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L'Iran, ce pays sans alcool
au nombre record d'alcooliques
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Hamdoulah ?

L'Iran, depuis longtemps porté sur la bouteille, s'enlise dans l'alcoolisme malgré la répression drastique et le risque de peine de mort. Un phénomène perçu comme une offense de la part du pouvoir islamique, qui y voit une perte de vitesse des valeurs religieuses.

L’Iran s’enlise dans son problème d’alcool. On savait les Iraniens amateurs de bouteille, mais le problème ne fait que s’accentuer selon le Los Angeles Times, qui publie un reportage alarmant à Teheran.

"L’essentiel de la semaine, Mohsen peut être croisé au volant de son ancienne Peugeot, à tourner dans la capitale avec une de ses proches, en train de se faire passer pour un père qui fait du shopping avec sa fille. Mais ses courses consistent à livrer du vin et de la bière faits maison ou de la vodka et du whisky de contrebande à des clients disséminés partout dans la ville", explique le LA Times.

L’homme préfère ne pas travailler la nuit : c’est l’heure à laquelle la police morale du pays fait ses rondes pour attraper les délinquants de son genre. S’il est arrêté, cet ancien professeur de 59 ans risque la prison, des milliers de dollars d’amende et éventuellement des coups de fouet pour avoir osé contrevenir à l’interdiction de la République islamique sur la consommation d’alcool. Mais paradoxalement, tous ces risques n’empêchent pas sa clientèle de grossir chaque jour un peu plus.

Après des années de déni public autour de la question de la consommation d’alcool illégale dans le pays, les responsables abordent frontalement la question de l’alcoolisme et des problèmes de santé liés à l’alcool pour la première fois. Les risques sanitaires sont en effet maximisés par les interdictions qui poussent la population à fabriquer des produits artisanaux faits maison dans de mauvaises conditions d’hygiène et sans contrôle.

"Nous recevons parfois des rapports d’hôpitaux et de médecins sur la consommation d’alcool dans les quartiers du sud de Téhéran. Y vivent des gens à faibles revenus, ce qui est un souci", expliquait le co-ministre de la Santé Baqer Larijani en mai.

C’était la première fois qu’un haut responsable iranien reconnaissait publiquement le problème de la boisson dans le pays. Larijani, frère du puissant président du Parlement, ajoutait que l’alcoolisme méritait même plus d’attention que le diabète ou les problèmes de cœur. Le mois dernier, lors d’une cérémonie marquant la Journée Internationale contre les Excès de Drogues et les Traffics Illicites, le ministre de la Santé Marzieh Vahid Dastjerdi a annoncé : "Nous avons préparé une feuille de route pour traiter le problème de l’alcoolisme et réduire la consommation de boissons alcoolisées dans la société."

Mais, alors même que les responsables officiels reconnaissent le problème, le gouvernement continue à traiter la boisson comme un péché et un crime. Récemment, deux habitants d’une province du Nord ont reçu des peines de mort pour cause de consommation d’alcool, dans le cadre de la loi spéciale en trois volets : chacun d’entre eux avait déjà été condamné deux fois pour consommation d’alcool auparavant : la troisième étant celle de trop….

Amnesty International a sommé les autorités iraniennes d’abandonner les peines de mort, arguant “La consommation d’alcool ne peut etre classée comme un des “crimes sérieux" internationalement reconnus comme des crimes capitaux."

"Ils font des exemples pour monter qu’ils sont sérieux au sujet de ces infractions", explique Mehdi Semati, auteur de "Media, Culture and Society in Iran : Living With Globalization and the Islamic State." (Media, Culture et Société en Iran : vivre avec la globalisation et l’état islamique)

Les chiffres sont accablants. On estime que plus de 200 000 personnes en Iran sont impliquées dans le trafic, et qu'environ 800 millions de dollars sont dépensés par an dans la contrebande. Selon le principal journal économique du pays, la police aurait déclaré une augmentation de 69% de la quantité d’alcool saisie cette année.

Et là n’est pas la seule addiction des Iraniens, qui sont des cumulards de la toxicomanie. L’Iran a également depuis longtemps un sérieux problème avec l’opium et l’héroïne. Les statistiques officielles placent le nombre d’addicts aux alentours de 1,2 million, un chiffre que certains estiment très en deçà de la réalité. A tel point qu’en Iran, la boisson est généralement considérée comme un moyen de compenser, afin de tenter d’en finir avec les autres additions considérées comme plus graves.

Un symbole de faiblesse pour le pouvoir islamique

L’augmentation de la consommation d’alcool a des ramifications politiques pour le pouvoir islamique, estime Hosein Ghazian, un sociologue et universitaire invité à l’Université de Syracuse. "Si beaucoup de personnes consomment de l’alcool, cela signifie que la population n’est pas aussi islamisée que veut bien le dire le gouvernement, et dans ce cas pourquoi tolèrerait-elle un gouvernement islamique ?", note le spécialiste.

La réticence du gouvernement à discuter ouvertement des habitudes des Iraniens en matière d’alcool se remarque même chez les religieux, dont le déni les pousse à ne pas aborder ce sujet lors de leurs sermons du vendredi. Cette réticence vient de la volonté de faire croire que la théocratie imposée par la force en Iran est majoritaire et que seule une minorité de rebelles se refusent à pratiquer l’Islam.

"Ce sont de vrais problèmes sociaux, et non pas juste des problèmes théologiques", ajoute Semati. "Dans un certain sens, c’est un aveu d’échec de la part du gouvernement… échec à réguler tous les aspects de la vie sociale, où les gens et les vieux seraient d’accord pour vivre selon le code de la République islamique."

En Iran, la boisson a longtemps été un phénomène important, profondément ancré dans la société, depuis l’élite la plus aisée, qui organise des fêtes secrètes dans les appartements de Teheran, jusqu’aux cols bleus qui boivent parfois des breuvages faits maison toxiques. La Révolution islamique de 1979 a tenté de rompre cette habitude, dans un effort général pour étouffer la culture perse au profit de la culture islamique, en vain.

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