Ces métiers où l'on se drogue pour tenir...<!-- --> | Atlantico.fr
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"La consommation actuelle de cannabis s’avère plus fréquente dans la construction."
"La consommation actuelle de cannabis s’avère plus fréquente dans la construction."
©Reuters

Défoncés !

Le nombre de salariés qui se droguent a augmenté de 50% entre 2007 et 2011 au Royaume-Uni. Le rapport du laboratoire Concateno révèle que la consommation de drogues est maximale entre 25 et 34 ans, à un moment où l’on est plus à même financièrement d’acquérir ces substances. Qu’en est-il en France ? Quelles sont les professions où l’on consomme le plus de drogues ?

François Beck

François Beck

Responsable du département Enquêtes et Analyses statistiques à l'INPES

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Atlantico : Y a-t-il des professions dans lesquelles on consomme plus de drogues - médecins, avocats, artistes, journalistes, ... Ou n'est-ce qu'un cliché ?

François Beck : Certains secteurs professionnels présentent une part plus importante d’usagers de substances psychoactives. Les données de notre enquête nous permettent d’observer des secteurs d’activité, mais pas des professions précises. 

Quels sont les secteurs concernés ?

Plusieurs secteurs d’activité s’avèrent particulièrement liés à des usages de substances psychoactives : il s’agit du secteur des transports et du secteur agricole, de la pêche et de la marine, ainsi que des métiers des arts et du spectacle. D’autres secteurs apparaissent aussi plus consommateurs que les autres : la construction, la restauration ou l’information / communication.

Pour ce qui est des consommations d’alcool, qu’il s’agisse de l’usage quotidien ou des consommations ponctuelles importantes, elles sont  particulièrement fréquentes dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche (16,6 % d’usage quotidien contre 7,7 % parmi l’ensemble des actifs âgés de 16 à 64 ans) et de la construction (13,4 % d’usage quotidien). Ces secteurs sont également particulièrement touchés par les consommations ponctuelles importantes mensuelles (30,7 % dans le secteur de l’agriculture et de la pêche, et 32,7 % dans le secteur de la construction contre 19,2 % parmi l’ensemble des actifs), tout comme les secteurs de l’industrie (26,2 %), l’hébergementet larestauration (26,9 %).

La consommation actuelle de cannabis (usage au cours de l’année) s’avère plus fréquente dans la construction (13 % de consommateurs dans l’année contre 6,9 % parmi l’ensemble des actifs), l’hébergement et la restauration (12,9 %), mais de manière encore plus prononcée dans les arts et spectacles (16,6 % de consommateurs dans l’année).

Concernant l’expérimentation d’autres drogues illicites (cocaïne, ecstasy, poppers, champignons hallucinogènes), le milieu de la construction apparaît plus souvent expérimentateur de cocaïne et de champignons hallucinogènes, tandis que les milieux de la restauration, de l’information/communication, et des arts et spectacles sont particulièrement consommateurs de toutes ces autres drogues (cocaïne, ecstasy, poppers, champignons hallucinogènes).

Quel est le lien entre travail et consommation de substances illicites ?

Plus du tiers des fumeurs réguliers (36,2%), 9,3% des consommateurs d’alcool et 13,2% des consommateurs de cannabis déclarent avoir augmenté leurs consommations du fait de problèmes liés à leur travail ou à leur situation professionnelle au cours des 12 derniers mois. Le renforcement de ces conduites addictives apparaît significativement plus important chez les chômeurs que chez les actifs occupés.

La consommation d’alcool sur le lieu de travail (hors repas et pots) concerne 16,4% des actifs occupés (18,9 % des hommes et 10,3 % des femmes).  40 % des actifs occupés déclarent avoir consommé de l’alcool à la sortie du travail, entre collègues (43 % des hommes et 32,6 % des femmes).

Ces résultats ne doivent pas occulter le fait que l’exercice d’une activité professionnelle reste globalement un facteur de protection des conduites addictives, comparé à la situation de recherche d’emploi. Ainsi, au même titre que l’installation en couple ou la naissance du premier enfant, l’entrée dans le monde du travail semble être l’occasion d’un abandon des consommations de substances psychoactives pour une majorité des personnes consommatrices au cours de leur jeunesse.

Outre les raisons que vous avez déjà abordées, quels sont les facteurs qui expliquent les différences entre les secteurs d’activité ?

La masculinité de certaines de ces professions explique une partie, mais pas toutes les différences observées.

Des facteurs culturels sont en jeux, avec à la fois des habitudes et des opportunités de consommer (casse-croûte alcoolisé, y compris en matinée, bière et vin le midi, pots divers, afterwork…).

D’autres facteurs relevant plutôt de la pénibilité au travail et des risques psychosociaux doivent aussi être évoqués : cannabis pour gérer le stress.

Enfin, des usages qui se rapprochent du dopage sont également observés, avec l’usage de stimulants (cocaïne ou amphétamines notamment) pour être performant et tenir le coup.

Les Français consomment-ils autant de drogues que les Anglais ou les Américains dans l’optique de gagner en performance au travail ?

Il est difficile de comparer stricto sensu, car les méthodes d’enquêtes sont différentes. On peut toutefois signaler que sur l’ensemble de la population, les niveaux d’usage de cannabis et de cocaïne sont supérieurs au Royaume-Uni, mais surtout aux États-Unis.

En Angleterre, la consommation est maximale entre 25 et 34 ans. Est-ce le cas en France aussi ?

En France, la consommation de tabac est maximale entre 25 et 34 ans. La consommation de cocaïne et de cannabis est pour sa part maximale entre 18 et 24 ans, mais reste élevée entre 25 et 34 ans. Cela correspond à une période de vie de transition vers l’âge adulte, ces consommations étant souvent initiées vers 15-16 ans et abandonnées ou ralenties lors de la mise en couple et de l’arrivée du premier enfant, parfois aussi lors du premier emploi. Pour l’usage régulier d’alcool, il a au contraire tendance à augmenter avec l’âge.

 Propos recueillis par Ania Nussbaum

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