Cuba, Chine et Vietnam : le communiste castro-maoiste n’est pas mort ! <!-- --> | Atlantico.fr
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La Chine est devenue le modèle économique et politique auquel aspire Castro : une ouverture capitaliste la plus large possible doublée de la domination du Parti unique sur l’ensemble de la population.
La Chine est devenue le modèle économique et politique auquel aspire Castro : une ouverture capitaliste la plus large possible doublée de la domination du Parti unique sur l’ensemble de la population.
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Nostalgie des camarades

Ces derniers jours, le dirigeant cubain Raúl Castro était en Chine et au Vietnam. Les vieux alliés communistes entretiennent en effet d'excellentes relations depuis les années 60. En quelques années, le géant asiatique est devenu un exemple pour Cuba, qui rêve d'un modèle économique et politique semblable.

Jacobo Machover

Jacobo Machover

Jacobo Machover est un écrivain cubain exilé en France. Il a publié en 2019 aux éditions Buchet Castel Mon oncle David. D'Auschwitz à Cuba, une famille dans les tourments de l'Histoire. Il est également l'auteur de : La face cachée du Che (Armand Colin), Castro est mort ! Cuba libre !? (Éditions François Bourin) et Cuba de Batista à Castro - Une contre histoire (éditions Buchet - Chastel).

 

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Pendant que son frère aîné, le Commandant en chef Fidel Castro, se morfond à La Havane, toujours engoncé dans son survêtement de malade en phase interminablement terminale, le camarade Raúl Castro entreprend un long voyage sur les lieux de ses anciennes amours : la Chine et le Vietnam.

Le but officiel du voyage est évidemment commercial. Le Général ramène dans ses valises huit accords commerciaux dûment signés par Hu Jintao et ses héritiers présumés à la tête de la République (officiellement toujours « populaire ») de Chine, Xi Jinping et Li Keqiang. La Chine étant aujourd’hui le deuxième partenaire commercial de Cuba après le Venezuela de Hugo Chávez, les relations entre les deux pays sont naturellement fluides ; les dirigeants chinois se sont succédé à intervalles réguliers dans l’île, concédant de nombreux prêts sans intérêts (dont tout le monde sait qu’ils ne seront jamais remboursés) et étendant leurs tentacules à quelques 90 milles de l’ancien « tigre de papier », à présent partenaire et rival, les États-Unis.

Raúl Castro voit la Chine (et encore plus le Vietnam, du fait de sa taille plus réduite et des liens militaro-politiques abondamment tissés lors de la guerre) comme le modèle économique et politique auquel il aspire pour Cuba : une ouverture capitaliste la plus large possible doublée de la domination du Parti unique sur l’ensemble de la population. Et il a absolument besoin de cet appui venu d’Extrême-Orient, à cause des incertitudes qui frappent le voisin caribéen, du fait du cancer de Chávez et des résultats incertains des prochaines élections dans ce pays (à condition, bien sûr, qu’elles soient transparentes et que ses résultats soient respectés).

Mais les dirigeants castristes n’ont jamais renoncé à leurs rêves de jeunesse. Et, pour Raúl Castro, la meilleure façon de le démontrer, c’est de pousser la chansonnette révolutionnaire (en chinois, s’il vous plaît) devant ses hôtes :

« L'Orient est rouge, le soleil se lève,
La Chine a vu naître Mao Zedong,
Il œuvre pour le bonheur du peuple,
Hourra, il est la grande étoile sauvant le peuple !
Le Président Mao aime le peuple,
Il est notre guide,
Pour créer une Chine nouvelle,
Hourra, il nous montre la voie de l'avenir ! »

Probablement éméché, comme à son habitude, il en est devenu aphone, de par son enthousiasme. Il s’est ensuite rappelé avec nostalgie le temps où, jeune communiste (contrairement à son frère à cette époque-là), il participait, en 1953, au Festival de la jeunesse et des étudiants à Vienne (une grand-messe traditionnelle organisée par les partis « frères »), avant d’entreprendre un long périple dans les pays socialistes et, aussi, en France et en Italie. Ce n’est qu’à son retour à Cuba  qu’il fut enrôlé par Fidel dans l’aventure armée contre la dictature de Batista.

Raúl Castro, ce faisant, rappelle que le communisme à Cuba a été et reste son œuvre, bien davantage que celle de son aîné. C’était lui, le militant discipliné, l’organisateur du Parti et de l’État, à l’ombre du charisme séducteur et brouillon de Fidel. Et si, durant l’interminable querelle sino-soviétique, Cuba s’est vue obligée de prendre parti pour l’U.R.S.S., les dirigeants castristes n’ont eu alors de cesse de réconcilier les frères ennemis, sans y parvenir. Mais Raúl le pragmatique a dû reconnaître, avec le temps, que c’est le communisme chinois qui, en faisant sa révolution non pas « culturelle » mais capitaliste, a réussi à survivre, contrairement à l’Union Soviétique, qui n’a pas réussi à surmonter la perestroïka, la démocratisation politique mise en place par Mikhaïl Gorbatchev.

Du glacis communiste, il ne reste que des scories. Ce sont ces survivances-là que le benjamin de la dynastie Castro aimerait ressusciter à travers la nostalgie d’un hymne suranné.  Raúl Castro n’a pas peur du ridicule en entonnant cette minable chanson (admirablement raillée par l’écrivain Dai Sijie dans son Balzac et la petite tailleuse chinoise : « Mozart pense au président Mao », clame opportunément l’un de ses personnages, sous la menace d’un chef de village chargé de la « rééducation » des intellectuels). Au contraire : il la brandit comme modèle face à ceux qui, naïvement, croient encore que ses timides mesures de libéralisation économique à Cuba peuvent conduire à l’instauration d’un système démocratique.

Il demeure cependant un grand mystère dans le voyage de Raúl : celui-ci est parti de La Havane le dimanche 1erjuillet. Il n’est réapparu en Chine que le mercredi 4 juillet. Lui qui n’aime guère les voyages n’a sûrement pas profité de ces quelques jours de répit pour se rendre sur la Grande Muraille…

Ce qui est certain, c’est qu’il était tellement heureux de ce retour aux sources du communisme qu’il a décidé, au dernier moment, d’aller rendre visite aux héritiers du KGB, l’ancêtre et l’un des modèles (avec la Stasi est-allemande et la Securitate roumaine), du G2, la police politique cubaine, à savoir Vladimir Poutine et ses acolytes, avec pour but d’élargir, sans doute, l’axe nostalgico-communiste, celui d’avant la chute du mur de Berlin.

En tout cas, l’heure de la glasnost, la transparence, n’est pas encore arrivée à Cuba.

D’ailleurs, les pauvres habitants de l’île sont plus occupés à faire face actuellement à un secret bien plus angoissant : celui d’une épidémie de choléra qui a déjà provoqué une trentaine de morts et que les autorités cherchent à cacher par tous les moyens, en déployant des agents de la police politique, la Sécurité de l’État, autour des hôpitaux. Cela fait tache pour la réputation de la santé dans un processus révolutionnaire que ses dirigeants et ses sympathisants présentent comme l’une de ses principales réussites (les « logros »). Du fait du mutisme de ses dirigeants et de la censure totale des moyens de communication, Cuba reste, pour longtemps encore, l’île mystérieuse.   

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