par Bruxelles. Le principal problème de PSA est de ne pas s'être tourné suffisamment vers l'étranger, notamment vers les pays à forte croissance. Peugeot-Citroën est trop concentré vers les marchés d'Europe du sud et la France. On ne pourra pas sauver PSA avec des mesures protectionnistes.

Arnaud Montebourg, avant d'être ministre, avait un positionnement très protectionniste, notament avec le thème de démondialisation. Mais il s'agit de recettes anciennes qui n'ont jamais fonctionné. Il faut améliorer la compétitivité de la France. Mais le gouvernement n'a rien présenté dans cette voie. Il a surtout annoncé des taxes supplémentaires.

John Lichfield: La plupart des commentateurs britanniques considèrent effectivement qu'il est difficile d'agir lorsqu'il s'agit d'une aussi grande industrie. Mais il faut prendre du recul par rapport à l'histoire même du Royaume-Uni.

L'industrie automobile britannique était aussi importante que son homologue française. Mais aujourd'hui, nous n'avons plus de constructeur nationaux outre-Manche. Tous sont étrangers. La presse britannique est donc plus nuancée et estime que l'industrie française est dans la même situation que les Britanniques dans les années 1970 ou 1980 lorsque nos industries étaient menacés.

A l'époque, le gouvernement conservateur de Margaret Thatcher avait décidé de ne pas aider cette filière. Résultat : nous n'avons plus de constructeur automobile. Nous n'avons donc pas de leçons à donner sur ce sujet.

La tribune estime que François Hollande s'apprête à accorder des subventions aux constructeurs français en contrepartie de l'instauration d'une taxe sur les voitures de luxe, qui sont essentiellement allemandes. Pensez-vous que le gouvernement cherche à maintenir des industries "sous perfusion" plutôt que d'adopter des mesures visant à accroître la compétitivité de l'industrie française ?

Christian Schubert: Même sous le gouvernement de François Fillon et sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la France restait encore trop étatique et centralisée. Il faut donner plus de libertés aux entreprises et réduire les charges qui pèsent sur elles et décentraliser les initiatives puisque ces dernières émergent des entreprises.

Par exemple, la recherche est trop axée sur l'Etat. Mais ce sont les consommateurs qui permettent de déterminer les produits qui seront consommés demain. Les entreprises doivent jouer un rôle plus important.

John Lichfield : Effectivement, les socialistes français ont tendance à agir ainsi. Mais Hollande et Ayrault sont limités par les règles européennes. 

La France a un problème de coût du travail. François Hollande, Jean-Marc Ayrault et Arnaud Montebourg sont d'ailleurs en train de se pencher sur cette question. Il est difficile de concurrencer des usines de l'Europe de l'est par exemple.

Comme l'a dit le PDG de PSA dans le journal Le Monde, PSA est en train de payer le fait d'avoir été plus patriotique que Renault en maintenant une plus grande partie de sa production sur le territoire français. Le gouvernement doit réfléchir sur la question du coût du travail même si Pierre Moscovici estime qu'il ne s'agit pas d'un problème.

Le journal qualifie Hollande de « premier de la classe frustré » caractéristique de l'élite française et appelle Angela Merkel à se tourner vers d'autres partenariats pour contourner le Président français. Le couple franco-allemand n'est-il pas incontournable pour la construction européenne ?  Un axe franco-britannique peut-il le remplacer ?

Christian Schubert: Le Président Hollande a eu l'idée d'ouvrir l'axe franco-allemand afin de renforcer les liens avec l'Espagne et l'Italie. Il a donné un peu moins de poids à cette relation bilatérale, ce qui n'est pas une mauvaise chose en soit car celle-ci ne doit pas être exclusive.

Mais si la France et l'Allemagne sont en désaccord, l'Europe est bloquée. Le passée l'a prouvé. Si la France perd en compétitivité, elle perdra en influence politique. En s'alliant avec les pays du Sud, elle risque de s'en faire le porte-parole, ce qui, à la vue de leurs difficultés économiques, n'est pas forcément une bonne idée.

John Lichfield : Chaque fois qu'il y a un nouveau gouvernement à Paris, Berlin ou Londres, la presse pense que cela déstabilise l'axe franco-allemand. Mais les Britanniques ne sont pas européens comme le sont les Français ou les Allemands. Ils sont détachés du reste de l'Europe. Un partenariat franco-britannique n'est pas viable sur le long terme, sauf sur des questions très précises comme la défense par exemple.

Il faut s'attendre à une grande amitié entre François Hollande et Angela Merkel car l'axe franco-allemand est incontournable. D'ailleurs, Hollande a déjà beaucoup fait reculer Angela Merkel sur un certain nombre de sujets. Les deux dirigeants parviennent donc à trouver des compromis. Ce qui est nécessaire.

Propos recueillis par Olivier Harmant

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