Condamné pour détention de drogue, Mick Jagger a fait plier l'establishment<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
Condamné pour détention de drogue, Mick Jagger a fait plier l'establishment
©

Sex and drugs

En juin 1967, Mick Jagger et Keith Richards sont arrêtés pour détention de drogues. Après quelques jours en garde à vue, les enfants terribles sont jugés, et la sentence est lourde : trois mois de prison pour le premier, un an pour le second. L'écrivain Christophe Andersen revient sur cet épisode dans son ouvrage "Mick, Sex and Rock'n'Roll". Extrait (1/2).

Christopher Andersen

Christopher Andersen

Christopher Andersen, grand journaliste en particulier au Time et à People, est le biographe de référence des plus grandes stars et célébrités, de Jane Fonda à Jackie Kennedy, en passant par la famille royale britannique ou el couple Obama.

Voir la bio »

Les genoux de Mick se mirent à trembler, son visage devint livide, et l’espace d’un instant il eut peur de tourner de l’œil. Keith venait d’être condamné à un an  de prison et à présent le juge Leslie Block annonçait que Jagger allait passer trois mois derrière les barreaux.

« Je me suis liquéfié quand la sentence est tombée », raconte Jagger, alors qu’il entendait la clameur des huit cents fans devant le tribunal de West Sussex à Chichester, scandant « c’est une honte ! » et « laissez-le sortir ! ». Jagger ajoute : « J’avais l’impression d’être dans un film de James Cagney. Sauf que ça virait au cauchemar. » Quelques instants plus tard, Marianne retrouva Mick dans sa cellule ; ils s’étreignirent et se mirent à  pleurer dans les bras l’un de l’autre.

Condamné après seulement deux jours de procès, Mick fut emmené menottes aux poings à la maison d’arrêt de Lewes en attendant son transfèrement à la prison de Brixton pour purger sa peine.

Jagger sanglotait pendant qu’on lui prenait ses empreintes digitales, qu’on lui tirait le portrait et lui mettait dans les bras son uniforme de détenu. Mick était terrifié à l’idée de passer quatre-vingt-dix jours en détention, avec un autre repris de justice,  dans le funeste pénitencier datant du  XIXe siècle. Les larmes ruisselant sur ses joues, Jagger, hagard et tremblant, disait qu’il ne survivrait pas à cette expérience. Keith qui, avec Fraser, avait été placé dans la prison tout aussi moyenâgeuse de Wormwood Scrubs, se consolait de voir que leur condamnation avait déclenché  une vague de protestation planétaire.

Il y avait des manifestations devant les ambassades britanniques dans de nombreux pays pour réclamer la libération immédiate des Stones. Partout, des D.J. passaient en boucle les disques des Rolling Stones en signe de soutien. À la House of Commons, Tom Driberg, l’ami de Mick et son mentor politique, fit savoir qu’il était « révolté » par la condamnation de Jagger et Richards, « comme s’il s’agissait de meurtriers ». Le lendemain, après la diatribe enflammée de Driberg, Mick et Keith furent libérés sous caution, moyennant sept mille livres (environ quinze mille dollars de l’époque), en attendant leur procès en appel.

Le mouvement pour la libération de Mick et Keith prit de l’ampleur dans l’opinion publique. La plupart des journaux voyaient dans ce verdict l’exemple même de « l’hypocrisie britannique » (le Evening News de Londres) ou dénonçaient « une peine totalement disproportionnée » (le  Sunday Express). Mais le coup fatal fut porté par William Rees-Mogg, le directeur du  Times de Londres. Le titre de son article condamnant le verdict, emprunté à un vers d’Alexander Pope, deviendra l’un de plus célèbres dans l’histoire du journalisme : « Brise-t-on les ailes d’un papillon au supplice de la roue ? »

Le 31 juillet, le président de la Cour suprême, Lord Parker, annula la condamnation de Keith pour manque de preuves, puis (et cela sema un moment la panique) confirma celle de Mick. Quelques instants plus tard, toutefois, le juge commua la peine de prison du chanteur en un an avec sursis.

Au sortir du tribunal, il s’empressa de gober quelques Valium pour donner sa première conférence de presse dans sa Rolls Royce. Après avoir répondu aux questions des journalistes pendant un quart d’heure (« J’ai été malgré moi mis sous le feu des projecteurs… je ne cherche pas à imposer mes vues, à l’inverse d’autres vedettes »), Mick attrapa Marianne et monta dans un hélicoptère pour gagner une propriété dans l’Essex. Sous l’objectif des caméras, il s’installa avec une brochette de dirigeants politiques, de gens d’Église et de responsables des médias pour discuter de grands sujets de société, tels que la légalisation de la drogue, les conflits sociaux et l’avenir de la jeunesse britannique. « Je ne me suis jamais considéré comme un porte-parole de la contestation, déclara-t-il, en délaissant son accent cockney pour une prononciation plus distinguée. C’est la société qui m’a mis dans cette position. »

Du jour au lendemain, un procès pour drogue avait fait de Mick la personnalité la plus prisée des médias pour débattre des grands sujets qui divisaient le pays. Jagger, devant les caméras, se comportait avec une maturité et une acuité étonnantes pour ses vingt-quatre ans et jouait à merveille le citoyen modèle et responsable. Mais en son for intérieur, il savourait sa victoire contre l’establishment qui avait voulu avoir sa peau et avait lamentablement échoué – ces mêmes institutions poussiéreuses qui envoyaient à présent leurs mignons grisonnants le courtiser.

______________________________________________________________________________

Extrait de "Mick, Sex and Rock'n'Roll", Editions JC Lattès (4 juillet 2012)

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !