Thérapie de groupe à l'UMP : les barons du parti réussiront-ils à stopper la guerre des chefs ? <!-- --> | Atlantico.fr
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François Fillon est très bien perçu dans l'opinion publique, beaucoup moins bien dans le parti.
François Fillon est très bien perçu dans l'opinion publique, beaucoup moins bien dans le parti.
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Réunion de la dernière chance

Les cadres de l’UMP se réunissent samedi au siège du parti, rue de Vaugirard à Paris. Outre les ténors politiques, entre 250 et 300 responsables locaux participent à cette réunion. Ces derniers, agacés par la guerre des chefs qui oppose François Fillon et Jean-François Copé, pourraient pousser au débat de fond.

Brunet et Sieffert

Brunet et Sieffert

Eric Brunet est journaliste et polémiste. Il officie notamment sur RMC avec son émission quotidienne Carrément Brunet

Denis Sieffert est Président, directeur de la publication et directeur de la rédaction de l'hebdomadaire Politis.

 

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Atlantico : Les cadres de l’UMP se réunissent samedi au siège du parti, rue de Vaugirard. Outre les ténors politiques, quelques 250 représentants et élus locaux seront présents. Ces derniers peuvent-ils contraindre les chefs à enterrer la hache de guerre ? 


Eric Brunet : 
A droite, il y a une préférence pour les passations de pouvoir dans "l'ordre". L' ordre fait partie du patrimoine génétique de la droite, au même titre que la figure tutélaire du chef, surtout dans la famille gaulliste.

On peut supposer qu'il va y avoir une certaine pression de la part des parlementaires et même de l'opinion de droite pour que la succession de Nicolas Sarkozy se passe en douceur. L'affrontement n'ira pas aussi loin que lors des primaires socialistes. 


Denis Sieffert :
 Je pense, au contraire, que l'affrontement est déjà lancé. Les clans sont formés. Ils recoupent des positions politiques différentes, assez marquées, y compris en profondeur au sein de l’UMP. Je ne parle pas uniquement de guerre des chefs, je pense que derrière cette opposition médiatique figurent des positions politiques bien réelles…

Néanmoins, il est possible que des élus locaux essaient de recentrer le débat sur le fond en attendant les primaires.


Ce type de réunion est-il vraiment nécessaire pour résoudre les problèmes de l'UMP ? Un député a même évoqué une « thérapie de groupe »...


Eric Brunet :
Dansla famille UMP, parmi les maires, les députés, les sénateurs, chacun à son champion. Ce n'est pas la peine de se voiler la face et de surjouer l'union sacrée. Ce genre de réunion sert à "amuser la galerie". L'UMP s'est encore fait intoxiqué par une certaine presse de gauche qui n'a cessé de raconter qu'en cas de défaite de Nicolas Sarkozy, la droite exploserait et serait phagocytée par le FN. La doxa ambiante nous a fabriqué ce scénario : la famille gaulliste allait être inévitablement scindée en deux. C'est faux !

Nicolas Sarkozy a montré qu'il existait une vraie droite décomplexée, allant de la frontière du Front national jusqu'au centre-droit. Les électeurs du Modem ont majoritairement reporté leurs voix sur Nicolas Sarkozy. Le scénario de l'éclatement est absurde. Il y aura une bataille de personne pour déterminer qui sera le meilleur chef de l'opposition à François Hollande. C'est dans l'ordre des choses. Arrêtons de nous boucher le nez en disant : "on va entendre des choses terribles ! " Il ne faut surtout pas entrer dans ce "scénario de l'éclatement", imaginé par les journalistes bien-pensants !


