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Qui a voulu (et obtenu) la peau de Yasser Arafat ?
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Complot

Yasser Arafat serait décédé d'un empoisonnement au polonium, selon un documentaire d'Al-Jazira. Si Israël a été, dès 2004, accusée d'avoir éliminé le leader palestinien, d'autres théories sont apparues. Car le raïs avait aussi des adversaires en Palestine...

La mort de Yasser Arafat revient à la une de l’actualité, plus de sept ans après les faits. Un documentaire, diffusé ce mardi sur Al-Jazira, révèle en effet que le leader palestinien aurait été empoisonné au polonium, une substance radioactive.

Le reportage, qui fait suite à neuf mois d’enquête, présente les conclusions d'analyses effectuées dans un laboratoire en Suisse portant sur des échantillons biologiques prélevés dans les effets personnels du dirigeant palestinien mort à 75 ans le 11 novembre 2004 à l'hôpital militaire de Percy, au sud de Paris. Ils sont constitués de cheveux, brosses à dents, traces d'urine relevées sur des sous-vêtements et une tâche de sang sur un bonnet médical. "La conclusion, c'est que nous avons trouvé [un niveau] significatif de polonium dans ces échantillons", affirme François Bochud, directeur de l'Insitute for Radiation Physics de Lausanne, dans le documentaire. "Il y a une quantité anormale de polonium", une substance qui n'est accessible selon lui qu'à "des gens qui s'intéressent ou construisent des armes nucléaires".

Sa veuve, Souha Arafat,  a annoncé qu'elle allait "immédiatement adresser une lettre officielle au laboratoire suisse qui a conduit les tests pour autoriser la collecte d'échantillons sur les restes du martyr Arafat afin de vérifier les résultats", précise Le Monde.

Sida, crise cardiaque ou thallium : les différentes hypothèses

A l’époque, aucun des 50 médecins présents au chevet d'Arafat n'avaient été en mesure de préciser la raison exacte de la détérioration rapide de son état. Le dirigeant palestinien était tombé malade en octobre 2004, avant de décéder quelques semaines plus tard. En 2005, une enquête palestinienne avait éliminé l’hypothèse d’un empoisonnement, d’un cancer et du Sida, rappelle le New York Times, mais sans avancer d’autre piste. Le journal américain avait ensuite eu accès aux dossiers médicaux d’Arafat et en avait conclu qu’il est mort d’une crise cardiaque, suite à un problème sanguin causé par une infection mystérieuse.

En 2007, le journal israélien Haaretz rapportait que selon le médecin personnel d’Arafat, des traces de VIH auraient été découvertes dans son sang. Selon lui, il ne serait néanmoins pas mort du Sida. A la même époque, le journal Amman publiait une interview d’un responsable du ministère de la Santé jordanien, selon lequel la cause de la mort du dirigeant était le poison. Puis, en 2011, l’un des proches du raïs, Bassam Abu Sharif, disait au journal Al-Arabiya, être "sûr" que Yasser Arafat avait été empoisonné au thallium, un élément rare.

Des sources internes du Service de protection radiologique des armées ont indiqué au journaliste Jean-Yves Nau que différentes analyses avaient en 2004 été réalisées sur des échantillons urinaires, et avaient permis d’exclure la présence de rayonnements radioactifs de type alpha, béta ou gamma."Compte-tenu des caractéristiques spécifiques de cet élément radioactif, il est proprement impensable que les spécialistes français aient pu, en 2004, ne pas identifier du polonium si ce polonium est effectivement encore présent huit ans plus tard comme on le dit à Lausanne", précise cette source.

Un complot d'Israël, de Palestiniens... ou des deux ?

De nouvelles analyses devraient permettre d’y voir plus clair, à condition qu’ils soient menés rapidement. "Le polonium se dégrade, si nous attendons trop, la preuve potentielle va disparaitre", précise François Bochud. "Le bénéficiaire de cette attente serait l’ennemi sioniste', a réagi le Hamas – l’adversaire politique du Fatah de Yasser Arafat – dans un communiqué. Il appelle à une enquête visant également "ceux qui ont facilité la tâche de l’occupant", rapporte l’AFP.

Israël, responsable de l’empoissonnement de Yasser Arafat ? L’hypothèse est apparue dès sa mort. Il est vrai que lors du Nouvel an juif de 2004, Ariel Sharon avait rappelé qu’Israël a tué Cheikh Ahmed Yassine, chef spirituel du Hamas, puis son successeur Abdel Aziz Al-Rantissi… et qu’il n’y avait aucune différence entre eux et Arafat.  « Tout comme nous avons agi contre ces assassins, nous agirons contre Arafat », avait déclaré Sharon. Le même Sharon qui avait déclaré à plusieurs reprises regretter de ne pas avoir éliminé Arafat lors de la guerre du Liban, en 1982.

Le Point.fr explique pourtant qu’Israël n’avait plus aucun intérêt, en 2004, à éliminer un Yasser Arafat considérablement affaibli, retranché dans son bunker et qui n'était plus un interlocuteur légitime depuis l’arrivée dans l’Autorité palestinienne d’un Premier ministre, en la personne de Mahmoud Abbas, futur président de l'Autorité. "En 2004, le maintien au pouvoir d'un Yasser Arafat prisonnier de son QG servait plutôt les intérêts israéliens, explique Jean-François Legrain , chercheur au CNRS-Gremmo (Groupe de recherches et d'études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient), au Point. Ainsi, les difficultés entre les deux parties pouvaient être imputées par Israël au raïs, quand Mahmoud Abbas, en tant que Premier ministre, et Salam Fayyad, aux Finances, se devaient d'entretenir sur la durée une Autorité palestinienne, qui n'avait plus d'intérimaire que le nom. Et la perspective d'un État souverain s'en trouvait d'autant plus éloignée", ajoute-t-il.

Le grand gagnant de la mort du raïs est en fait le Hamas, qui a fait à cette époque son entrée sur le devant de la scène politique. Mais Jean-François Legrain rejette l’hypothèse d’une implication de l’organisation islamiste : "Le Hamas n'a jamais eu recours à des assassinats de membres du Fatah. De tels actes ont uniquement été perpétrés par des membres du Fatah entre eux, mais l'empoisonnement ne fait pas partie de leurs pratiques, la kalach étant privilégiée."

L’hypothèse d’un complot fomenté à la fois par Israël et par Mahmoud Abbas a aussi émergé. En 2009, un responsable de l’Organisation de libération de la Palestine, Farouk Kaddumi, annonçait que selon son enquête, le leader palestinien aurait été tué par Ariel Sharon et Mahmoud Abbas, ce dernier en profitant pour prendre la tête du Fatah. Ce dernier a eu beau démentir, en traitant Kaddumi – qui était le ministre des Affaires étrangères d’Arafat – "d’esprit dérangé" et de "sénile", le site GlobalPost notait que "la plupart des Palestiniens rencontrés à Ramallah disent que l’accusation de Kaddumi confirme ce qu’ils pensaient déjà." Bassam Abu Sharif, un autre proche de Yasser Arafat, avait réagi en disant qu’il ne croyait pas à cette hypothèse, mais qu’une enquête était néanmoins nécessaire. Elle n’a jamais eu lieu.

Morgan Bourven

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