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65 milliards de rigueur pour obtenir l’aide européenne : le jeu en vaut-il
la chandelle pour l’Espagne ?
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La fête est finie !

Deux jours après l'obtention d'une première tranche de 30 milliards d'euros par l'Europe pour recapitaliser les banques espagnoles, le gouvernement Rajoy a lancé un vaste plan de rigueur, supposé déboucher sur 65 milliards d'euros d'économies. Un premier pas vers la sortie de crise ?

Daniela  Ordonez

Daniela Ordonez

Daniela Ordonez est en charge du suivi des finances publiques et de la problématique de la dette publique en zone euro, des pays d'Amérique latine et d'Europe du Sud (Espagne, Italie, Grèce).

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Atlantico : Alors que l'Espagne a obtenu de la part de l'Eurogroupe, dans la nuit de lundi à mardi, la mise à disposition dès fin juillet d'une première tranche de 30 milliards d'euros afin de venir en aide à ses banques, Mariano Rajoy a annoncé mercredi matin de nouvelles mesures d'austérité comprenant une hausse de 3 points de la TVA (passant de 18% à 21%), une réduction des allocations chômage ou encore une coupe des subventions accordées aux partis politiques. Le plan comprend 65 milliards d'euros d'économies sur deux ans et demi. Avec ce nouveau plan draconien, l'Espagne va t-elle pouvoir sortir de la crise ?

Daniela Ordonez : Cela ne dépend pas uniquement des ajustements adoptés par l'Espagne ou encore des montants accordés par l'Union européenne, mais également de l’environnement international et de la réaction des marchés.

Les mesures draconiennes qui ont été adoptées vont fortement peser sur la croissance mais l'ajustement budgétaire est nécessaire et constitue l'une des conditions au déblocage des fonds promis par la zone euro. Une aide pouvant aller jusqu'à 100 milliards d'euros, dont 30 milliards déblocables dès fin juillet, selon les besoins qui restent encore à déterminer par l'audit en cours des banques espagnoles.

Le Premier ministre espagnol cherche-t-il avant tout à calmer les marchés ou à répondre aux exigences de l'Union européenne, qui lui a accordé un répit supplémentaire pour ramener son déficit à 3% du PIB d'ici à 2014 ?

Le gouvernement espagnol cherche à gagner en crédibilité auprès des autorités européennes, mais également auprès des marchés puisque les taux obligataires de l'Espagne se situent à des niveaux très élevés. A long terme, le maintien des taux d'intérêt aux niveaux actuels ne permettrait pas de rendre l'endettement public viable.

Les marchés exigent deux choses qui ne sont pas incompatibles mais qui, en temps de crise, peuvent paraître contradictoires : un ajustement budgétaire drastique et rapide, avec un objectif de déficit budgétaire à 3% du PIB en 2014, et une relance de la croissance associée à une baisse du chômage.

L’Espagne est actuellement dans un cercle vicieux caractérisé par une fragilité du système bancaire, une récession économique, et une crise de la dette souveraine. Il faut parvenir à le rompre.

La BCE doit-elle relancer son programme SMP (Securities Market Program), relatif à l'achat direct de dette publique, afin de détendre les taux obligataires espagnols ?

L'objectif de ce nouveau plan de rigueur est aussi de calmer les marchés puisque les finances publiques du pays deviendraient insoutenables si les taux à 10 ans se maintenaient autour de  7%. Les 28 et 29 juin, des décisions importantes ont été prises en ce sens avec notamment la possibilité pour le MES de financer directement les banques d'un Etat membre en difficultés sans avoir à passer par son gouvernement, et donc sans alourdir sa dette publique. Il s’agirait d'un premier pas pour rompre le cercle vicieux entre crise bancaire et crise souveraine.

Cependant, les banques espagnoles ont besoin de nouvelles recapitalisations dès maintenant alors que la mise en œuvre de cette nouvelle décision est prévue, au plus tôt, pour début 2013. Il y a donc un décalage important entre l'urgence de la recapitalisation des banques espagnoles et la mise en place des systèmes adoptés pour y parvenir.

La grande question est alors de savoir si la Banque centrale européenne va accepter de servir de « soudage » durant cette période pour calmer les marchés et permettre à l'Espagne de respirer. Mais ce programme SMP va à l'encontre des statuts de la BCE...

N'y a-t-il pas un risque de pénaliser toute reprise de l'activité économique, et donc la croissance, alors que le pays est déjà entré en récession au premier trimestre 2012 et que le gouvernement table sur une récession de 1,7% sur l'année ?

Ce plan de rigueur va fortement peser sur l'activité d'autant plus que celle-ci est déjà très dégradée et que les mesures sont très drastiques. Elles concernent non seulement des coupes dans les ministères ou dans des subventions, mais également la TVA qui va être rehaussée. Celle-ci va donc pénaliser la consommation, déjà très atteinte.

De même, les prestations chômage vont être fortement réduites dans un pays qui compte près d'un quart de la population au chômage, dont 50% des jeunes.

Que ce soit dans la sphère publique ou privée, l'économie espagnole est composée de nombreux déséquilibres.Cet ajustement de l'économie est donc nécessaire. La question est de savoir s'il faut le faire aussi vite. Sommes-nous en train de casser la croissance en voulant résorber tous ces déséquilibres très rapidement et que l'économie réelle en pâtisse ? Ou faut-il lui laisser plus de temps ?

Lors du dernier sommet européen des 28 et 29 juin, un pacte pour la croissance et pour l'emploi a été adopté. Des fonds européens seront donc mobilisés pour soutenir l'activité à moyen terme mais aussi l'emploi, et plus particulièrement celui des jeunes. Il y a donc une volonté politique. Mais le décalage entre la vitesse des marchés et celle des décisions persiste.

Propos recueillis par Olivier Harmant

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