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Et si la fermeture de PSA Aulnay était une chance ?
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Edito

Dans un marché aussi compétitif et concurrentiel que l’automobile, rien n’est jamais acquis. Trop souvent nous essayons de préserver le passé quand nous devrions chercher à préserver l’avenir. Aujourd'hui, l'enjeu à Aulnay est davantage de créer de nouveaux emplois que de tenter artificiellement de préserver de l’emploi automobile.

Alain Renaudin

Alain Renaudin

Alain Renaudin dirige le cabinet "NewCorp Conseil" qu'il a créé, sur la base d'une double expérience en tant que dirigeant d’institut de sondage, l’Ifop, et d’agence de communication au sein de DDB Groupe.

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"Le ministre convoque et exige ». Certes. Nicolas Sarkozy aussi convoquait et exigeait, il avait même il y a quelques années convoqué Guillaume Pépy, le patron de la SNCF, parce qu’un train avait déraillé. Et nous ? Pouvons-nous convoquer François Hollande et Delphine Batho parce que Rio+20 a été un fiasco et que notre avenir est compromis ? Là nous sommes dans la stratégie politique et dans le long terme, là l’Etat est en situation de responsabilité et en exigence de perspectives, de propositions et d’actions. Là il est dans sa sphère d’influence géopolitique, sur des enjeux d’Etats, « à sa hauteur ». Là il est dans son rôle.

Seulement voilà, ce n’est pas sous les feux de la rampe médiatique, et 6 milliards et demi d’hommes et de femmes sont moins touchés directement par l’avenir écologique que 8 000 salariés par l’avenir d’un constructeur automobile.

Les sirènes médiatiques et syndicales ne doivent pas détourner l’Etat de son rôle. Et si on veut bien reconnaître, évidemment, que son rôle passe aussi par ces dossiers industriels, par ces emplois directs, ce n’est ni pour devenir demain un stratège automobile ou un génial Pininfarina du design, mais bien pour se placer sur le long terme. Je ne crois pas qu’il y ait au monde un seul exemple de produit de consommation de masse, sur un marché concurrentiel mondial, qui ait été inventé, désigné, produit et vendu par un Etat, qui n’a jamais inventé ni machine à laver, ni voiture, ni smartphone ni même le moindre Bic.

Ce qui doit être préservé à Aulnay, c’est de l’emploi plus que des autos, et le site a pour cela des atouts indéniables.

Lorsqu’en février 2012 LVMH (via un sous-traitant) reprend Lejaby et propose à ses 93 salariées de passer de la lingerie à la bagagerie, personne ne s’émeut de la fin d’un site de production de sous-vêtements. La vertu pédagogique de cette histoire aurait du être de montrer que la reconversion de l’emploi est plus importante que la préservation. Cette leçon n’a pas été retenue, nous restons stérilement bornés sur des objectifs de préservation lorsque les véritables enjeux sont ceux de la mutation. L’enjeu à Aulnay est davantage de créer de nouveaux emplois que de tenter artificiellement de préserver de l’emploi automobile.

C’est pourquoi le projet d’avenir sur le site de PSA est peut-être davantage Aulnay que PSA, les emplois de demain que ceux d’hier, les services que l’industrie, les strat-up que les mastodontes. Il ne faut pas nécessairement « maintenir l’usine » comme le dit Bernard Thibault, il faut transformer, ré-inventer, penser autrement et autre chose. Le seul projet sur la table, le seul sujet de discussion c’est préserver de l’automobile, c’est une vision à œillère, un regard biaisé. Nous sommes surement, sur ce site d’Aulnay comme sur d’autres, à un virage, ce qu’il faut ce n’est pas continuer à regarder tout droit comme si la route pouvait continuer, mais regarder la courbe et la nouvelle ligne à la sortie du virage. Quels sont les 100 autres projets qui pourraient voir le jour à Aulnay ? Personne n’y pense ? Personne n’en parle ? Aucune idée ?

Alors, je risque une comparaison, sans doute hasardeuse, peut-être provocante, mais sincère et constructive pour essayer de voir les choses autrement : le site d’Aulnay est exceptionnel, il a des atouts indéniables : nous sommes entre Paris et Roissy, autrement dit, entre l’une des principales capitales mondiales et l’un des principaux aéroports mondiaux, disons à un quart d’heure de part et d’autre. Ces deux piliers, au-delà d’être de formidables moteurs de développement et d’attractivité, souffrent du point de vue foncier, soit d’un prix trop élevé pour le premier, soit d’une certaine saturation pour le second. Nous sommes sur près de 170 hectares de terrain, c’est gigantesque et absolument unique dans cette périphérie et environnement. Mais surtout, rendez-vous compte, la coïncidence pousse à la comparaison … c’est quasiment exactement la même surface que … la Défense. L’usine d’Aulnay, c’est 3 000 salariés (à ne pas confondre avec le plan PSA de 8 000 salariés). La Défense, c’est 3,5 millions de m2 de bureaux, 1 million de m2 de logements (plus de 20 000 habitants et plus de 40 000 étudiants), près de 3 000 entreprises, et 180 000 salariés, soit une « densité active » 60 fois supérieure.

Alors bien sûr, comparaison ne fait pas foi, Aulnay ne sera pas demain une nouvelle Défense, mais, objectivement, n’y a-t-il aucune chance que cette fermeture de l’usine d’Aulnay ne soit pas un mal pour un bien ? N’y a-t-il aucun projet d’avenir intéressant à bâtir ? Qui pourrait même à terme être plus porteur, plus profitable, plus créateur d’emplois que la préservation artificielle d’une activité historique ? PSA est clairement dans un bon état d’esprit, s’applique à vivre cette période douloureuse en appliquant un bon dialogue social, les feux de la rampe politico-médiatique garantiront une bonne transition, la proximité du site de Poissy dans les Yvelines, qui produit également la C3, offrira des possibilités de mobilité. Certes, on voudrait toujours que rien ne bouge, mais toutes les conditions sont réunies pour à la fois gérer les aspects sociaux du mieux possible, et se projeter dans l’avenir, libre à nous.

Nous cherchons trop souvent à préserver le passé quand nous devrions nous concentrer à préserver l’avenir.

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