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Fermeture du collège de Juilly,
ou comment la France peine
à inscrire ses institutions historiques
dans la mondialisation
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Nostalgie

Le plus vieux collège de France ferme ses portes à l'occasion de la fin de l'année scolaire pour cause d'endettement. Avec cet établissement qui a vu passer Montesquieu, Bossuet ou Noiret s'en va tout un pan de notre histoire...

Xavier Charpentier

Xavier Charpentier

Xavier Charpentier a crée avec Véronique Langlois en mars 2007 FreeThinking, laboratoire de recherche consommateur 2.0 de Publicis Groupe.

Diplômé de Sciences Po Paris, tituaire d'une maîtrise et dun Capes de philosophie, Xavier Charpentier s'oriente vers le marketing et la communication après avoir été enseignant. Planner international, puis Directeur du planning stratégique de Publicis Conseil et de Lowe Stratéus, il est depuis dix-huit ans spécialiste de la stratégie des marques et de l'observation des tendances.

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Voilà, c’est comme ça la vie : quelquefois, au matin, le réveil radio s’allume et sans qu’on s’y soit préparé quelque chose s’en va, sans crier gare. Mardi matin c’est le Collège de Juilly qui s’en est allé, presque sans bruit. Avec élégance et sobriété, comme il sied à une institution fondée par les Oratoriens. Quelques minutes de reportage sur Europe 1, les témoignages pleins de retenue de quelques enseignants, les commentaires un peu incrédules d’élèves pour lesquels la rentrée se fera ailleurs, pour qui passer la grille le dimanche soir et le vendredi après-midi, c’est fini… Et puis voilà. « Orior », c’était la devise qui ornait le porche et qu’on portait sur nos maillots le mercredi après-midi, quand on se mesurait à Saint-Laurent de Lagny ou Saint-Martin de Pontoise. « Je m’élève » : tout un programme.

Terminé. On ferme. La dette est impossible à rembourser, les charges trop élevées, les élèves pas assez nombreux… Bref, ça ne pouvait plus durer. C’était la seule solution, apparemment.

On pense à tous les anciens inconnus aux amis qui partageaient la vie de pensionnaire – dortoir, réfectoire, et mercredi au bois de l’Oratoire, en rang par deux bien sûr… On est un peu sonné toute la journée. On se dit que ce serait bien que quelqu’un prenne la plume pour expliquer ce que c’était, ce que l’institution éducative perd, en France, quand elle perd Juilly.

On entend sans y croire la journaliste parler des illustres anciens, élèves ou parfois enseignants… Les peu recommandables : Mesrine, Fouché. Les artistes : Brasseur, Noiret, Polnareff. Les grands soldats : Villars, Duperré. Les politiques qui n’existent plus que dans les livres d’Histoire : Berryer, Pasquier. Les frères de : Jérôme Bonaparte. Les personnages des Mémoires de Saint-Simon : le duc d’Antin. Les réacs : Bonald. Les classiques : Montesquieu, La Fontaine, Bossuet.

Bossuet… On se dit que c’est dommage, quand même, qu’il ne soit plus là pour faire une belle oraison funèbre. Ni Montesquieu, pour écrire une dernière lettre persane : comment peut-on être mortel, quand on est le Collège de Juilly ?

Parce que bien sûr on se demande comment c’est possible, un gâchis pareil. On s’interroge. On se renseigne. On va chercher sur internet s’il n’y a pas un début de réponse. Et on tombe sur un article d’il y a un mois – on a un peu honte parce qu’on ne l’a pas vu il y a un mois, parce que les chênes que l’on abat ne font pas tant de bruit que ça et qu’on est tellement occupé ailleurs... Un article qui décrit comment, à force de ne pas s’entendre sur l’essentiel, de s’obstiner dans des positions qui étaient manifestement des impasses, ceux qui ont la charge d’une institution vieille de 374 ans la laissent s’effacer de la scène du monde.

Et puis, sans doute sous l’effet de la tristesse, les pensées s’égarent, on pense à  une autre très vieille chose à laquelle on est tellement attaché et qu’on croit éternelle, elle aussi. Une vieille chose qui n’est plus très en forme elle non plus à force d’élites qui semblent quelquefois si peu soucieuses d’elle, d’incapacité à s’entendre sur l’essentiel, d’indifférence. On repense à tous ces titres de livres qui semblent trop gros pour être vrais – parce qu’ils nous parlent de France qui tombe, de France finie, de France en faillite…Quelquefois c’est au réveil que les cauchemars commencent.

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