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Contagieuse : cette dépression mondiale que la zone euro est en train de créer
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Mauvais diagnostic !

Les préoccupations autour de la zone euro se font de plus en plus alarmantes, face aux discours peu crédibles de la BCE. Alors que cette dernière mène une politique de baisse des taux, les pays de l'Union européenne accentuent la réduction des dépenses publiques, entraînant de fait la formation d'une zone monétaire imparfaite...

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Facile : ne pas regarder ce qui s'y passe et ne pas y agir assez fort. La dernière réunion des responsables de la zone euro, présentée comme un succès, n'a pas convaincu les marchés. Ils en veulent plus, plus d'interventions de la BCE notamment, au moment même où certains, en Allemagne, Finlande ou Pays-Bas, trouvent qu'on est allés trop loin ! À l'extérieur de la zone euro, on juge qu’elle menace la croissance mondiale, à l’intérieur le diagnostic sur sa crise n'est pas partagé, encore moins les remèdes. Comment en sortir ?

A l'extérieur de la zone euro, États-Unis, Chine, Brésil ou Angleterre... expriment des préoccupations de plus en plus vives sur la zone euro. Saura-t-elle éviter l'explosion ? Que donnera, au mieux, une décennie de croissance molle ? Les États-Unis reprennent alors les interventions monétaires exceptionnelles destinées à soutenir leur activité, notamment après les "mauvais" chiffres de l'emploi de la semaine dernière. Ils confirment, à leurs yeux, l'effet négatif du ralentissement des exportations américaines vers la zone euro.

Plus près, l'Angleterre relance sa politique de financement monétaire du déficit budgétaire, pour éviter une récession forte, au risque de faire de ce pays le plus endetté du monde après le Japon. Un Japon qui tente toujours de sortir de la déflation, par une politique monétaire toujours "exceptionnelle", avec l'insuccès qu'on sait. La Chine se met alors à baisser ses taux d'intérêt devant le ralentissement de ses exportations, largement lié, selon elle, à la zone euro. Le Brésil n'entend pas demeurer en reste et baisse ses taux. Et la BCE entre dans la danse, comme si elle se rendait compte des soucis des autres ! Mais son analyse n'apaise pas, parce que son discours n'est pas assez clair, ni son action jugée suffisante.

A l’intérieur de la zone euro, on voit partout les anticipations de croissance se retourner, partout monter les dépôts monétaires, partout le crédit freiner. La baisse des taux de la BCE aide à « tenir », pas à repartir. Les trappes à liquidité s'ouvrent partout. En sus, la zone euro se lance dans une double logique dépressive. D'un côté, tous ses membres mènent ensemble des politiques de réduction de la dépense publique, mais la fragilisation de leur situation fait partout monter leurs taux de refinancement, contredisant leurs efforts d'économie. Regardons l'Italie. D'un autre côté, les politiques dites de régulation financière demandent aux banques d'avoir plus de fonds propres, et aussi plus de liquidité, au moment où la BCE la propose en quantité illimitée : cherchons la logique. La zone euro organise plus vite l'austérité qu'elle ne permet la reprise par les réformes, ceci empêchant cela, tandis que ses régulateurs y organisent un crédit crunch  (pour empêcher une réédition de la crise passée) et la BCE un credit easing  (pour éviter les effets de la régulation prudentielle ?) : allez-comprendre.

En même temps les politiciens se déchirent, entre "union" à renforcer et "responsabilité nationale" à rechercher. Chaque pays doit être responsable de ses actes... Excellent ! Mais que se passe-t-il s'il n'est pas sérieux et fragilise les autres (pas de nom) ? Que se passe-t-il si la crise fait apparaître des faiblesses que les systèmes de surveillance n'avaient pas décelées : bulle immobilière en Espagne ou en Irlande par exemple ? Que se passe-t-il si les médecines fragilisent trop le patient : Grèce ? Que se passe-t-il si les efforts de l'un (Italie) sont annihilés pas les lacunes ou erreurs des autres ?  Que se passe-t-il si une spirale négative s'ouvre, qui peut engloutir tout le monde ? Faut-il parler de responsabilité de chacun ou bien d'union, une union renforcée qui permettra de mieux corriger et surveiller, ensemble ?

C'est à ce stade que la BCE doit faire son travail, plus nettement, plus ouvertement. Comment ? En disant que la déflation est à nos portes, à la fois directement si l'on considère ce qui se passe en matière de prix, salaires, actions, logements crédit... et indirectement du fait des tensions au sein de la zone euro. Mais son message reste classique, pas ses actes. Les deux LTRO ont évité une détérioration majeure de la situation de trésorerie des banques, sans faire renaître à confiance. Acte manqué car acte partiel ?

La BCE, prise dans ses textes fondateurs, a en effet un discours plus timide que ses actes, ce qui freine dorénavant son action, quoiqu’elle dise. Bien sûr elle est en charge de la stabilité des prix, mais quid de la stabilité financière aujourd’hui ? À Mario Draghi d’accélérer les conditions de l’union bancaire. À lui aussi de parler aux régulateurs, comme il l'avait fait en fin d'année dernière en leur demandant de ne pas faire de stress testsalors que les LTRO étaient destinés à améliorer les trésoreries bancaires, pour leur dire d’attendre dans leurs exigences, car elles minent la reprise.

Au fond, nous récoltons les fruits d’une zone monétaire imparfaite, mais aussi de solutions qui ne le sont pas davantage. Pas surprenant qu’on inquiète : à nous de nous renforcer, en serrant les rangs !

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