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Fiscalité : dans le match capital-travail, Hollande pose le bon diagnostic mais se trompe
de combat
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C'est grave docteur ?

Le Président de la République s'en prend aux actionnaires, alors que ce sont les banquiers qui profitent le plus du système.

Bruno Bertez

Bruno Bertez

Bruno Bertez est un des anciens propriétaires de l'Agefi France (l'Agence économique et financière), repris en 1987 par le groupe Expansion sous la houlette de Jean-Louis Servan-Schreiber.

Il est un participant actif du Blog a Lupus, pour lequel il rédige de nombreux articles en économie et finance.

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L’idée fondamentale qui anime François Hollande et certains de ses conseillers est maladroitement exprimée sous forme de contre-vérité, mais, en réalité, elle est correcte. Elle résiste à l’analyse à condition que l’on se donne la peine d’en faire une. 

Cette idée fondamentale est que, depuis des décennies, on fait la part trop belle au capital.

Depuis des décennies, la part du capital dans les revenus nationaux des grands pays industrialisés s’accroit, la part des salaires se réduit. Le phénomène est terriblement net aux Etats-Unis et il s’est propagé au monde global industrialisé, car ce sont les Etats-Unis qui fixent la contrainte de profit pour le capital en général. Pour bien comprendre cet article, il convient normalement de lire ce texte sur la crise et le système kleptocratique.

La part des salaires dans la valeur ajoutée se réduisant, les consommateurs, pour maintenir leur niveau de vie, ont substitué de la dette à leurs revenus. 

Cette dette des uns est, bien sûr, devenue capital des autres, les prêteurs. 

Nous avons assisté à une envolée extraordinaire de la masse de capital enfouie dans le système, capital fictif produit par la dette des consommateurs pour remplacer leurs revenus insuffisants, capital fictif, contrevaleur des dettes souveraines destinées à financer les déficits, capital fictif gonflé par le Ponzi de la création monétaire criminelle et les taux trop bas des Banques Centrales. 

Donc, si la masse de capital s’accroit et qu’en même temps le facteur travail est en position de faiblesse du fait du chômage et de la concurrence des pays à bas salaires, arbitrage international du travail oblige, rien d’étonnant si la part dévolue au capital dans la valeur ajoutée augmente et si, en contrepartie, celle qui revient au travail se réduit. On est, pour le travail, dans les étiages historiques les plus bas. 

Donc, fondamentalement, une analyse qui repose sur le fait que la part du travail est anormalement, historiquement insuffisante, tandis que celle du capital est excessive, cette analyse est tout à fait fondée.

Si vous regardez les cours de la bourse, si vous interrogez les détenteurs d’actions, vous verrez que cela semble être une contre-vérité. Les porteurs d’actions n’ont rien gagné depuis la fin des années 90, nous écrivons de tête, mais il nous parait que l’indice S&P500 était autour des 1330 en 1999. Et encore, en nominal. Ce qui est sûr, c’est que l’investissement en actions est structurellement perdant depuis au minimum 13 ans, cela, nous en sommes sûrs. Les actionnaires ne constituent pas le groupe social qui a bénéficié de l’hypertrophie de la part du capital dans le revenu national.

Nous ajoutons que cette perte, absence de rentabilité, est aggravée par la dérive monétaire, l’inflation, les frais bancaires, les impôts et la volatilité qui fait vendre le public toujours au plus mauvais moment. La propriété d’actions est spoliatrice, voilà la réalité.

Mais si, en même temps, la part du capital dans les revenus nationaux a progressé très fortement, cela veut dire que ce ne sont pas les actionnaires qui se sont engraissés, mais les autres détenteurs d’autres formes de capital. Elémentaire, mon cher Watson. Encore faut-il réfléchir un peu. Et qui sont les détenteurs des autres  formes de capital ? Ce sont les banquiers, qui s’engraissent sur les dettes aux consommateurs et aux souverains. C’est le shadow banking system, ce sont les hedge funds, ce sont les desk des banques dans leurs opérations de marché et d’investissement. 

