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Maîtriser nos dépenses de santé
en abolissant les rentes : la preuve
par l’optique en ligne
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Les yeux en face des trous

Le conseil de la Caisse nationale d'assurance-maladie doit débattre ce jeudi des moyens pour limiter la hausse des dépenses de santé. Parmi toutes les pistes d’économie qui doivent être étudiées, l’optique en ligne semble être une mine particulièrement prometteuse...

Pascal Perri

Pascal Perri

Pascal Perri est économiste. Il dirige le cabinet PNC Economic, cabinet européen spécialisé dans les politiques de prix et les stratégies low cost. Il est l’auteur de  l’ouvrage "Les impôts pour les nuls" chez First Editions et de "Google, un ami qui ne vous veut pas que du bien" chez Anne Carrière.

En 2014, Pascal Perri a rendu un rapport sur l’impact social du numérique en France au ministre de l’économie.

Il est membre du talk "les grandes gueules de RMC" et consultant économique de l’agence RMC sport. Il commente régulièrement l’actualité économique dans les décodeurs de l’éco sur BFM Business.

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La santé est notre bien le plus précieux, et il nous semble à tous, avec raison, que rien n’est trop cher pour la garantir. Et pourtant, nous savons aussi que le système de protection sociale craque de toutes parts, spécialement dans sa branche maladie : le déficit du régime général d’assurance maladie est passé en 2008 de 4,4 milliards d’euros à 11,6 milliards en 2010. En même temps, nous sommes réticents à payer plus pour les dépenses de protection médicale. Comment faire pour garantir la pérennité de notre système ? Parmi toutes les pistes d’économie qui doivent être étudiées, l’optique semble être une mine particulièrement prometteuse.

Les dépenses d’optique s’élèvent en France à 5,7 milliards d’euros TTC par an, et fournissent 40 millions de porteurs de lunettes. Or, un constat s’impose : en France, les lunettes restent plus chères qu’ailleurs. Le budget lunettes des Français est l’un des plus élevés d’Europe. Une étude [1] a montré que 75% des Français portant des lunettes estimaient que le prix de celles-ci était excessif. A tel point que beaucoup de nos concitoyens renoncent à en porter faute de moyens : seuls 55 % des bas revenus sont équipés de lunettes contre 71 % pour les hauts revenus [2].

Pour quelle raison nos lunettes sont-elles si chères ? Certes, les verres optiques sont des produits de haute technicité qui coutent cher, mais cela n’explique pas tout à fait le niveau élevé des prix demandés aux consommateurs. L’explication est plus simple en réalité : la marge commerciale des opticiens oscille autour de 60%. Opticien, un business très rentable… tant mieux pour eux, mais tant pis pour nous.

Comme dans beaucoup d’autres domaines, l’émergence des ventes sur Internet pourrait bien changer les choses. De nouveaux acteurs vendant les lunettes en ligne sont apparus depuis quelques mois. D’après le dirigeants d’une de ces sociétés de vente en ligne, interrogé dans le cadre d’un reportage[3], les tarifs pratiqués sur internet sont en moyenne 4 fois moins élevés sur l’ensemble montures et verres que chez les opticiens en boutique. Cette baisse de tarif est obtenue en économisant sur les frais de local et de personnel (les opticiens en ligne peuvent traiter un plus grand nombre de demandes), mais surtout en rognant sur des marges encore confortables.

L’optique en ligne illustre bien la vertu des modèles cherchant à éliminer les coûts inutiles pour se concentrer sur la valeur d’usage apportée au client, à condition évidemment qu’il ne sacrifie pas la qualité et ne représente pas un risque pour la santé. Sous réserve donc que les fournisseurs de verre soient les mêmes que ceux des opticiens et que les lunettes vendues soient aussi bien adaptées aux besoins du patient, il y a là un gisement potentiel d’économies importantes.

Certes, le consommateur pourra arguer que de toute façon, ses lunettes sont en général remboursées par sa mutuelle. L’opération n’est-elle pas indolore pour l’assuré ? En vérité non, car, ne nous y trompons pas, ce que les mutuelles dépensent en plus dans l’optique, elles ne le récupèrent pas ailleurs en augmentant le « reste à charge » sur d’autres dépenses, souvent liées à des traitement plus graves et plus coûteux. Il est alors étonnant de constater que beaucoup de mutuelles n’acceptent pas de rembourser les achats de lunettes s’ils sont passés sur internet, obligeant ainsi le client à aller acheter une paire plus chère en boutique !

Si les nouveaux opticiens en ligne parviennent à pénétrer suffisamment le marché et à surmonter les différentes barrières d’un système qui conduit à préférer maximiser les dépenses collectives, ils pourraient bien illustrer une nouvelle fois le principe économique selon lequel, en situation de concurrence, les rentes sous toutes leurs formes ont tendance à disparaître au profit du consommateur. Notre système de protection santé a plus besoin que jamais de ces chasses intelligentes aux coûts inutiles.

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[1] Etude GFK Retail and Technology 2010.

[2] sondage 2011 Happyview et Opinionway

[3] C’est notre affaire – l’enquête : rien que pour vos yeux », France 5, mercredi 11 juillet.

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