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Obamacare : une victoire
qui pourrait coûter à Barack
sa réélection
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Trans Amérique Express

La décision de la Cour Suprême, ce vendredi, en faveur de l'Obama care est une victoire pour le président américain. Mais ce succès pourrait lui coûter cher en novembre.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Le 28 juin,  la Cour Suprême des Etats-Unis a approuvé, par à cinq voix contre quatre, la loi de santé votée par le Congrès voici deux ans, intitulée « Affordable Care Act » mais désignée dans les médias sous le nom d’ « Obamacare ». Au premier abord, ce vote constitue une grande victoire pour le président américain. Mais, à y regarder de plus près, c’est une victoire qu’il pourrait rapidement regretter car paradoxalement cette décision ne favorise pas ses chances de réélection en novembre. Rappel des faits et explications.

Barack Obama a fait de la création d’une couverture santé universelle le grand combat de son mandat. C’est  une promesse de campagne. Il y voit une avancé sociale considérable. La conclusion d’un combat vieux de plus d’un demi-siècle pour l’égalité des chances devant la santé. La correction d’une grande injustice, qui fait honte à l’Amérique. Car, et les médias internationaux l’ont suffisamment répété, en ce début de XXIe siècle, au cœur du pays le plus riche et le plus puissant du monde, « 43 millions de personnes n’ont pas d’assurance santé » !

Ce chiffre de  « 43 millions » mérite quelques commentaires. En matière de santé aux Etats-Unis, les idées reçues sont nombreuses. Les mythes les plus invraisemblables circulent.   

Medicare ou Medicaid

Le système de santé américain est complexe et coûteux. C’est un système basé sur un partenariat public-privé. Il est géré de manière autonome par chacun des 50 Etats de l’Union.  Le gouvernement fédéral n’intervient que pour subventionner deux programmes  nationaux : « Medicare » et « Medicaid », créés par le président Lyndon Johnson en 1965 et dont la mise en place est laissée à la liberté des Etats. « Medicare » garantit une couverture des soins de santé pour tous les Américains de 65 ans et plus, ainsi que pour les personnes handicapées. « Medicaid » fait à peu près la même chose pour les personnes les plus démunies. Medicare s’applique sans limitation de ressources.

Bien que multi-millionnaire, Mitt Romney, le candidat républicain à la Maison Blanche, qui vient d’avoir 65 ans, peut désormais en bénéficier.  Medicaid, par contre, impose d’avoir des revenus inférieurs aux minimas nationaux. Il donne la gratuité totale sur certains soins, alors que Medicare n’en couvre qu’une partie. En 2010, 48 millions d’Américains bénéficiaient de Medicare, et 45 millions de Medicaid, pour la moitié d’entre eux des enfants. 

Pour les autres, la couverture santé dépend d’assurances privées.  Chacun choisit son fournisseur en fonction de ses besoins et de ses moyens, sachant que le plus souvent une couverture est proposée par l’employeur qui prend à sa charge une partie des cotisations. Un peu comme cela se passe en France avec les mutuelles.

Cette combinaison publique-privée laisse néanmoins un certains  nombres d’Américains sans couverture santé !  Pas forcément ceux qu’on croit.  Contrairement à l’image véhiculée par certains médias, ce ne sont pas les plus pauvres qui sont les laissés pour compte du système. Ils sont couverts par Medicaid. A condition d’être citoyen américain ou résident légal. 

Les véritables laissés pour compte sont, d’abord, les chômeurs ! Quel que soit leur niveau de revenu antérieur, ils ont à payer l’intégralité des cotisations ce qui peut être considérable. Ce sont aussi les jeunes en situation instable. Ceux qui changent souvent de travail (il faut en général plusieurs mois de présence dans une entreprise pour pouvoir bénéficier de la couverture santé). Or aux Etats-Unis, pays qui a gardé un esprit pionnier , il est courant de vivre « d’une paie à l’autre » (« from paycheck to paycheck »). Au moins un temps.

