Les adorateurs du "New Deal" renonceraient-ils à leur culte s’ils en connaissaient vraiment le bilan ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des proches de François Hollande, parmi lesquels Stéphane Hessel ou Michel Rocard, ont signé l'"Appel Roosevelt 2012" qui propose 15 mesures d'urgence pour sortir de la crise.
Des proches de François Hollande, parmi lesquels Stéphane Hessel ou Michel Rocard, ont signé l'"Appel Roosevelt 2012" qui propose 15 mesures d'urgence pour sortir de la crise.
©DR

Perte de mémoire

Des proches de François Hollande, parmi lesquels Stéphane Hessel ou Michel Rocard, ont signé l'"Appel Roosevelt 2012" qui propose 15 mesures d'urgence pour sortir de la crise. Un appel pour un "New Deal" à la française qui ignore totalement la réalité de la "Grande Dépression" des années 1930.

Florin Aftalion

Florin Aftalion

Florin Aftalion est professeur émérite à l'ESSEC.

Il a enseigné l’économie et la finance aux universités de New YorkNorthwestern et de Tel-Aviv. Il a cofondé la collection Libre Echange aux Presses universitaires de France

Son dernier ouvrage est  « Crise, Dépression, New Deal, Guerre », publié en 2012 aux éditions Economica

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Plusieurs Gérontes viennent de lancer dans Le Nouvel Obs un appel pour un "New Deal" à la française. Ils voudraient que François Hollande réussisse à l’échelle de la France ce que Franklin Roosevelt a réalisé pour les Etats-Unis de 1933. Malheureusement, ils font appel à des mythes et ignorent totalement la réalité de la Grande Dépression des années trente (et quelques autres faits économiques).

Le plus énorme de ces mythes concerne le "New Deal". C’est ainsi que pour vaincre la crise actuelle, nos Gérontes appellent François Hollande à s’inspirer de ce que Roosevelt à fait en 1933. Or FDR en deux présidences n’a pas sorti l’Amérique de la crise. Ce que montre l’évolution du chômage qui était encore de 15 % en 1940 (et s’était situé en moyenne à cette hauteur pendant ses deux présidences) ou la production industrielle qui à la même date ne représentait que 85 % de son niveau de 1929. Et que confirment les paroles de Henry Morgenthau, secrétaire d’État au Trésor et ami du président qui en 1939 avouait : « Après huit années de cette administration, nous avons autant de chômage que lorsque nous avons commencé. Et avec ça une énorme dette. »

Également d’après nos Gérontes, Franklin Roosevelt aurait changé « la donne » avec une rapidité étonnante (et c’est ce qu’ils conseillent à François Hollande de faire). Cependant, si certaines mesures du "New Deal" ont été bénéfiques, d’autres se sont avérées catastrophiques. Parmi les premières comptons la fermeture des banques le temps d’apaiser la panique (c’est certainement ce que feraient les pays de la zone euro si les retraits se précipitaient) ou la dévaluation de la monnaie (que Monsieur Hollande ne peut pas réaliser pour cause d’euro).

Au nombre des secondes, mentionnons une politique de cartellisation destinée à enchérir les prix et les salaires (frein brutal de la production cette mesure fut abolie par la Cour suprême) suivie par son exact contraire, l’application de sanctions aux monopoles. Remarquons en passant que si Franklin Roosevelt a élevé à 79 % le taux applicable à la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu, les rentrées du fisc ne furent pas améliorées pour autant. Remarquons également que FDR a fortement augmenté les impôts indirects sur la consommation (fortement régressifs), qui ont fini par rapporter 2,5 fois plus que l’impôt sur le revenu.

Signalons à leurs lecteurs que l’appel « Roosevelt 2012 » se veut aussi une charge contre le néolibéralisme. Il y est dit que « jusqu’à l’arrivée de Ronald Reagan en 1981, l’économie américaine a fonctionné sans avoir besoin ni de dette privée ni de dette publique. » Ce qui est du pur fantasme.
Depuis la fin du XIXe siècle, la dette privée (les achats à tempérament) fait partie intégrante de la société de consommation, et la dette publique américaine, de l’ordre de 40 % en 1940 a dépassé 100 % de la production nationale à la fin cette décennie (sous le président démocrate Truman). Signalons enfin qu’avec le Barack Obama, la dette publique américaine a augmenté d’un tiers suite à la politique de relance du nouveau président (pas connu comme néolibéral).

Mentionnons enfin que, bizarrement, afin qu’il fasse « du Roosevelt », les Gérontes demandent à notre Président d’organiser un nouveau Bretton Woods. Or, les accords qui portent ce nom ont été signés trois mois après le décès de FDR qui n’a pris aucune part dans leur élaboration. Ils ont été conclus (pour ne pas dire imposés) grâce à la puissance hégémonique des États-Unis, puissance que la France est loin de posséder.


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