Denis Sieffert :
C’est assez fréquent au lendemain des défaites. Le PS a également connu ce phénomène : on lave son linge sale, et pas forcément en famille ! Les divisions s’exacerbent…

Il est néanmoins souhaitable que ces rivalités d’égo recoupent des débats d’idées, et ne soient pas seulement liées à de fortes personnalités. Je crois qu’il y a quand même un débat sous-jacent à l’UMP, sur l’attitude à adopter par rapport au Front national, le « ni-ni », la question des rapprochements… Entre le discours de Copé et celui de Fillon, il existe de vraies différences… Ils ont tout intérêt à aller au fond du débat, même si je pense qu’ils n’en sont pas capables.


Justement, cette "bataille des chefs" très médiatisée cache-t-elle l'absence de réel débat de fond ?


Denis Sieffert :
C’est tout à fait probable. On voit bien que tout le monde avance en crabe dans cette affaire. Les protagonistes ne veulent pas vraiment dire leurs divergences, bien qu’ils les connaissent… Ils cherchent des formules pour les faire apparaître, mais dans le même temps les masquer en profondeur.

Quand Jean-François Copé est interrogé sur ses divergences avec François Fillon, il refuse de les définir, laissant simplement poindre une ligne un peu plus droitière que celle de l’ancien Premier ministre. Celui qui ouvrira la boîte de Pandore des divergences risque de s’exposer et de tout perdre. 


Eric Brunet : 
Au contraire, jamais depuis "les années Giscard", il n' y a eu autant de contenu intellectuel à l'intérieur de la famille gaulliste qu'en ce moment. Sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy, l'UMP a pris position sur de nombreux sujets au cours de la campagne : sur l'euthanasie ou sur le mariage homosexuel. On va nous expliquer que François Hollande est très courageux de relancer le débat sur le mariage homosexuel. En réalité, il ne fait que céder à l'air du temps. La plupart des pays européens l'ont adopté et  60 % des Français y sont favorables. C'est la famille gaulliste qui est courageuse, car elle est en situation de résistance. Cet exemple montre que l'UMP est capable de prendre des positions à contre-courant et d'assumer un corpus idéologique très solide.

Néanmoins, il est vrai qu'il n'existe pas de vrai clivage eu sein de la famille UMP. Sur le plan des idées, pratiquement rien ne sépare François Fillon et Jean-François Copé. Même sur la question du cordon sanitaire avec le FN, ils sont sur la même ligne. Mais le choix d'une personnalité, d'un homme, reste important.

Alain Juppé est favorable à une direction collégiale de l'UMP. Sa position d’arbitre peut-elle lui permettre de tirer son épingle du jeu ? 


Eric Brunet :
 François Fillon est très bien perçu dans l'opinion publique, beaucoup moins bien dans le parti. Il a un bilan électoral plutôt médiocre, puisqu'un socialiste s'est emparé de son ancienne circonscription dans la Sartre.

Jean-François Copé est tout puissant au sein du parti. Mais à l'inverse, on s'interroge toujours sur sa personnalité. Il est donc difficile de trancher pour l'un ou l'autre. Ce serait "un choix hémiplégique".

Dans ce contexte, l'émergence d'Alain Juppé n'est pas impossible. Un autre candidat, comme François Baroin qui est ambitieux et représente les chiraquiens, peut également tirer son épingle du jeu. Je pense que c'est la conjoncture dans les années à venir qui va déterminer le choix des militants et mettre un candidat sur le devant de la scène. Il y aura une bataille interne en 2017. 


Denis Sieffert :
 Si le débat entre Fillon et Copé tourne au vinaigre, il est tout à fait possible qu’Alain Juppé « ramasse les morts ». Toutefois, il n’est pas totalement neutre : il semble plus près de François Fillon que du patron de l’UMP.

De là à y voir une stratégie de sa part, il n’y a qu’un pas, mais c’est un peu trop sonder les reins et les cœurs. Cependant, il est évident qu’il a un peu plus de hauteur que les autres, et en outre n’est pas descendu dans la mêlée. Il peut donc se situer dans une posture arbitrale, qui pourrait lui permettre de remporter la mise à la fin…

Propos recueillis par Romain de Lacoste et Alexandre Devecchio

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