Ce sont également ceux dont les revenus sont trop élevés pour qu’ils bénéficient de Medicaid, mais pas assez pour qu’ils puissent se payer une assurance. Enfin les laissés pour compte sont ceux qui « choisissent » de l’être. Nombre d’Américains, notamment les célibataires entre 18 et 45 ans, refusent de prendre une assurance santé. Même quand ils en ont les moyens. Parce qu’ils estiment ne pas en avoir besoin.    

D’où un premier mythe à démasquer :  les « 43 millions d’Américains sans assurance » ne sont pas un groupe figé, dont l’existence entière se déroulerait en marge du système de santé, mais représentent l’agrégat de populations qui, à un certain moment de l’existence et pour des raisons diverses, se retrouvent sans assurance. Il ne s’agit pas d’une classe « d’exclus », privés à tout jamais d’accès  à un système réservé  exclusivement aux  riches, comme certains ici veulent le faire croire…

Vers une inflation des coûts de santé

Le système américain comporte néanmoins une perversité de taille : il s’agit d’un système mutualiste auquel ne contribuent que les personnes qui en ont un besoin immédiat, ce qui fragilise son financement et rend son coût plus élevé. La logique mutualiste qui voudrait que ceux qui vont bien payent pour ceux qui vont mal, ne peut pas fonctionner. Les participants cherchent à rejoindre le système à partir du moment où ils commencent à aller mal…

Deux autres facteurs majeurs contribuent  à l’inflation des coûts de santé. Le premier est la qualité des soins. Le secteur de la santé est très concurrentiel comme n’importe quel autre secteur de l’économie américaine. La recherche et l’innovation y occupent une place importante. Les hôpitaux se disputent à coups de scanners, de machines sophistiquées,  et de médecins « nobélisés ». Tout cela se paye et in finé le coût en retombe sur le patient.   

Le second est le coût de la litigation. Le droit des patients à poursuivre en justice leur médecin en cas de problème est tel que ceux-ci doivent prendre des assurances dont le prix est aussi inévitablement couvert,  in fine, par le patient… Quiconque s’est rendu chez un dentiste américain pour une simple carie sait que la consultation commence par une signature au bas d’un « waiver », un formulaire où l’on renonce à l’avance à tout recours en justice…

La réforme voulue par Barack Obama ne fait rien pour s’attaquer à ces deux derniers points. Elle se contente de corriger le déficit de mutualisation en rendant l’achat d’une assurance santé obligatoire. C’est ce point précis qui a suscité les poursuites en justice et l’examen de la loi  par les neuf juges de la Cour Suprême. Car cette « obligation d’achat » est considérée par les opposants à la loi comme inconstitutionnelle.  Il n’appartient pas au gouvernement fédéral d’imposer à un citoyen l’achat de quoi que ce soit. La Constitution autorise le Congrès, à  « réguler » le commerce,  pas à l’imposer.

La Cour Suprême  en a toutefois décidé autrement.

Ce volet de la loi pourra donc entrer en vigueur  dès…2014 ! Et c’est là que le bas blesse !  Les opposants à Obamacare ont encore du temps pour agir. Il leur suffit de revenir sur le terrain législatif et de faire voter par le Congrès une nouvelle loi qui annule la précédente !  Donc il leur faut élire une majorité susceptible de soutenir un tel texte, et un président susceptible de le présenter. 

La décision de la Cour Suprême, motivée, au moins en partie, par le refus des juges de devenir les arbitres systématiques de la vie politique, a pour conséquence, non de résoudre la question mais de la renvoyer sur le terrain législatif et donc électoral. C’est un appel indirect à la mobilisation des opposants de Barack Obama,  en novembre. Et c’est bien ainsi que l’a comprise la base du parti républicain qui veut faire d’Obamacare le sujet central de la campagne.

Mitt Romney, qui avait du mal à mobiliser et à motiver cette base, vient de recevoir un coup de pouce de la Cour Suprême. Contrairement à l’idée répandue en France, Obamacare ne fait pas l’unanimité aux Etats-Unis. Elle accentue l’image « socialisante » de Barack Obama. Elle étend les prérogatives du gouvernement et son ingérence dans la vie privée des citoyens. Enfin, elle restreint le « droit de choisir » des Américains. Un droit auquel ils tiennent particulièrement. 

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