Donc, si Hollande et ses conseillers sont honnêtes, intelligents et travailleurs, ils doivent se rendre à l’évidence et, au lieu de stigmatiser les actionnaires, ils doivent les plaindre, prendre leur défense contre les vrais prédateurs, les banques, le shadow banking, la "classe klepto" en général. 

Ils doivent trier, passer le scalpel et faire la part du vrai capital, celui des actionnaires, des épargnants, des grandes familles industrielles et celui du faux capital, fictif, prédateur, monopolisateur, détourneur du bien commun que constitue la monnaie. 

Mais, bien sûr, ce n’est pas ce qui intéresse Hollande et ses conseillers. Ce qui les intéresse, c’est le grand « ôte-toi de là que je m’y mette ». Ils savent ce que nous écrivons, nous pouvons même leur faire une séance spéciale pour leur expliquer, mais ils n’en veulent rien savoir. Et oui, bien sûr, parce que ce que le capital, le vrai, détient, c’est ce qu’ils veulent, le Pouvoir. 

Toutes ces choses financières, ils les connaissent, mais ce qui les intéresse, c’est de prendre la place, l’autorité, le « Pouvoir du capital ». C’est le vrai, le seul objectif, la seule motivation de tous ces gens: le Pouvoir. Ils ne veulent pas de concurrent, ils ne veulent pas de limite à leur délire constructiviste. Rendez-vous compte, Hollande, qui n’a jamais géré une entreprise, ne sait pas lire un bilan, décoder une campagne de publicité, analyser une politique de marketing, une étude de marché, Hollande se permet de dire que PSA a commis des erreurs stratégiques !

Nous sommes au fond du problème. 

Ils veulent conduire le monde, le plier à leurs caprices. La classe politique est une classe concurrente du privé. Elle ne se contente pas de prélever,  d’augmenter sans cesse sa  clientèle et le nombre de  ses sujets ayants droits, elle veut plus, toujours plus. Votre liberté lui fait de l’ombre. Les hommes politiques se sentent inférieurs, humiliés face à ceux qui, sur le terrain du réel, détiennent les leviers. C’est une question de complexe, le complexe de l’impuissance qui gère les abstractions face au Pouvoir qui gère le réel, ici et maintenant, hic et nunc

Donc vous comprenez pourquoi on ne s’attaque pas au capital fictif ; au contraire, on le chouchoute.  On le cajole, on spolie les citoyens, les entreprises, les actionnaires, les épargnants, les retraités, pour sauver le capital fictif. Normal, car le capital fictif est l’allié-clef, c’est lui qui finance la politique.  Il est comme la politique, une abstraction, un monde imaginaire d’impuissants qui gèrent les signes, les ombres, les rêves. Le vrai capital, le vrai travail, la vraie épargne ne vivent ni dans le rêve ni dans le fantasme, ils se coltinent le Réel, ils se le tapent, ils en jouissent. Poussez un peu plus loin l’analyse et vous comprendrez pourquoi les journalistes et autres médiacrates font partie de la même famille que les politiciens et les financiers. Cette famille forme un vaste monde infantile qui vit, qui s’enrichit sur la négation des limites, la négation de la rareté, la négation de l’obligation de choisir, la négation de la mort, bref, la négation de la castration.

Plus que jamais, nous sommes certains de voir juste, de viser en plein dans le mille, la classe politique, en tant que survivance infantile qui rêve de toute puissance, envie la classe dirigeante privée. Ce n’est pas un hasard si notre inconscient nous a fait épingler le ministère du redressement productif du nom de ministère du viagra productif, car tout est là, le désir, l’envie de montrer que l’on est un homme face au père qui détient la puissance. On est en plein dans l’Œdipe de ces chers petits.

Cet article a été publié préalablement sur le blog alupus.

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