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Daniel Cohn-Bendit aura beau 
avoir raison sur le terrain des idées, 
ses coups de gueule 
ne changeront pas les Verts
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Poudre aux yeux

"Je veux bien aider à ce qu'Europe Ecologie reprenne un peu les couleurs, la dynamique, l'ouverture des élections européennes", a déclaré Daniel Cohn-Bendit, ce lundi, à l'issue d'une rencontre avec François Hollande. Après avoir fustigé la direction d'EELV, l'eurodéputé se pose en rassembleur. A-t-il l'étoffe d'"un sauveur" ou n'est-il qu'un sympathique "emmerdeur" comme l'a affirmé le député européen, Yves Cochet ?

Erwan Lecoeur

Erwan Lecoeur

Erwan Lecoeur, est sociologue et consultant en communication politique.

Il est l'auteur Des Écologistes en politique (Editions Lignes de repère, 2011)

 

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Atlantico : Cette semaine, Daniel Cohn-Bendit s’est illustré par des sorties médiatiques tonitruantes. Après une salve de critiques contre la direction d’Europe Ecologie-Les Verts, il a finalement proposé son aide au parti. Peut-il être « un sauveur » pour EELV ou est-il simplement « un emmerdeur public » comme l’a affirmé Yves Cochet ?  

Erwan Lecoeur : La remarque d’Yves Cochet est très juste : Daniel Cohn-Bendit n’est pas un « sauveur » mais un sympathique emmerdeur. D’ailleurs, Yves Cochet sait de quoi il parle. Il a le même état d’esprit avec un côté encore plus grandiloquent. Daniel Cohn-Bendit n’a jamais été dirigeant chez Les Verts contrairement à ce que tout le monde laisse supposer. Il ne s’est jamais perçu  comme un chef de parti ou même simplement comme un homme de parti. C’est sa spécificité dans le champ politique français. Une singularité parfois difficile à comprendre dans un pays où l’on ne vit qu’à travers les chefs de parti ou les chefs de clan. C’est un acteur de l’écologie politique en Allemagne et en France. Il est venu à plusieurs reprises apporter ses compétences, sa gouaille et sa vision stratégique à long terme.

En 2009, Daniel Cohn-Bendit avait été un acteur majeur dans la création d’EELV et avait permis aux écologistes d’atteindre le score historique de 16% aux élections européennes...

Déjà en 1999, Daniel Cohn-Bendit avait fait un premier retour en France. Il avait déjà fait un score inespéré de 10% aux élections européennes alors même que Dominique Voynet était au gouvernement. C’était un premier succès de sa stratégie. Un succès qui s’est confirmé en 2009 avec la création d’Europe Ecologie. Réussir des coups électoraux, c’est la marque de fabrique de Daniel Cohn-Bendit. En cela, les écologistes lui sont redevables. Sans Daniel Cohn-Bendit, EELV n’existerait pas et Les Verts seraient dans une situation beaucoup plus difficile qu’aujourd’hui. Les sympathisants aiment son côté visionnaire qui fait du bien à la famille. En revanche, ce que les dirigeants aiment moins chez Daniel Cohn-Bendit, c’est son côté donneur de leçons.

Les « leçons » de Daniel Cohn-Bendit peuvent-elles être une nouvelle fois utiles au parti ?

Sa critique est juste, mais elle n’est  pas appropriée aujourd’hui.  Il est vrai qu’il y a  un divorce entre le peuple écolo et les dirigeants du parti. Mais Daniel Cohn-Bendit ne propose pas de nouvel horizon. Ce n’est pas son discours un peu populiste à l’égard des dirigeants qui règlera les problèmes.

Lui-même avait estimé qu’il valait mieux avoir des postes et des circonscriptions aux législatives plutôt que d’aller à la présidentielle. Il ne peut pas, aujourd’hui, reprocher aux dirigeants quelque chose que lui-même avait en tête.  Certes, la présence des Verts à l’élection présidentielle était peut-être une erreur. Mais il est trop tard pour le regretter et surtout cela ne sert pas à grand-chose. Les écologistes ont toujours fait de la politique pour avoir des leviers de pouvoir et c’est aussi ça qui fait leur force.  Ils sont très présents dans les villes et les collectivités locales et peuvent ainsi démontrer leur utilité. Aujourd’hui, ils veulent démontrer leur utilité à l’Assemblée nationale et au gouvernement.

Il faut aussi conserver le lien avec la société civile. Mais Daniel Cohn-Bendit ne s’est pas donné lui-même les moyens de le faire. Les coopératives écologiques qu’il avait lancées ont échoué car il ne s’est pas donné les moyens de les faire vivre. De même, il ne s’est pas donné les moyens de créer la fondation de l’écologie politique dont nous parlons depuis des années. Tout cela, il ne l’a pas fait. Daniel Cohn-Bendit fait des reproches alors qu’il porte lui-même une certaine responsabilité dans les échecs du parti.

Il y a quelques jours Daniel Cohn-Bendit fustigeait « l’arrivisme » de Cécile Duflot.  Aujourd’hui, il se pose en recours. Serait-il, lui aussi, un peu opportuniste ?

Je pense que Daniel Cohn-Bendit ne se voit pas en recours par rapport à Cécile Duflot. Ce serait une erreur de le penser. Je ne pense pas qu’il travaille pour lui-même. Je pense qu’il se sent très bien au Parlement européen comme président du groupe. Le seul poste prestigieux qu’il accepterait serait celui de président du Parlement européen. En revanche, Daniel Cohn-Bendit est peut-être entouré de gens qui, eux, souhaiteraient concurrencer Cécile Duflot. Il est sans doute en train de travailler une stratégie que d’autres lui ont soufflé.Des gens brillants comme Yannick Jadot se sentent exclus ou mal servi et ne veulent pas être les dindons de la farce. Ils se servent de la verve de Daniel Cohn-Bendit pour mettre des coups de pieds dans la fourmilière.   

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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