Il sera plus facile à Katie Holmes de divorcer de Tom Cruise que de la scientologie... La si difficile sortie des sectes<!-- --> | Atlantico.fr
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Les victimes des sectes prennent des risques parfois inconsidérés pour rendre leur existence intéressante.
Les victimes des sectes prennent des risques parfois inconsidérés pour rendre leur existence intéressante.
©Reuters

Libérez-les !

Katie Holmes aurait demandé le divorce à Tom Cruise pour s'émanciper de l'Église de Scientologie. Mais il ne suffit pas de prendre la décision de partir pour s'en échapper. Encore faut-il abandonner le statut de victime... Et renoncer à être exceptionnel !

Jean-Luc Swertvaegher

Jean-Luc Swertvaegher

Psychologue clinicien et chercheur au Centre Georges DEVEREUX, centre universitaire d'aide psychologique, Paris.

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Atlantico : Katie Holmes aurait quitté Tom Cruise pour s'émanciper de l’Église de Scientologie. Combien de temps lui faudra-t-il pour totalement s'en sortir ?

Jean-Luc Swertvaegher : Notre travail avec les sortants de sectes, parmi eux des ex-scientologues, montre que tout dépend de la façon dont l’adepte a été « fabriqué ». Les sectes énoncent des vérités particulières (sur les personnes, l’organisation du monde, etc.) qu’elles font pénétrer à l’intérieur des gens.

Quitter une secte ne se résume donc pas tant à la quitter physiquement, mais surtout à "désactiver" ces vérités. Dans le cas de la scientologie, l’une de ces vérités serait que l’attachement aux émotions est un frein à la rationalité de l’individu. Le bon scientologue doit apprendre à se couper de ses émotions. Les victimes, une fois convaincues que l’Église leur a été néfaste, continuent à adhérer aux énoncés de vérité de la scientologie et à se couper de leurs émotions. Il nous a fallu réfléchir avec eux au rôle des émotions : à quoi servent-elles pour les êtres humains ? Quels sont les dangers de s’en couper ?

Cette théorie est l’une des forces de la scientologie : une fois que l’adepte est coupé de ses émotions, il ne sentira plus l’angoisse ni le danger lié à la secte.

Quelles sont les difficultés rencontrées par la victime qui quitte une secte ?

Tout d’abord, le sentiment d’élitisme. Les sectes offrent des propositions d’avant-garde, qui attirent les gens. Leurs adeptes sont des personnes qui recherchent le sentiment d’appartenance à une aventure collective, à l’avant-garde de la marche du monde. Cela suppose que ceux qui n’appartiennent pas à la secte ne les comprennent pas, puisqu’ils ne font pas partie de cette avant-garde. Les membres sont donc coupés du monde, de la vie sociale.

Mais la difficulté principale, pour réparer les dégâts causés par une aventure sectaire, c’est de savoir où et comment la secte est entrée à l’intérieur de la personne. Même si elle a pris conscience que l’aventure était une impasse, que les promesses initiales n’étaient pas tenues, que l’expérience était dangereuse, elle a néanmoins besoin de comprendre pourquoi elle est entrée dans la secte.

De plus, les anciens membres sont confrontés à l’incompréhension : pourquoi, après avoir quitté la secte, les choses semblent encore pires que lorsqu’elles y appartenaient ? A un certain moment, les enseignements appris reviennent. C’est le moment le plus douloureux.

Quels conseils leur donner ?

Ne pas rester seul, tout d’abord, mais surtout ne pas se considérer comme une victime. Il vaut mieux se concentrer sur comment l’expérience sectaire a pu nous enrichir.

Nous avons vu des centaines d’ex-membres de sectes. Ce ne sont pas les victimes fragiles et crédules qu’on veut bien décrire. La grande majorité d’entre eux était soucieuse de ne pas vivre une vie banale. Elles ont pris des risques parfois inconsidérés pour rendre leur existence intéressante, pour chercher des endroits qui leur apporteraient ce sentiment d’exceptionnel. La secte est l’un de ces endroits. Or cette prise de risque est plutôt une force de caractère et de personnalité. Mais la contrepartie de cette force, c’est un défaut de protection : elles se sont lancées corps et âme dans l’aventure sectaire sans prendre de précautions.

Cette envie d’avoir une existence passionnante demeurera, même à la sortie de la secte. On ne change pas ces gens-là – et d’ailleurs il ne faut pas les changer. Il ne faut donc pas les placer dans la position de victime.

Cette difficulté à partir est-elle propre aux sectes ? N'est-ce pas le cas pour tous les types de groupe ?

Bien sûr ! Le gouvernement Jospin avait créé la Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes ; mais il a fallu qu’elle change de nom pour devenir la Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires. C’est le signe d’une prise de conscience : tous les groupes sont concernés, et pas seulement les sectes. Dès lors qu’il y a un attachement à un groupe institutionnel, professionnel, vous êtes confronté à ces risques. La différence avec les sectes est qu’il y existe l’intention de vous empêcher de partir.

On retrouve ces schémas dans d’autres groupes, mais dans une moindre mesure. Nous avons par exemple essayé de « réparer » des couples, dont l’un des membres avait été en thérapie. La thérapie avait eu notamment comme conséquence de susciter la méfiance vis-à-vis du conjoint. La relation de couple a été mise à mal par l’expérience thérapeutique.

Qu’est-ce qui a poussé Katie Holmes à quitter l’Église de Scientologie ?

Je ne la connais pas, mais je peux vous répondre. D’une part, les gens quittent ce genre d’organisation lorsqu’ils s’aperçoivent que les promesses n’ont pas été tenues, que les contraintes d’adhésion au groupe deviennent de plus en plus lourdes et que l’objectif de développement personnel n’a pas été accompli. Ce dont ils se rendent compte, par exemple, lorsque les scientologues finissent par rencontrer les membres de l’Église qui ont atteint les plus hauts niveaux. Voir la transformation des êtres scientologues leur fait réaliser qu’ils se sont trompés, qu’ils ne veulent pas suivre leur exemple.

D’autre part, la protection des enfants peut être un catalyseur. On a vu le cas en France pour la secte Moon, lorsque non pas les parents, mais les grands-parents nous ont demandé de réfléchir sur les moyens de protéger leurs petits-enfants. 

Il peut-être utile de préciser que les sectes ont pour utopie de transformer des personnes en autre chose que des humains. En scientologie, par exemple, en des êtres Thétan.

Quand les sectes capturent des gens, elles les convertissent en des adeptes, mais ces derniers ne sont pas des êtres "purs". En revanche, quand des adeptes font des enfants à l'intérieur d'une secte, ces enfants, sont considérés comme des créations ex-nihilo de la secte. On peut comprendre que des parents adeptes d'une secte refusent que les enfants qu'ils mettent au monde soient destinés à appartenir entièrement à la secte et décident alors de quitter l'organisation.

Propos recueillis par Ania Nussbaum

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