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Berlusconi, le retour ! Les Italiens suffisamment amnésiques pour
le réélire en 2013 ?
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Il Cavaliere is back

Le quotidien Corriere della Sera a annoncé jeudi que l'ancien président du Conseil souhaiterait se présenter aux législatives du printemps 2013. On le pensait totalement décrédibilisé, mais les Italiens seraient peut-être prêts à lui reconfier des responsabilités...

Fabio Liberti

Fabio Liberti

Fabio Liberti est Directeur de recherche à l’IRIS, chargé du suivi de divers aspects du fonctionnement et développement de l’Union Européenne. Il est également spécialiste de la vie politique italienne, notamment pour les questions économiques et de politique étrangère.

Il a récemment publié L’Union européenne vers la désintégration ? Comment le rêve européen pourrait tourner au cauchemar (in Année Stratégique 2012, IRIS)

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L’annonce de la candidature de Silvio Berlusconi au poste de Premier ministre en vue des élections législatives de 2013 a défrayé la chronique italienne. Une telle nouvelle laisse l’observateur pantois. Comment Berlusconi, qui a démissionné en octobre 2011 en laissant derrière lui un champ de ruine, un pays dévasté par les attaques spéculatives, contraint à avaler des mesures d’austérité très rigoureuses, pourrait s’imaginer obtenir à nouveau les clefs du pouvoir ? Lui qui, pendant une décennie (de 2001 à 2006, puis de 2008 à 2011) n’a réalisé aucune des réformes dont le pays avait besoin ?

La décision de Silvio Berlusconi a été justifiée par des sondages montrant que les voix potentielles pour son parti augmenteraient (atteignant 28%, contre 8 à 12% avec d’autres leaders) grâce à sa candidature. Alors, peut-on penser qu’un italien sur trois serait prêt à voter à nouveau pour lui ? Rien n’est moins sûr, et Berlusconi lui-même ne nourrit aucun espoir de victoire, ce sondage mesurant le réservoir électoral potentiel de son parti, qui regroupe les différentes âmes du centre-droit italien. Cependant les événements de 2011 (difficultés économiques du pays, scandales judiciaires et de mœurs ayant impliqué M. Berlusconi) ont laissé des traces, réduisant considérablement le nombre de supporters du Premier ministre.   

Ceux-ci, les pro-Berlusconi à outrance, pensent que le Premier ministre italien a été éjecté du pouvoir par une sorte de complot franco-allemand auquel la spéculation internationale a prêté main forte. Ils gardent à l’esprit la conférence de presse du 23 octobre 2011, à l’issu d’un Conseil Européen houleux, au long duquel l’Italie avait joué le rôle de maillon faible de la zone euro. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel n’avaient pas caché, en conférence de presse, le peu d’estime qu’ils accordaient au « Cavaliere », précipitant ainsi sa chute.

De plus, les partisans de Silvio Berlusconi pointent du doigt le fait que sa démission aurait été motivée par le niveau insupportable atteint par les taux d’intérêts italiens, victimes de la méfiance des marchés envers son gouvernement. Or, ils ajoutent que même avec Mario Monti à la tête du gouvernement, ces taux restent très élevés.

Mais malgré ce que peuvent penser ses supporters, Silvio Berlusconi reste largement décrédibilisé sur la scène politique italienne (sans parler de la scène européenne). Alors pourquoi une telle candidature ? Berlusconi veut garder un rôle sur la scène politique nationale, éviter la dislocation de son parti (sans son leadership les différents âmes du centre-droit pourraient ré-émerger et émietter la représentation politique), et obtenir une « minorité de blocage » qui constituerait pour lui une assurance pour défendre ses intérêts, économiques, judiciaires.

En effet, les sondages montrent que le Parti Démocrate, principale force d’opposition à Silvio Berlusconi, est loin de pouvoir obtenir la majorité absolue malgré sa position de premier parti avec 25 à 30% des intentions de vote selon les sondages. Le programme du parti, ses alliances et son leader ne sont pas encore connus, à 8 mois des élections. Ceci en partie en raison de l’incertitude sur le mode de scrutin qui sera adopté. La loi électorale italienne assure aujourd’hui une prime de majorité à la coalition de partis obtenant le plus de voix. Celle-ci  est calculée différemment au Sénat et à la Chambre des députés, (les deux rames du Parlement italien qui fonctionne selon le principe du bicaméralisme parfait), ce qui rend la gouvernabilité du pays difficile. Des négociations pour une refonte de cette loi, éliminant la prime aux coalitions et augmentant la dose proportionnelle (même si de nouveaux scénarios naissent quotidiennement ) sont en cours et devraient aboutir. Ceci se déroule dans une situation de perte de crédibilité de la classe politique italienne et de fort mécontentement des citoyens face à l’appauvrissement du pays ce qui favorise les mouvements populistes tels le Mouvement 5 étoiles du Comicien Beppe Grillo préconisant une sortie du pays de l’euro. Les « 5 étoiles » serait désormais le deuxième parti du pays avec plus de 20% d’intention de votes.

Face à une telle vague contestataire, due à une image fortement dégradée de la classe politique (les scandales berlusconiens, les affaires de corruption, une classe politique perçue comme bénéficiant de  privilèges et d’impunité, l’incapacité à réformer le pays) on peut craindre un scénario à la grecque pour l’Italie. Alors que M. Monti jouissait d’une forte popularité lorsqu’il a été nommé, les mesures d’austérité radicales qu’il a imposées, ont joué un rôle négatif sur son image. Ainsi, les mouvements « anti-système » gagnent des voix à une vitesse considérable, réduisant l’assiette électorale du Parti démocrate et de ses potentiels alliés (gauche radicale, centristes). S. Berlusconi parie alors sur une situation de blocage potentielle où le Parti Démocrate serait dans l’impossibilité de former un gouvernement. On aurait alors droit à une « grosse Koalition » à l’italienne. Ce rôle de faiseur de roi permettrait à S. Berlusconi de garder une influence sur la scène politique nationale et de sauvegarder ses intérêts.

Deux questions restent cependant en suspens. D’une part, le scepticisme suscité dans les chancelleries occidentales par l’annonce de la candidature de S.Berlusconi pourrait bien être transmise aux marchés financiers, et donc réduire encore plus la crédibilité du pays. D’autre part la campagne permettra à  S. Berlusconi , de prendre la mesure de son impopularité et  de l’exaspération des Italiens. Si pour récupérer des voix  il devait faire prendre à son parti un virage anti-européen, en prônant la sortie de l’euro, les équilibres politiques du pays en seraient atteints, et les élections de 2013 prendraient l’aspect d’un véritable référendum sur le maintien ou non de l’Italie dans la zone euro.

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