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Mais pourquoi entrave-t-on l'action des maires face à l’insécurité
et aux incivilités des jeunes ?
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Vie rurale

Après la condamnation du maire de Cousorle, dans le Nord, pour avoir giflé un adolescent, c’est au tour du maire d’Arronville, petit village dans le Val-d’Oise d’être ennuyé par la justice. Des pertes de contrôle qui peuvent coûter cher. Mais peut-on réellement blâmer les maires, de plus en plus démunis face à la recrudescence d’une délinquance de plus en plus jeune ?

Jean-Marie Allain

Jean-Marie Allain

Jean-Marie Allain est maire de la commune de Marpent dans le département du Nord (59). Il est également président de l'association des maires ruraux du Nord.

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Atlantico : En février, un élu du Nord a été condamné à 1 000 euro d’amende avec sursis et 250 euro de dommages et intérêts pour avoir giflé un adolescent qui l’avait insulté et menacé. La semaine dernière, c’est le maire d’Arronville qui a été visé par une plainte après avoir secoué un adolescent de 15 ans qui l’aurait insulté. Était-il dans son rôle ou devrait-il avoir un comportement irréprochable face aux jeunes délinquants ?

Jean-Marie Allain : Le maire doit faire respecter la loi. Mais on peut comprendre qu’il puisse « craquer ». Ce qui est arrivé au maire de Cousorle ou au maire d’Arronville pourrait très bien m’arriver, mais ce n’est pas une raison pour le justifier. Si je peux lui apporter mon soutien moral et regretter le laxisme à l’égard de certains comportements délinquants, je ne peux pas cautionner pour autant une réprimande physique, puisque c’est contraire à la loi. Le maire est là pour donner l’exemple, pour incarner la loi. Il doit se maîtriser même face à des insultes ou à des menaces.

De plus, la justice ne peut pas faire comme s’il ne s’était rien passé. A titre personnel, je ne peux qu’espérer de la clémence.

Que peuvent faire les maires face à la protection importante des mineurs par la justice ? Ont-ils le sentiment de ne pas être entendus ou d'être doublement victimes (de l'insécurité et de la justice) ?

Les maires ont peu de marge de manœuvre. Mais les premières victimes de l’insécurité et de la justice ne sont tant les maires que nos administrés, qui subissent les préjudices matériels et moraux de cette petite délinquance, et plus globalement les contribuables qui paient les dégâts d’actes stupides.

Les maires s’exposent il est vrai à des risques permanents de violence verbale et physique, mais quand on s’engage dans un mandat municipal, on sait qu’il y a ce type de situations à gérer.

De plus, la loi est ce qu’elle est. On peut la regretter et la critiquer, mais quoi qu’il arrive, elle doit être, dans la pratique, appliquée. Toutefois, on peut noter qu’elle n’est pas toujours assez sévère, notamment face à la délinquance juvénile. Il faudrait certainement renforcer la législation et être beaucoup moins laxistes.

Comment expliquer que l’incivilité et l’insécurité touche de plus en plus les petits villages et le monde rural ?

Je ne sais pas si statistiquement l’incivilité progresse plus dans le milieu rural mais elle existe aussi, et cela développe le sentiment d’insécurité chez nos concitoyens, qui se sont longtemps crus à l’écart d’une pathologie sociale perçue comme urbaine.

L’un des principaux problèmes, c’est la consommation d’alcool des jeunes. Il est commun de croiser des adolescents regroupés, le soir, sur des parkings consommant de l’alcool avec une certaine ostentation et une volonté de se mettre en scène. On a beaucoup lutté ces dernières années contre l’alcool au volant, mais on a une culture très tolérante en France sur ce sujet. Il serait peut-être temps de faire plus de prévention contre l’ivresse sur la voie publique, essentiellement chez les plus jeunes.

Que peuvent alors faire les maires face à ce phénomène ?

Nous devons favoriser les actions qui développent le lien social et les dynamiques fédératrices. Par exemple, nous avons, dans ma commune, créer une brigade vermeil de bénévoles qui répondent aux demandes des personnes âgées seules et dépendantes. Et nous mettons également un point d’honneur à ce que les manifestations festives ne soient pas "excluantes" pour les jeunes qui n’ont pas tous les mêmes moyens.

Dans nos marchés publics, nous incluons systématiquement la clause d’insertion pour offrir à des jeunes la possibilité d’accéder par ce biais au marché du travail. Nous avons également un animateur jeunes et un cyber-centre. Cela ne m’empêche pas de faire des rondes (à pied, à vélo, en voiture) à la tombée de la nuit dans les lieux sensibles et de prendre ma « casquette » de garde-champêtre !

Les élus doivent parler avec les jeunes et, lorsque ceux-ci sont dans une posture blâmable, envoyer dans un premier temps, des signes de dialogue. On doit leur tendre la perche. S’ils ne la saisissent pas, c’est un autre problème, il faudra sûrement faire preuve de plus de sévérité à ce moment-là.

Il y a aussi des incivilités chez de très jeunes enfants, scolarisés en primaire (insultes et violences par exemple). Dans ce cas, c’est l’avertissement et en cas de récidive, la sanction qui se traduit par l’exclusion (du bus scolaire, de la cantine), n’en déplaise aux parents qui, dans la plupart des cas, vont protester ou essayer de faire pression en saisissant les médias. Nous avons mis en place dans la commune un cahier de traçabilité. Quand la sanction tombe, on peut expliquer aux parents qu’il y a eu des avertissements auparavant.

Mais attention à ne tomber dans l’amalgame qui assimile les jeunes et les incivilités. Ces dernières touchent toutes les catégories de population, même s’il est vrai que les incivilités les plus lourdes comme les dégradations de biens publics sont plus souvent le fait de bandes de jeunes.

Propos recueillis par Célia Coste

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