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Rolling Stones : peut-on encore
être créatif après 50 ans de carrière ?
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Le monde est Stones

Ce jeudi marquait le cinquantenaire du premier concert des légendaires Rolling Stones. Elevés au rang de véritables dieux dans le monde musical, peuvent-ils néanmoins toujours apporter encore quelque chose aux spectateurs, si ce n'est le mythe de les voir ?

Yves Bigot

Yves Bigot

Yves Bigot est directeur des programmes de la radio RTL.

Ce passionné de musique a notamment été journaliste et animateur sur Europe 1, rédacteur-en-chef de Rapido, et directeur des Victoires de la musique.

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"I hope I die before I get old" (J'espère claquer avant d'être vieux"), hurlaient les Who dans My Generation, hymne mode des années 60 où les Rolling Stones eux, se plaignaient de ne pas atteindre la plénitude dans (I Can't Get No) Satisfaction, tout en mettant le feu à leur époque.

Un demi-siècle après leurs débuts au Marquee sous la férule de leur leader d'alors, Brian Jones (décédé en 1969), les Rolling Stones s'apprêtent à reprendre du service, ayant tous l'âge de la retraite à taux complet, toutes obédiences politiques confondues. La raison en est simple: ce sont des musiciens, ils ne savent rien faire de mieux que de la musique, et ne connaissent pas de plus grand plaisir (pour mémoire, le sexe et la drogue ne sont que contingents). Le succès et la médiatisation planétaires sont assurés : ce sont des héros de guerres culturelles aujourd'hui passées dans l'Histoire, et chacun tiendra absolument à venir admirer une dernière fois (quoique cela fasse plus de 30 ans maintenant que chaque fois soit censée être la dernière) ces légendes, demi-dieux immortalisés aussi bien par le cinéma que par la pub, la presse, l'édition, et dont la présence reste permanente à travers la radio et la télévision, dans ce XXIe siècle qui ne parvient pas à démarrer et ressasse en boucle les exploits des icônes sauvages, glorieuses (et talentueuses) des Golden Sixties, portées par l'élan euphorique et contestataire des Trente Glorieuses triomphantes.

Ceux-là ne devraient pas être déçus : à l'exception d'un passage à vide vocal de Mick Jagger au début des années 80, les Rolling Stones ont toujours été un sacré groupe de scène, distillant avec morgue, ferveur et un instinct incomparable leur syncrétisme inouï de musiques américaines (blues, soul, rhythm'n'blues, rock'n'roll, country et gospel) avec l'arrogance et la classe propres à la middle class britannique dont ils sont issus.

Qu'espérer d'autres de ce retour en termes d'innovation, de créativité, de nouveauté ? Rien, à vrai dire. À l'inverse d'auteurs et compositeurs de leur âge, comme Bob Dylan, Neil Young, Leonard Cohen, ou légèrement plus jeunes comme Bruce Springsteen et Patti Smith, Mick Jagger et Keith Richards (récent auteur du best-seller mondial Life) n'ont jusque-là pas su trouver un discours, un propos, ni même plus simplement des chansons, pertinentes pour leur âge ou pour l'époque. Leur dernier grand album, Some Girls, date de 1978 ; leur dernier classique, Start Me Up, de 1981. A Bigger Bang, leur dernier album à ce jour, était digne, sans plus, n'ajoutait rien à leur légende, et personne ne souvient d'un seul de ses morceaux, les meilleurs restant encore de vieux blues très compétents à la manière de Muddy Waters, sur la formation de blues électrique de Chicago duquel Brian Jones avait calqué, voici un demi-siècle ses Rollin' Stones, quand Keith Richard s'écrivait sans "s" à la fin.

On ira donc les voir, incongrus septuagénaires tonitruants, comme on va au Louvre ou à la Cinémathèque, admirer d'impérissables chefs d’œuvre, sans nécessairement en attendre de surprises, ni de nouveautés, simplement vérifier qu'ils existent toujours, ce qui rassurera les anciens sur les progrès de la médecine et les effets sur la longévité de l'espèce de ceux en matière d'hygiène de vie, et montrera aux plus jeunes que leurs parents (ou grands-parents) ont beau ne rien comprendre aux jeux vidéo en ligne, ce ne sont pas des ringards ni des mauviettes pour autant.

Un éventuel nouvel album n'intéressera que les fans, les collectionneurs, les nostalgiques, les gogos ou les gagnants de concours qui l'auront remporté, sauf à ce que Sir Mick, l'un des paroliers les plus lestes des années 60 et 70, retrouve soudain une inspiration qui semble l'avoir déserté au début des années 80, quand avec l'apparition de MTV et de ses vidéostars, il avait cru les Rolling Stones qui lui avaient donné toute sa noblesse, obsolètes, et s'était mis en tête de concurrencer les Madonna, Michael Jackson et autres George Michael, qui écrasaient un business parvenu à son apogée.

La fréquentation des Lords, des stars bling-bling, de la jet set des caraïbes et des propriétaires de châteaux de la Loire ne semblent pas lui avoir jusque-là fourni le carburant nécessaire à revitaliser la critique sociale dans laquelle il excellait du temps de Mother's Little Helper, Play With Fire ou Respectable, au point que c'est Keith Richards qui apparaît aujourd'hui comme la véritable icône du groupe, sur le personnage duquel Johnny Depp a modelé le sien pour la série des Pirates des Caraïbes. Mais ce qu'il lui manque le plus aujourd'hui c'est la vision initiale de Brian Jones, qu'ils ont tous deux marginalisé, puis viré du groupe qu'il avait fondé avec eux, persuadé que cette musique locale, régionale, folklorique presque, réservée à une petite coterie de spécialistes de l'Ouest de Londres, allait devenir le plus formidable mouvement de la seconde partie du XXe siècle, conquérant la planète, au point que l'on ne parle plus aujourd'hui que du concert secret qu'ils donneraient à la fin du mois à l'Olympia si les rumeurs se confirment, et qu'ils menacent de constituer l'attraction majeure des prochains Jeux olympiques dans la ville où ils démarraient si modestement, il y a 50 ans aujourd'hui…

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