Le jour où Leïla Ben Ali a rencontré l'homme de sa vie<!-- --> | Atlantico.fr
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Leila Ben Ali raconte sa première rencontre avec l'ancien président tunisien et les débuts de leur relation.
Leila Ben Ali raconte sa première rencontre avec l'ancien président tunisien et les débuts de leur relation.
©Reuters

Princesse orientale

Leila Ben Ali raconte sa première rencontre avec l'ancien président tunisien et les débuts de leur relation. Elle revient sur le coup de foudre qu'elle a vécu en le voyant pour la première fois, mais aussi l'attente dans l'ombre avant qu'il divorce de sa première femme. Extraits de "Ma vérité" (1/2).

Leïla Ben Ali

Leïla Ben Ali

Leila Ben Ali est la seconde épouse de Zine el-Abidine Ben Ali, ancien président de Tunisie. Elle a été la Première dame de Tunisie de 1992 à 2011.

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Je me souviens très bien de ma première rencontre avec mon futur mari. C’était sur la route de La Soukra, à Tunis, un jour du mois de février 1984. J’étais au volant de ma voiture et je rentrais chez moi. Soudain, un véhicule de police m’a dépassée et s’est mis en travers de la chaussée, m’obligeant à m’arrêter. Un monsieur en est sorti, grand, les cheveux de jais. Il m’a demandé calmement mes papiers, puis il a lancé : « Savez-vous pourquoi je vous arrête ? » J’ai répondu : « Oui, je roulais un peu vite. » Nous nous sommes regardés un instant et ce bref regard devait sceller notre destin. Car j’ai senti tout de suite quelque chose qui dépassait la simple circonstance, l’expression du mektoub, « le destin ». L’homme a laissé tomber avec un sourire malicieux : « Je suis obligé de garder votre permis. Vous viendrez lechercher quand vous le pourrez. »

Je suis allée récupérer mon permis, bien sûr. Nous avons échangé nos coordonnées, tout naturellement.

De fait, je ne connaissais pas très bien l’identité de ce monsieur de l’Intérieur à qui j’avais eu affaire. Il n’était pas encore sous les feux de la rampe, j’avais juste entendu dire par un parent qu’il occupait les fonctions de directeur général de la Sûreté nationale, qu’il avait la réputation d’être sérieux, voire sévère.

Pour moi, c’était l’homme que j’attendais, celui qui m’apparaissait d’emblée différent des autres, qui possédait une sorte d’aura à la fois virile et douce, celui avec qui la vie pouvait me surprendre.

Pourtant, nous nous sommes perdus de vue. Pourtant, des mois sont passés sans que nous ayons l’occasion de nous croiser à nouveau. Puis, la Providence nous a réunis. Nous nous sommes revus. Je commençais à l’aimer, sans songer vraiment à chercher une place dans sa vie. Il insistait quant à lui, répétant que notre relation n’était en aucune façon passagère : « Je suis sérieux et pas du genre à m’amuser ! » Je lui faisais part de mes scrupules, il était marié et père de trois filles. Il rétorquait qu’il n’avait jamais connu l’amour et que, de toute façon, il n’envisageait pas de rester éternellement avec son épouse. S’il ne m’avait pas rencontrée, il aurait divorcé et se serait remarié avec une autre. « Le destina voulu que ce soit toi, et c’est tant mieux », jurait-il.

Nous avons pris l’habitude de nous retrouver discrètement chez des amis. Je fréquentais à l’époque une salle de sport avenue Mohamed-V avec ma copine d’enfance Samira. Il venait me chercher à la sortie. Je souligne, pour le détail, que j’ai toujours aimé le sport, toutes sortes de sports, de l’aérobic au tennis, en passant par le volley auquel je jouais au lycée, ainsi que le handball et la gymnastique que je pratiquais jeune fille dans une salle située dans le quartier du Bardo.

J’ai présenté Ben Ali à ma famille. C’était l’été, on louait une maison à la plage, j’en avais parlé à ma mère, en disant qu’il était en instance de divorce. Il est venu quelquefois déjeuner et, pour le reste, nous sortions peu, nous fréquentions les mêmes connaissances, il m’appelait surtout au téléphone, c’était lui qui me réveillait tous les matins.

Ben Ali était toujours en ménage, il avait des scrupules à se séparer de sa femme et de ses filles. Nous devions attendre que la cadette soit mariée et que l’aînée convole en secondes noces. Loin de me contrarier, le soin que cet homme prenait à s’occuper de sa famille me rassurait. Un papa responsable et affectueux, qui aime ses enfants et ménage leur sensibilité ne pouvait pas être un homme mauvais. Il me racontait par le menu comment il s’occupait de ses filles, les baignait, tressait leurs cheveux ou les accompagnait à l’école. J’aurai l’occasion de le vérifier plus tard, chaque fois que l’une d’elles l’appellerait – ne serait-ce que pour changer une ampoule –, il accourrait. C’est ce coeur tendre qui m’a séduite. Cet homme avait beau apparaître comme sévère et conservateur, il restait très humain, avec le sens du devoir et du service.

S’il respectait sa première femme, il continuait à affirmer qu’il s’agissait, plutôt que d’une relation d’amour, d’un mariage arrangé. À l’époque, Ben Ali sortait de Saint-Cyr, en France. Il était jeune, beau et ambitieux. Le général Kéfi – qui deviendra son beau-père – ne pouvait trouver meilleur parti pour sa fille Naïma et le mariage avait été célébré en 1961.

En cette année 1980, Ben Ali fut nommé ambassadeur de Tunisie en Pologne, où il partit avec femme et enfants. C’était Wassila, l’épouse de Habib Bourguiba, alors au pouvoir, qui en avait décidé ainsi. Elle l’avait chargé de vérifier si Mohamed Sayah, à l’époque ministre de l’Équipement, disposait d’une milice, comme on le lui avait rapporté. Ben Ali, alors directeur de la Sûreté, avait pu constater la véracité des faits mais il s’était refusé à trahir le ministre. Dans un geste d’humeur, la Première dame l’avait éloigné. Mais Bourguiba dut le faire revenir quelques années plus tard à la suite des « émeutes du pain » qui commençaient à menacer la sécurité du pays.

De retour à Tunis, Ben Ali laissa son épouse et ses enfants s’occuper de l’emménagement. Ce fut la période où nous nous sommes vus très régulièrement. Nous nous appelions beaucoup au téléphone également et, le reste du temps, je parlais de lui à mon amie Samira, je racontais les sentiments, les obstacles, les joies, les contretemps. Je lui confiais que Ben Ali ne voulait pas brusquer sa femme et ses filles en demandant le divorce. Ma confidente lui donnait raison, elle arguait que, outre ses devoirs familiaux, il était investi de hautes responsabilités et avait en charge la sécurité du pays, c’était normal qu’il dispose de peu de temps et d’une marge de manoeuvre réduite pour sa vie privée… Alors, je patientais.

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Extrait de "Ma vérité", Editions du Moment (21 juin 2012)

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