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Le sommeil a un rôle très important sur la santé.
Le sommeil a un rôle très important sur la santé.
©Flickr/kellyhogaboom

Zzzz

De la libido au cancer, en passant par le contrôle du poids, la qualité du sommeil est définitivement primordiale à notre bien-être, selon plusieurs études scientifiques.

Le sommeil est une composante essentielle de la vie, et pourtant... presque personne ne dort suffisamment ! Selon une étude scientifique, 93% des Indiens manquent de sommeil. Selon le spécialiste du sommeil Pierre Mayer, la plupart des Québécois dorment deux heures de moins par nuit que ce dont ils auraient besoin. Le mal est mondial.

C'est fort dommage, car le manque de sommeil a de multiples conséquences néfastes. Une augmentation de 200% du risque de cancer du sein, une augmentation de 100% du risque de troubles cardiaques, mais aussi une prise de poids. 14,3 pounds, soit 6,5 kilos : c'est le poids que l'on brûlerait par an avec seulement une petite heure de plus de sommeil par jour. Au final, c'est une augmentation générale de 20% du risque de mortalité.

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Mais ce n'est pas tout : selon une étude, le manque de sommeil serait associé à une diminution de la libido et une baisse de l'interêt pour le sexe, et ce chez les hommes comme chez les femmes. En d'autres termes : si vous voulez pimenter votre vie sexuelle, commencez par vous reposer !

Quelques chiffres :

  • 33% des personnes qui boivent au moins 4 boissons caféinées quotidiennement ont des risques accrus d'apnée du sommeil - ce trouble qui donne des interruptions de la respiration de façon brève mais répétée au cours de la nuit, et dont le ronflement chronique peut être un symptôme ;
  • Les hommes ont davantage tendance à conduire en somnolant par rapport aux femmes ( 56% contre 45%) et ont aussi deux fois plus tendance à s'endormir au volant (22% contre 12%) ;
  • Le manque de sommeil peut augmenter la sensation de faim de 25%. Dormez plus au contraire, et vous pourrez manger plus ou brûler plus de calories, selon un article présenté au Congrès Européen sur l'Obésité de LyonEn outre, plus vous dormez, moins votre patrimoine génétique prédétermine votre poids : vous avez alors plus de contrôle sur votre ligne, selon une étude publiée dans le journal Sleep. Au contraire, le manque de sommeil laisserait la génétique seule maître de votre balance. 
  • Le besoin de sommeil n'épargne pas les pilotes d'avion : 1 sur 5 d'entre eux à reconnu avoir fait une sérieuse erreur en vol. Chez les opérateurs de train et les conducteurs de camions, 1 sur 6 admettent être passés tout près du faux pas à cause de la somnolence ;
  • D'autres études montrent que le fait de dormir trop peu sur le long terme (6 heures ou moins), ou au contraire l'excès de sommeil (plus de 9 heures) est associé avec une espérance plus courte. L'idéal étant de dormir 7-8 heures. Selon une étude de 2002les personnes qui dorment 9 à 10 heures par nuit ont un risque de mortalité similaire à celui des personnes modérément obèses. Le risque de mortalité augmente déjà de 15% pour ceux qui  dorment 8 heures par nuit, de 20% pour ceux qui dorment 9 heures par nuit, et de 30 à 40% pour ceux qui dorment 10 heures par nuit. 
  • Les jeunes parents perdent au total 6 mois de sommeil pendant les deux premières années à s'occuper de leur enfant ;
  • Mais la qualité des nuits est aussi cruciale pour les enfants et leur éducation. Selon une étude de Travelodge au Royaume-Uni, plus d'une quart des enfants interrogés ont reconnu s'endormir en classe au moins au fois par semaine ;
  • Enfin, rien d'étonnant à ce que ces troubles nocturnes envahissent les consultations médicales : la fatigue est la raison de près de 10% des consultations chez le médecinDans 50% des cas, les causes de fatigue sont inconnues. «La plupart du temps, la fatigue est un grand mystère. Les gens sont souvent frustrés. Quand finalement on ne trouve pas de cause physique, il faut travailler sur le mental. Le yoga, le tai-chi, l'exercice physique peuvent être bénéfiques pour contrer la fatigue cérébrale.» Même si les causes sont inconnues, mieux vaut en glisser un mot à son médecin.

