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Amère : la presse algérienne se déchaîne contre le bilan de 50 ans d’indépendance
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Sentiment d'inachevé

Cérémonies officielles, émissions spéciales : les Algériens célèbrent avec faste le cinquantenaire de leur indépendance. Si le président Bouteflika et certains ministres ont qualifié de positif ce dernier, la presse algérienne, elle, se montre beaucoup plus critique.

L'Algérie a 50 ans et va fêter son demi siècle d'indépendance durant une année. Le coup d'envoi des célébrations, prévues jusqu'au 5 juillet 2013, a été donné mercredi soir près d'Alger par des feux d'artifice à travers tout le pays. Jeudi matin, le président Abdelaziz Bouteflika, (75 ans, lui-même un ancien combattant) s'est rendu au monument des martyrs sur les hauteurs de la capitale pour se recueillir à la mémoire des combattants. Selon Alger, 1,5 million d'Algériens ont péri durant cette guerre de sept ans et demi.

Aucun officiel français n'est représenté à ces commémorations. Il y a quelques mois, François Hollande insistait sur l'importance du travail de mémoire. Jeudi, le président français a affirmé qu'il se rendrait "si possible" en Algérie avant la fin de l'année. Mais 50 ans après, les blessures ne sont pas encore cicatrisées et les relations entre les deux pays restent houleuses.

Pour tenter de donner un écho international à cette célébration, les autorités ont fait diffuser un publi-reportage de 16 pages dans le quotidien Le Monde. Le président Bouteflika et certains ministres y qualifient de positif le bilan de ces 50 ans.

La presse algérienne, elle, dresse un bilan beaucoup plus critique de ce demi-siècle d'indépendance. Pour l'ensemble des journaux, l'échec le plus important a été l'incapacité du pays à sortir de son statut d'État rentier, avec 98% de ses recettes issues des ventes d'hydrocarbures. L'ouverture économique a été un échec. Tout comme les privatisations. Le régime en place n'est pas non plus parvenu à lutter contre la corruption généralisée et à stopper l'avancée de l'économie informelle (40 % du PIB).

Le journal El Watan estime que ce cinquantenaire est une "halte qui exige un bilan critique". Le Soir d’Algérie évoque "50 ans de progrès, d’espoir et de déceptions". "L'Algérie n'a même pas eu le temps de savourer sa victoire que des clans se sont déchaînés pour la prise du pouvoir", regrette de son côté le quotidien Liberté dans un éditorial. Le quotidien Ech Chourouk appelle à faire le bilan des 50 années d’indépendance, en tirant des enseignements de certains "échecs" au lieu de se "noyer dans des festivités folkloriques".

Les dépenses faramineuses (500 milliards de dollars) effectuées entre 2001 et 2011 grâce à la manne pétrolière pour moderniser les infrastructures de base et améliorer les conditions de vie des Algériens n'ont pas permis à l'économie de se diversifier. L'Algérie ne produit presque rien et nourrit sa population grâce aux importations. Son industrie agonisante représente moins de 5 % du PIB. Son agriculture, archaïque, n'arrive pas à satisfaire la demande locale en pommes de terre et en tomates.

"Que faire le 5 juillet prochain ? Sortir en hurlant de joie comme le 5 juillet 1962 ?", se demande de son côté Le Quotidien d'Oran. Trop de choses négatives se sont produites depuis. Et le journal d’égrainer : "un coup d'État" (le renversement du président Ben Bella en 1965), "la naissance de milliers de faux anciens moudjahidin [ndlr : combattants] qui ont mangé l’histoire nationale", "il y a eu des milliers de morts, des torturés, des internés, des massacrés, des abattus dans le dos [ndlr : guerre civile durant les années 1990]". Résultat : "ce n’est pas évident de rejouer la joie de 1962".

Le journalEl-Watanse penche lui sur la condition des femmes. Si l'égalité des sexes est inscrite dans la Constitution depuis 1963, au lendemain d'une guerre de libération à laquelle les femmes ont activement participé, "les mentalités et les pratiques d'une société patriarcale ont la peau dure". Certes, près de une femme sur six travaille aujourd'hui, alors qu'elles n'étaient qu'une sur trente en 1966. Mais "le code de la famille reste la première violence institutionnelle. Cette discrimination consacrée est une grave marque de l'absence de volonté politique d'installer une égalité réelle", déplore le professeur Fadhila Chitour-Boumendjel, responsable du réseau Wassila, qui vient en aide aux femmes en détresse. "Un demi-siècle après l'indépendance, les femmes connaissent leurs droits, mais ne peuvent les faire valoir qu'au bout de moult sacrifices. Elles ne sont toujours pas libres de faire leurs propres choix", conclut El-Watan.

Mais pour les Algériens, malgré un taux de chômage de plus de 20% parmi les jeunes qui constituent les deux-tiers de la population, la joie rayonne ces jours-ci dans les rues décorées de centaines de drapeaux et logos du cinquantenaire. Depuis quelques jours, les jeunes crient et dansent au son des concerts organisés un peu partout dans le pays, jusque tard le soir, comme si de rien n'était. Comme si tout allait bien.

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