8 000 postes supprimés : plutôt que de blâmer Peugeot, ne devrait-on pas enfin se poser la question de nos accords commerciaux avec la Chine ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le groupe PSA a annoncé la suppression de 8 000 postes, dont 3 000 suite à la décision de la fermeture de l'usine d'Aulnay.
Le groupe PSA a annoncé la suppression de 8 000 postes, dont 3 000 suite à la décision de la fermeture de l'usine d'Aulnay.
©Reuters

Descente aux Enfers

L'annonce du plan social du groupe automobile français a donné lieu à de vives réactions. Peugeot est montré du doigt par les salariés et une partie de la classe politique. Mais dans un contexte économique défavorable, l'entreprise paye le fait d'être trop sectorielle et focalisée uniquement sur le marché européen.

Jean-Louis Levet

Jean-Louis Levet

Jean-Louis Levet est économiste.

Son dernier livre est Réindustrialisation j'écris ton nom, (Fondation Jean Jaurès, mars 2012).

Il est également l'auteur de Les Pratiques de l'Intelligence Economique : Dix cas d'entreprises paru chez Economica en 2008 et GDF-Suez, Arcelor, EADS, Pechiney... : Les dossiers noirs de la droite paru chez Jean-Claude Gawsewitch en 2007, et de Investir : une urgence absolue pour la France et l'Europe à télécharger chez la Fondation jean Jaurès (en libre téléchargement).

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Atlantico : Le groupe PSA - comprenant les constructeurs automobiles Peugeot et Citroën - a annoncé la suppression de 8 000 postes, dont 3 000 suite à la décision de la fermeture de l'usine d'Aulnay. Dans le même temps, le groupe annonce une perte de l’ordre de 700 millions d'euros pour le premier trimestre de l'année sur sa branche automobile. Comment expliquer ces difficultés ? S'agit-il d'une crise liée à la structure même de l'entreprise ou est-elle relative à la conjoncture économique actuelle qui secoue l'Europe ?

Jean-Louis Levet : La situation du groupe français PSA s’explique à la fois pour des raisons liées à une très mauvaise conjoncture, et par le résultat de sa stratégie depuis des années.

D’un côté, la conjoncture économique est marquée par la très faible croissance de la zone euro et des effets de la crise sur la situation économique des ménages, confrontés à une montée du chômage (un actif sur six, soit 4,9 millions de personnes, sont inscrites à Pôle emploi), à la place de plus en plus importante que prend le loyer dans leur budget, d’un présent de plus en plus difficile, d’un avenir incertain. Selon l’observatoire Trendeo, la France subit une perte nette d’une dizaine de sites productifs par mois depuis le début de l’année. L’industrie automobile européenne est ainsi confrontée à une surcapacité importante de son offre.

Dans ce contexte peu favorable, PSA paie le fait d’être trop petit, trop focalisé sur le marché européen où il réalise 60% de ses ventes totales et limité à des véhicules de moyenne gamme.

Entre des constructeurs allemands orientés sur le haut de gamme et Renault qui a parié sur le bas-de-gamme, avec notamment la commercialisation de la Dacia Logan, Peugeot n'est-il pas victime d'un positionnement milieu de gamme difficilement identifiable  pour les consommateurs ?

Oui, précisément. Le contraste est saisissant avec son grand concurrent allemand Wolskwagen, qui lui depuis plusieurs années a cherché à s’insérer de façon offensive dans la mondialisation en produisant des modèles à forte valeur ajoutée. PSA, fort tardivement, a cherché à remédier à ce problème en se rapprochant de General Motors. Mais les résultats dans ce domaine nécessitent des efforts sur le long terme. Bien trop tard pour répondre à ses problèmes actuels et à ceux du site d’Aulnay dont il ne faut pas sous-estimer l’impact puissant que sa fermeture va exercer sur la motivation de l’ensemble des salariés du groupe et sur l’ensemble du territoire concerné.

Il ne faut pas sous-estimer la capacité des entreprises à se mouvoir dans un environnement  de plus en plus concurrentiel. Regardez le cas d’un autre constructeur, le japonais  Toyota et le succès de son site de production à Valenciennes, créé en 2000. Pourquoi ce succès ?  Principalement pour trois raisons :

  • Le constructeur nippon combine exigence de qualité, innovation produit et forte communication sur le moteur hybride qui correspond à de nouvelles préoccupations sociétales, liées au développement durable.
  • Ensuite, il cherche à coller le plus possible aux goûts des consommateurs et travaille beaucoup son image de marque pour être perçu come un opérateur européen en tant que tel.
  • Enfin, son organisation de la production : elle est efficace, comme l’explique son directeur,  en visant un assemblage des pièces de plus en plus simple et rapide, ce qui se traduit par moins de temps de main-d’œuvre et donc une part du coût salarial relativement faible dans le prix de revient : de l’ordre de 7 à 12% du prix d’une voiture. Ainsi, le coût salarial n’est pas un obstacle au « made in France ». Ajoutons à cela qu’il s’est organisé pour avoir la plupart de ses fournisseurs dans uns relative proximité, ce qui réduit les coûts de transport.
La conjoncture explique une partie des problèmes de PSA, mais elle ne doit pas cacher la responsabilité du constructeur dans son comportement et ses décisions stratégiques.


Barack Obama serait sur le point de lancer un recours contre la Chine qui impose des droits de douanes, considérés comme « injustes » par Washington, aux voitures importées. Le secteur automobile européen n'est-il pas également victime des droits de douanes chinois avec qui elle doit revoir ses accords commerciaux ?

Derrière votre question, il y a en effet un vrai sujet, qui ne doit cependant pas nous exonérer de nos responsabilités, c’est la nécessité de construire au niveau européen une véritable politique commerciale, en particulier à l’égard de la Chine, qui dans la réalité sur de multiples points ne se conforme guère aux règles de l’OMC, que ce soit dans le domaine de la propriété intellectuelle, de l’ouverture de ses appels d’offre, etc. Une prise de conscience émerge enfin. Cependant tout reste à faire.

Pour reboucler sur vos questions précédentes, je pense que notre industrie automobile a un avenir, à la condition que ses constructeurs et toute la filière s’engagent résolument à mieux s’organiser, à combler les retards accumulés dans les technologies clés notamment sur les batteries, les moteurs, l’électronique, sachent mieux attirer les jeunes vers ses métiers, et fondamentalement prennent résolument en main la grande transformation en cours : passer pour les constructeurs d’un rôle de vendeur de voiture à celui d’apporteur de solution de mobilité, comme certains travaux universitaires le montrent (je pense par exemple à ceux d’un économiste comme Philippe Moati).

Autrement dit, passer du produit à son mode d’usage. Il faut bien comprendre que notre rapport à l’automobile change, chez les jeunes notamment focalisés sur le cyberespace et les réseaux sociaux. Faire le choix de la qualité et  s’approprier cette mutation qui peut constituer une formidable opportunité pour notre industrie automobile et l’ensemble des activités qui y sont liées.

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