Comment les aides publiques tuent l'industrie automobile beaucoup plus qu'elles ne la sauvent<!-- --> | Atlantico.fr
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Soyons honnêtes deux minutes : les voitures françaises ne sont pas très bonnes, mais ce n'est pas le seul problème...
Soyons honnêtes deux minutes : les voitures françaises ne sont pas très bonnes, mais ce n'est pas le seul problème...
©Reuters

Le nettoyeur

Cette semaine, le "nettoyeur" Pascal Emmanuel Gobry, explique pourquoi il faudrait laisser au moins un grand constructeur automobile s'effondrer pour que le marché se stabilise sur le long terme.

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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La grande affaire de la semaine est la décision de Peugeot de supprimer 8 000 emplois et de fermer un site industriel. Cette décision a des raisons bien françaises, mais elle est surtout déterminée par des tendances mondiales, qu'on peut appeler la tragédie de l'industrie automobile.

Les raisons françaises vont bien plus loin que la conjoncture économique actuelle, qui a simplement été le facteur déclencheur. Soyons honnêtes deux minutes : les voitures françaises ne sont pas très bonnes. Oh, ce ne sont pas des Lada, évidemment. Elles sont pas mal. Mais personne ne dira qu'il est absolument évident qu'une Peugeot 306 est meilleure qu'une Golf.

Et la raison de ça est peut-être la culture managériale à la française, très technocratique. Le meilleur fabriquant de voitures en Europe, voire dans le monde, est Volkswagen. Le dirigeant historique de Volkswagen, Ferdinand Piëch, est un pur ingénieur automobile, qui a passé toute sa carrière à créer des voitures, et tous ceux qui le connaissent s'accordent pour dire que c'est sa grande passion et qu'il est très impliqué dans la création des produits.

Les dirigeants de Peugeot et de Renault ont des diplômes d'ingénieur, mais ils ont passé leur carrière dans d'autres domaines. Carlos Ghosn de Renault est renommé pour ses compétences financières et stratégiques, et certainement pas pour la beauté ou la supériorité des Renault.

Au final, le meilleur moyen d'assurer la réussite d'une entreprise est qu'elle ait les meilleurs produits, et pour avoir les meilleurs produits le meilleur moyen est d'avoir un dirigeant qui soit fou de ces produits. C'est évidemment la leçon d'Apple, mais aussi de Volkswagen. Dans un secteur aussi concurrentiel et brutal que l'automobile, une simple “mention passable” ne suffit plus.

Mais la tragédie de Peugeot n'est pas seulement cette mentalité. La tragédie de Peugeot c'est aussi la tragédie du secteur automobile dans son ensemble, qui partout dans le monde est malade, et ce pour des raisons structurelles.

Un marché fonctionne bien lorsqu'il y a équilibre entre l'offre et la demande. Or, sur le marché automobile, particulièrement en Europe, l'offre est trop importante. Les gens achètent moins de voitures, mais on en produit toujours autant. L'industrie est fragmentée alors qu'il faut avoir des économies d'échelle.

Pourquoi ces problèmes ? Tout simplement parce que l'industrie automobile européenne a toujours été subventionnée. L'automobile est un fétiche politique, qu'on considère “stratégique” et dont on considère que l'objectif est de maintenir des emplois manufacturiers dans un lieu au lieu de faire des voitures. Lorsque la crise a menacé le secteur automobile, tous les Etats sans exceptions ont soutenu leur industrie. Mais voilà : ce soutien artificiel crée cette demande excessive, qui rend le marché malade.

On a donc un cercle vicieux où la subvention publique perpétue la maladie du marché qui, à son tour, justifie qu'on rajoute des subventions. Pour que le marché se stabilise sur le long terme, il faudrait laisser un grand constructeur au moins s'effondrer pour que les autres puissent respirer. Mais quel gouvernement acceptera de tirer cette courte paille d'un séïsme économique dont les autres gouvernements européens (au moins à court terme) seraient les bénéficiaires ? Quelle opinion publique acceptera de voir s'effondrer un champion national pour la vague promesse de meilleures voitures moins chères dans 5 ans ?

Ne vous attendez pas à ce que l'industrie automobile française renaisse de sitôt.

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