La privation de sommeil a des effets sur le corps... et sur l'esprit

Le sommeil est également très bon pour le cerveau : dormir juste après avoir appris quelque chose de nouveau améliore la capacité à mémoriser cette nouvelle information. Même les désastres écologiques et autres catastrophes sont fréquemment liés à la fatigue et au surmenage. La marée noire provoquée par l'échouage du pétrolier Exxon Valdez en 1989, ou encore l'accident nucléaire de Chernobyl sont autant d’évènements provoqués par une erreur humaine ;

Malgré tout, la population est encore trop peu sensibilisée à ce problème selon le Dr Pierre Mayer, directeur de la Clinique du sommeil de l'Hôtel-Dieu du CHUM et auteur du livre Dormir - le sommeil raconté, qui donne des conseils pour adopter et maintenir de bonnes habitudes de sommeil.

«Les gens se soucient de leur alimentation, de leur forme physique, mais très peu sont sensibilisés à l'importance du sommeil, explique-t-il C'est le seul temps compressible. On coupe dans le sommeil, sans soupçonner à quel point les conséquences peuvent être graves.»


Atlantico a interrogé le Docteur Guilhem Pérémarty, médecin du sommeil et membre de l'association "ProSmg" pour la Promotion du sommeil en médecine générale.

Atlantico : Le sommeil augmenterait la sensation de faim de 25%. Faut-il dormir plus si l'on veut maigrir ?

Guilhem Pérémarty : Cela fait longtemps que l'on essaie de prouver un lien entre la privation de sommeil, notamment chez l'enfant, et le facteur de risque d’obésité, puisqu'on s’aperçoit qu'il y a un problème d’obésité dans tous les pays riches. Le sommeil est en jeu dans l'appétit et l’appétence (ce que l'on va manger, et la quantité de ce qu'on va manger). La privation de sommeil peut donc aboutir à plus de poids. Mais il ne faut pas mélanger tous les types de troubles du sommeil. La privation de sommeil est une réalité 10% pour nos contemporains, mais l'insomnie est une réalité pour 40% de nos contemporains. Il ne faut surtout pas confondre. L'erreur serait de croire que l'insomnie peut faire grossir, car l'insomnie n'est pas une privation de sommeil.

La privation de sommeil est corrélée sur certaines études, et sur certaines études seulement, notamment chez l'enfant, avec une prise de poids. La somnolence et la privation de sommeil, est un phénomène qui touche les 10% de nos contemporains qui ne dorment pas assez, qui travaillent la nuit pas exemple on ont des dessalages horaires en avion. Le lien entre sommeil et alimentation est du à une hormone qui s'appelle orexine, et qui est commune aux deux système de l’équilibre alimentaire et du sommeil.

Contrairement aux personnes qui souffrent de privation de sommeil, les insomniaques ne sont pas en danger d'obésité en soi. Les insomniaques, ceux qui ont envie de consommer des somnifères pour dormir plus ou mieux, ne doivent pas se croire en facteur de risque d'obésité. Cela vaut pour l'insomnie sans somnifères. Car bien sur, les somnifères aboutissent à un mauvais sommeil, donc en tant que tels, ils sont facteur de risque d'obésité. Presque un français sur deux se déclare insomniaque. Il ne faut pas que les lecteurs confondent avec les 10% de Français qui s'endorment sur la route. 

D'autres études montrent que le fait de dormir trop peu sur le long terme (6 heures ou moins), ou au contraire l'excès de sommeil (plus de 9 heures) est associé avec une espérance plus courte. L'idéal étant de dormir 7-8 heures. Quels sont les risques liés au surplus de sommeil ?

Dormir trop fatigue énormément, provoque un sommeil inefficace, et l'excès de sommeil a souvent des raisons pathologiques. Il y a donc un certain biais dans les études : la pathologie peut préexister à l'excès de sommeil et non en être la conséquence. A nouveaux, il faut faire la différence entre différents types de dormeurs. Certains sont câblés génétiquement pour dormir plus : on a identifié il y a encore quelques mois avec beaucoup de certitude le gène des gros dormeurs, le gène ABCC9.

Mais un certains nombre de gens somnolents, victimes par exemple d'apnée du sommeil, qui apparaissent comme des gros dormeurs sans être pour autant malades. Statistiquement, les gens somnolents sont des gens a risque notamment a cause de l'apnée du sommeil. Attention donc aux biais. Les gros dormeurs génétiques vivent aussi longtemps que les autres. Par contre, ceux qui devraient dormir 8 heures et s'obligent à ne dormir que 4 heures, eux, ont un problème. Chacun a sa quantité de sommeil idéale. Faire du 36 en taille de chaussures n'est ni mieux ni moins bien que faire du 46. Pour le sommeil c'est la même chose, il faut d'abord savoir a qui on s'adresse. Certaines études tentent d'entretenir l'idée plus ou moins ancienne que nous ne dormons pas assez. Le vrai problème en matière de sommeil, ce sont les somnifères et l'insomnie, et pas le fait que certaines personnes dorment beaucoup et d'autres peu.

