Effet boomerang ? A refuser de parler de rigueur, Hollande et Ayrault s'exposent demain à la grogne du peuple de gauche<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Effet boomerang ? A refuser de parler de rigueur, Hollande et Ayrault s'exposent demain à la grogne du peuple de gauche
©

Piñata !

Jean-Marc Ayrault a prononcé mardi sa déclaration de politique générale, au lendemain du rapport de la Cour des comptes. Si la confiance au gouvernement a bien été votée, le Premier ministre pourrait connaître des lendemains qui déchantent.

André Bercoff

André Bercoff est journaliste et écrivain. Il est notamment connu pour ses ouvrages publiés sous les pseudonymes Philippe de Commines et Caton.

Il est l'auteur de La chasse au Sarko (Rocher, 2011), Qui choisir (First editions, 2012), de Moi, Président (First editions, 2013) et dernièrement Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi : Chronique d'une implosion (First editions, 2014).

Voir la bio »

Atlantico : Jean-Marc Ayrault a prononcé mardi sa déclaration de politique générale, au lendemain du rapport de la Cour des comptes. Dans la matinée, la députée Marie-Noëlle Lienemann avait lâché "le gouvernement n’est pas à la botte de la Cour des comptes", tandis que Noël Mamère avouait ne pas être certain de voter la confiance au gouvernement. Dans quelle mesure Jean-Marc Ayrault va-t-il devoir ferrailler avec cette gauche critique, peu avide de rigueur ?

André Bercoff  : La mémoire est bonne conseillère. En 1981, 30 ans avant Marie-Noëlle Lienemann, André Laignel avait déjà lancé à l’opposition : « Vous avez juridiquement tort, parce que vous êtes politiquement minoritaire ». Il est assez plaisant de protester contre « l’impérialisme » de la Cour des comptes, alors qu’elle est actuellement dirigée par Didier Migaud qui, comme chacun sait, n’est pas un militant fervent de la droite populaire.

La grande différence avec les années Mitterrand, c’est que les pourfendeurs du marché ont tout de même notablement diminué en nombre et en votes. De ce point de vue, Jean-Marc Ayrault a peu de soucis à se faire : Trotski est mort, Mao est mort, et Mélenchon ne se sent pas très bien. Quant à Noël Mamère, il sera comme Jean-Vincent Placé : il fera contre mauvaises centrales bon siège. Il y a longtemps que chez nos militants d’un monde plus beau, la lutte des places a remplacé la lutte des classes.

Comment expliquer ces difficultés d'une partie de la gauche française à affronter les contingences de la réalité économique ?

Faut-il rappeler, encore et encore, que la gauche socialiste n’a jamais fait son Bad Godesberg et n’a jamais voulu reconnaître, fût-ce en partie, la réalité de l’économie de marché, la pire à l’exception de toutes les autres ? De même que Mitterrand, il y a 40 ans, pourfendait l’argent qui corrompt, qui pourrit et qui tue, de même François Hollande avait un seul adversaire pendant sa campagne : le Moloch hideux de la finance sans visage.

Fort bien. Mais alors, comment se fait-il que dans son long discours, Jean-Marc Ayrault n’ait pas eu un mot sur une mobilisation européenne pour la surveillance des transferts bancaires, et un renforcement des combats contre les trafics en tout genre ? Voilà des initiatives de gauche sur lesquelles ont eut aimé entendre précisément le Premier ministre…

La gauche française constitue-t-elle une exception en la matière, par rapport à ses homologues européennes ?

La gauche française ne fait plus exception, si ce n’est en paroles. Même si François Hollande fait tout pour apparaître comme le leader de l’Europe du Sud face aux prédateurs nordistes, son sens aigu de la synthèse et son pragmatisme souriant feront qu’il ne rompra jamais avec Angela Merkel. Après tout, a-t-il jamais rompu avec un éléphant du PS ? Je pense que la chancelière et lui continueront à chanter allègrement : je t’aime, moi non plus. Euro oblige.

Dans quelle mesure cette mouvance de gauche peut-elle influer sur la politique menée par le gouvernement Ayrault et par François Hollande ?

C’est là où le bât blesse. A mon sens, ni Ayrault ni Hollande n’ont expliqué aux Français ce qui peut réellement se passer dans les mois et années à venir. Pas question de parler d’austérité ou de rigueur, ces mots que l’on considère obscènes à gauche comme à droite. Or, si une partie de la population peut s’en tirer sans trop de casse, une autre partie ne comprendra pas qu’on lui ait promis un meilleur sort, et qu’elle soit obligée de se serrer encore plus la ceinture.

Quand l’espoir ne fait plus vivre, il fabrique légitimement de la colère, et l’on ne s’étonnera pas si, encore plus qu’auparavant, la rue reprenne un jour la parole et de façon beaucoup plus forte qu’auparavant.        

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !