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En guerre contre l'Etat providence ? Quand David Cameron remet au goût du jour le thatchérisme
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Retour vers le futur

Le Premier ministre britannique a annoncé ce lundi que les familles sans emploi seraient pénalisées si elles étaient composées de plus de trois enfants, et que les chômeurs pourraient être contraints d’effectuer des travaux de communauté...

Jean-Paul Révauger

Jean-Paul Révauger

Jean-Paul Révauger est responsable du Master recherche langues du parcours Europe contemporaine et directeur de l’UFR d’anglais de l’Université de Bordeaux III.

Il mène des travaux dans les domaines de la politique sociale britannique, des comparaisons entre la France et la Grande-Bretagne, et de la confrontation des modèles européens de politique sociale avec d’autres problématiques en dehors de l’Europe, en particulier dans la Caraïbe anglophone.  

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Atlantico : David Cameron a annoncé de nouvelles mesures pour réformer le système de protection sociale britannique. Les familles sans emploi seraient pénalisées si elles étaient composées de plus de trois enfants et les chômeurs pourraient être contraints d’effectuer des travaux de communauté après plus de deux ans sans emplois ou renoncer à leurs allocations chômage s’ils refusent. En signalant la fin du « conservatisme de compassion », le Premier ministre britannique marque t-il un retour au thatchérisme ?

Jean-Paul Révauger : Oui, ces mesures marquent un retour au thatchérisme caractérisé par une politique économique libérale. Ce type de mesures ne renvoie pas au conservatisme ordinaire tel que celui qui prévalait des années 1950 aux années 1970. Cette politique est d’inspiration américaine, dite de "welfare" ou de retour à l’emploi.

Elle n’est pas guidée pas l’idée de formation des chômeurs, comme dans les pays scandinaves, mais par celle d’exercer des pressions d’ordre économique sur les chômeurs pour qu’ils acceptent de prendre les emplois disponibles. Les politiques de type suédoise d’activation du marché du travail qui sont parfaitement rationnelles sur des petits nombres sont irréalistes lorsque l’on a affaire à des millions de personnes.

Alors qu’elle avait un taux de chômage particulièrement bas lorsque les travaillistes étaient au pouvoir, la Grande-Bretagne est retournée à un chômage de masse qui a été accéléré du fait des politiques d’austérité mises en place. Cette situation est donc inquiétante puisque le volet qualification est oublié alors qu’il permettrait un retour à l’emploi dans des conditions satisfaisantes.

Pourquoi les conservateurs visent-ils les familles nombreuses ?

Il s’agit d’une vieille tradition britannique. Rappelons que la Grande-Bretagne est le pays de Thomas Malthus, selon lequel il faut veiller à ce que la population, et en particulier celle issue des milieux populaires, n’augmente pas plus vite que les ressources. Ainsi, il n’y a pas d’équivalent aux politiques familiales françaises d'outre-Manche .

Cette conviction est très forte chez les conservateurs, mais les travaillistes n’ont jamais mené de politiques familiales généreuses.

Les libéraux démocrates, avec lesquels le Parti conservateur forme une coalition au pouvoir, ont annoncé qu'ils ne soutiendraient pas ce plan. Ces derniers étant fragilisés par la crise en zone Euro, David Cameron anticipe t-il l’évolution de l’opinion publique pour faire face à la montée du UKIP (United Kingdom Independant Party, le parti indépendantiste britannique) ?

En organisant le référendum constitutionnel au printemps dernier, rejeté par les britanniques, David Cameron a réalisé un  tour de force en stérilisant les libéraux démocrates, puisque ce référendum était un préalable à leur participation au gouvernement. Ce parti est traditionnellement centriste et humaniste. Il est donc en complet décalage avec la politique sociale et économique de l’actuel Premier ministre.

Il y a un très fort courant au sein du Parti conservateur qui est très favorable aux thèses du UKIP, certains députés conservateurs ayant même demandé il y a quelques mois l’organisation d’un référendum sur le maintien du pays au sein de l’Union européenne et ce contre l’avis explicite de Cameron. Cette opinion dépasse donc le UKIP, ce qui rend la question bien plus délicate l’actuel locataire du 10 Downing Street.

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