Selon une étude, le manque de sommeil serait associé à une diminution de la libido et une baisse de l’intérêt pour le sexe, et ce chez les hommes comme chez les femmes. Est-ce véridique ?

Tout dépend si on parle de gens qui considèrent qu'ils manquent de sommeil, comme les insomniaques, qui considèrent tous qu'ils manquent de sommeil car ils sont fatigués. Chez eux, oui, c'est la mauvaise blague « chéri, j'ai mal a la tête ». Quand on est fatigué on a une baisse très très forte de la libido chez les deux sexes. Mais ce n'est pas tant le manque de sommeil, que la fatigue qui est responsable de ce manque de libido.

Une étude très bien faite au Royaume-Uni a cherché a déterminer la durée de sommeil idéale chez les adolescents. La conclusion de l'étude, c'est que l'on ne peut pas savoir, et qu'il ne sert à rien de se poser la question si on ne se demande pas avant si l'adolescent est amoureux ou pas. L'adolescent amoureux dort très peu, mais est en pleine forme. L'adolescent qui vient de se faire quitter par sa copine dort beaucoup et est fatigué.

Les insomniaques sont des gens fatigués, qui vont mal au niveau de toutes les fonctions vitales (sexualité, alimentation). L'axe du sommeil est a lui seul responsable de la douleur , de l'appétit, de la libido et de l'humeur. Mais contrairement aux idées reçues, la fatigue n'est pas seulement un symptôme de l'insomnie, elle en est souvent la cause. On doit inverser le paradigme. C'est le message que mon association « Promotion du sommeil en médecine générale » tente de véhiculer : l'insomnie découle de la fatigue, et non l'inverse. Contrairement à l'insomniaque, le bon dormeur n'a aucun problème, quelle que soit la quantité de sommeil.

Les experts soutiennent que la première cause de réduction du nombre d'heures de sommeil est l'accessibilité à internet. Dort-on moins depuis que l'accès à Internet s'est démocratisé ?

Je confirme, pour les 10% de Français qui déclarent être somnolents dans la journée et qui sont donc en privation de sommeil. Les loisirs sont une grande cause de privation de sommeil. Les gens de mon age on connu l’époque de la mire l'ORTF, où il n'y avait plus rien a regarder à partir de 23 ou minuit. Au contraire, le monde vers lequel on va nous incite a réduire notre sommeil. Ce n'est pas la peine de critiquer les adolescents : ils ne sont pas les seuls touchés. Il s'agit bien du monde que l'on a créé collectivement.

Nous avons tous des navigateurs sous le nez en perspective. Nous sommes tous enclins a maîtriser notre sommeil, sous peine de se faire broyer par le système qui, effectivement, nous impose une gestion du sommeil de plus en plus intensive. Il y a de plus en plus de gens qui travaillent la nuit, de plus en plus de gens qui ont des décalages horaires. Tout ceci est important au niveau sociétal.

Mais je refuse de participer aux sirènes qui crient « mon dieu, nous dormons une heure de moins que nos grands mères et c'est très grave !». Ça, c'est un argument qui sert à faire vendre des somnifères aux gens, en leur disant « si vous ne dormez pas à 7 heures, c'est grave ». Ce n'est pas grave. Il faut apprendre a dormir mieux, pour maîtriser ses horloges, et je pense que l'on peut tous être le pilote de son sommeil. « La lumière électrique a tout foutu par terre » Comme disait l’éminent professeur Michel Jouvet. La lumière électrique nous a imposé un nouveau rythme de vie, qui correspond a une compression du sommeil, sommeil qui était beaucoup plus dépendant des saisons à l’époque que maintenant.
Mais à l'époque on ne dormait pas beaucoup. Donc il ne faut pas croire les études alarmistes qui disent que nous sommes tous en privation de sommeil.

Par contre, le travail de nuit, les transports, les loisirs et Internet évidement sont responsables de privation de sommeil, notamment chez les adolescents, qui ont les hormones perturbées, et qui espèrent réussir à dormir 5 heures et aller bien. La privation de sommeil concerne les gens trop désinvoltes vis-à-vis de leur sommeil, et qui sont maltraitants vis-à-vis d'eux mêmes. Cela ne concerne pas les insomniaques, qui en général sont très scrupuleux : ils n'arrivent pas à dormir, et essayent de dormir parce qu'ils sont fatigués, et ils ont donc des problèmes de maladies et de poids en raison de cette fatigue. En revanche, une simple nuit blanche même chez un bon dormeur va dérégler la glycémie le lendemain, d’où les diabètes liés aux privation de sommeil et au travail de nuit.

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