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Imaginer des "États-Unis d'Europe" sur le modèle américain :
une pure hérésie !
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UE face aux US

Les appels en faveur d'un fédéralisme européen se multiplient. Mais attention, l'histoire du Vieux continent n'a rien à voir avec celle des États-Unis d'Amérique. 2e épisode de notre feuilleton consacré à l'Europe politique de demain.

Antonin Cohen

Antonin Cohen

Sociologue, Antonin Cohen est maître de conférence en relations internationales, construction européenne et sociologie du politique. Il a dirigé La Constitution européenne. Elites, mobilisations, votes.

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A (re)lire, les autres articles de notre série :

Épisode 1 : Les États-Unis d'Europe sont-ils vraiment notre avenir ?

Épisode 3 : Le grand cimetière des avancées perdues de la construction européenne

Épisode 4 : De quelles unions du passé, l’Europe pourrait-elle s'inspirer pour sortir de l’ornière ?

Atlantico : On déplore l'absence d'un "esprit européen" qui fédérerait les Etats de l'Union européenne. Pourtant, le sentiment national résulte d'un processus historique et d'un travail politique de longue haleine. Peut-on tirer des enseignements de la construction du sentiment d'appartenance nationale américain ?

Antonin Cohen :Le sentiment d’appartenance nationale est un instrument de mesure difficile à manier, surtout dans le cas des Etats-Unis, dont l’histoire interne reste marquée par la conquête de l’Ouest et la guerre de Sécession. Il serait donc doublement artificiel de mesurer la construction européenne à cette aune, en projetant le présent européen dans le passé américain. Nous sommes au XXIe siècle ! Chaque individu, chaque groupe doit gérer des identités multiples. Être Européen est un travail sur soi ou, si l’on veut, un processus de civilisation. Toute tentative pour rabattre la construction d’une identité européenne sur la construction des identités nationales serait historiquement fausse et politiquement aberrante.

Peut-on néanmoins mettre ce long processus en perspective avec le processus d'intégration européenne ?

Dès que l’on quitte le terrain glissant du sentiment, on peut sans doute trouver des parallèles : le parti pris fédéral de la Cour suprême des Etats-Unis et de la Cour de justice de l’Union européenne, la suppression volontariste des entraves à la libre circulation des marchandises par une interprétation extensive de la Commerce Clause et du Traité de Rome, la formation bureaucratique de polices en réseaux, voire d’une police fédérale « à la » Federal Bureau of Investigation (le franchissement des frontières est un thème récurrent des films de genre américains), etc. Mais, souvent, l’intention mimétique concourt à la ressemblance. Des slogans comme les « Etats-Unis d’Europe » participent de cette contrefaçon. Mais ils ne permettent pas de comprendre la construction européenne.

L’union monétaire, avec toutes ses vicissitudes, ne va-t-elle pas finir par créer un sentiment de destin commun chez les Européens ?

Comparaison pour comparaison, en effet, l’unification économique et monétaire européenne n’est pas sans résonances avec l’unification économique et monétaire américaine, dans une dynamique bien connue : dépenses, dette, impôt, institutions centrales… Mais, dans cette logique, ce sont surtout les crises qui ont forgé ce « destin commun » : krach boursier, faillites, chômage, misère… Les raisins de la colère. Est-ce la fonction latente de cette crise que de forger une communauté de points de vue sur ce que l’Europe doit être (ou ne pas être) ? C’est une vraie question. Mais elle ne peut trouver de réponse que dans une mobilisation collective des Européens eux-mêmes. Or, on peine à trouver une organisation politique transnationale susceptible de peser sur le destin collectif des Européens.

Peut-on se tourner vers les "modèles européens" anciens, comme le Saint empire romain germanique ?

Etats-Unis d’Europe pour les uns, nouvelle Union soviétique pour les autres… Je ne crois pas que ces comparaisons transhistoriques puissent servir d’horizon à la construction européenne. Il s’agit plutôt de construire un nouveau « modèle » politique, économique et social pour l’Union européenne.

Propos recueillis par Ania Nussbaum.

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