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Le grand cimetière des avancées perdues de la construction européenne
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Ambitions perdues

Les appels en faveur d'un fédéralisme européen se multiplient. Mais l'Histoire de l'Union montre que les avancées en ce sens rencontrent souvent la résistance des Etats ou des peuples. 3e épisode de notre feuilleton consacré à l'Europe politique de demain.

Gérard Bossuat

Gérard Bossuat

Gérard Bossuat est professeur à l'Université de Cergy-Pontoise, titulaire de la chaire Jean Monnet ad personam.

Il est l'auteur de Histoire de l'Union européenne : Fondations, élargissements, avenir (Belin, 2009) et co-auteur du Dictionnaire historique de l'Europe unie (André Versaille, 2009).

 

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A (re)lire, les autres articles de notre série :

Épisode 1 : Les États-Unis d'Europe sont-ils vraiment notre avenir ?

Épisode 2 : Imaginer des "États-Unis d'Europe" sur le modèle américain : une pure hérésie !

Épisode 4 : De quelles unions du passé, l’Europe pourrait-elle s'inspirer pour sortir de l’ornière ?


Le Conseil européen des 28-29 juin a fait réapparaître des termes soigneusement écartés jusque là, d’Etats-Unis d’Europe ou de partage de souveraineté. Ces idées posent problème.

L’aspiration aux Etats-Unis d’Europe fait partie des ambitions oubliées de l’Europe après que Victor Hugo en ait évoqué l’inéluctabilité en juin 1849. Les grands projets d’union douanière après la première guerre mondiale, supposaient des partages de souveraineté et un arbitre capable de trancher, comme parut l’être, à très petite échelle, le Tribunal arbitral de Haute-Silésie. Le ministre français des Affaires étrangères, Aristide Briand, en septembre 1929 voulait créer « une sorte de lien fédéral » entre les pays européens. Il échoua mais le lien fédéral est devenu un élément constitutif de l’Union européenne actuelle. Le projet d’Union européenne de l’Ouest, de de Gaulle, en mars 1944, s’effrita devant les résistances des deux super grands.

Le succès du plan Schuman-Monnet du 9 mai 1950 semblait ouvrir la voie à la création d’autres fédérations sectorielles dans les domaines de l’agriculture, des transports, de l’énergie, de la santé. Les Français prirent l’initiative d’un projet d’Armée européenne permettant de réarmer les Allemands. Mais le traité de Communauté européenne de défense (CED), signé en 1952, est rejeté par l’Assemblée nationale en août 1954, en raison des risques pesant sur la pérennité de la nation et de l’Etat, disent ses détracteurs. Entre temps, lié au précédent, un projet de Communauté politique européenne (CPE) est étudié par les gouvernements des Six. La CPE aurait eu compétence sur la CECA et la CED et sur un marché commun. Le Parlement européen constitué d’une Chambre des peuples et d’un Sénat des  peuples, aurait été source des lois. Un Conseil exécutif aurait appliqué les décisions. L’échec de la CED a tué l’Europe de la Défense, tandis qu’ont resurgi en 2003 des projets de constitution européenne, rejeté par les Français et les Néerlandais.

Parmi les tentatives de construire l’unité, le projet d’Union des États de de Gaulle, une confédération, aurait été doté d’un Conseil des chefs d’Etats et de gouvernement, fonctionnant à l’unanimité et d’une Assemblée parlementaire consultative. « L’Europe européenne » échoua en 1962 en raison d’oppositions néerlandaises et britanniques et du durcissement de la position de général de Gaulle.  

Le Comité d’Action pour les Etats-Unis d’Europe de Jean Monnet a été source de propositions. Dès 1958, Monnet propose la création d’une union économique et monétaire européenne qui arrive à maturité en 1992 ; il propose un gouvernement provisoire européen qui prend la forme du Conseil des chefs d’Etats et de gouvernement mais qui n’exerce pas de souveraineté sur les Etats. Le très fédéralistes Altiero Spinelli tente de faire adopter par les Etats un projet de constitution européenne en 1984. Il rallie le Parlement, pas les Etats, à un projet qui faisait de la Commission le gouvernement de l’Union. Le traité de Maastricht est un compromis entre fédéralistes et intergouvernementaux qui ne satisfait pas les eurosceptiques.

A la fin de la décennie est rouvert un débat sur l’Europe fédérale par l’appel de Joschka Fischer, vice-chancelier et ministre allemand des Affaires étrangères, le 12 mai 2000, pour la création d’un État fédéral européen. Jacques Delors lance sa formule de «Fédération d’États-nations ». Ces différentes idées sont au cœur du projet de constitution préparé par la Convention pour l’avenir de l’Europe (2002-2005) qui adopte des compromis entre Europe fédérale et Europe des États. Le traité est repoussé par la France et les Pays-Bas.

Les difficultés de l’Union européenne favorisent souvent les propositions d’approfondissement supranational. Une alternative pourrait être la Confédération qui, par nature, ne peut trancher entre les intérêts nationaux. Mais l’Union européenne vit sous le régime mixte du traité de Lisbonne (13 décembre 2007), intergouvernemental et fédéral. L’existant tue l’imagination. L’innovation politique consiste à s’assurer que les politiques européennes communes sont capables de rencontrer les choix des Européens. L’innovation devrait donc favoriser l’expression démocratique des citoyens.

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