Quelques bonnes raisons de croire encore à la presse écrite<!-- --> | Atlantico.fr
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Couverture n°1 de Prussian Blue, revue trimestrielle dédiée à l’art et à la création.
Couverture n°1 de Prussian Blue, revue trimestrielle dédiée à l’art et à la création.
©Prussian Blue

Optimisme

Malgré des recettes en baisse constante (recul de 26,1 points en valeur indiciaire de 2000 à 2010) et des titres emblématiques en péril - Paris Normandie ou La Tribune, voire disparus comme France Soir -, la presse écrite voit éclore chaque année près de 500 nouvelles publications. Le plus souvent spécialisés, ces nouveaux entrants misent sur une offre éditoriale forte et des compétences valorisables « hors presse » pour s’installer et durer. Eléments de compréhension avec deux des cofondateurs d’une nouvelle revue trimestrielle dédiée à l’art et à la création, Prussian Blue.

Pierre Herrero Herrero et Florent Papin

Pierre Herrero Herrero et Florent Papin

Pierre Herrero est président de K Consulting, agence de conseil en communication stratégique. Spécialiste des médias et de la communication, il a notamment exercé les fonctions de conseiller culture et communication à la présidence de l'Assemblée nationale.

Florent Papin est associé chez K Consulting, agence de conseil en communication stratégique. Il a collaboré à la rédaction de l'ouvrage Ma petite entreprise a connu la crise, de Nicolas Doucerain.

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Avec 81 hebdomadaires, 573 mensuels et 1264 trimestriels (source Ministère de la Culture), le marché de la presse spécialisée grand public est particulièrement disputé. Tant auprès des annonceurs, vis à vis desquels les charmes du web exercent un attrait croissant - hausse de 14 % des investissements display en 2011 (source Irep - France Pub) -, qu’auprès des lecteurs, inévitablement déroutés par l’abondance de l’offre éditoriale.

Si les créateurs de titres de presse écrite ne manquent pas d’arguments pour motiver leur démarche - fétichisme de l’objet, ambition patrimoniale, volonté de réintroduire de la durée dans l’acte d’information -, tous font face à cet impératif ultime et fatalement prosaïque : trouver sa place sur un marché très fragmenté.

La volonté d’exister leur impose de bâtir un modèle économique viable. Une porte certes bien enfoncée, mais qui ouvre sur les horizons prometteurs et défrichés par ces nouvelles publications. Car à travers leurs stratégies de valorisation, ce sont des opportunités renouvelées pour la presse écrite qui s’affirment et s’expérimentent.  

Des opportunités de type éditorial en premier lieu. Comme le relève le cabinet Innovation Media Consulting dans son étude Innovations in newspapers 2010 world report, la segmentation du marché de la presse écrite a pour corollaire un fort démarquage identitaire des publications. Contraints de revendiquer des contenus singuliers, les titres papier sont plus prompts à assumer des partis pris audacieux, qui, ironie de l’histoire, ne font souvent que reprendre des formules que l’on pensait vouées au musée imaginaire de la presse : récits d’écrivains reporters, photoreportages, documents inédits, portraits et entretiens...

Le succès de la revue trimestrielle XXI, vendue en moyenne à 45 000 exemplaires, a ouvert la voie à cette presse du « retour à l’ordre » : de Feuilleton à Schnock, en passant par 6 mois, Polka ou Hobo, on ne compte plus les publications revenant à certains fondamentaux pour mieux gager leur audace éditoriale. Au risque de ne pas atteindre tout le lectorat potentiel, mais avec la possibilité de circonscrire un cœur de cible et de le toucher plus efficacement. Une possibilité renforcée à l’ère des médias sociaux, où les stratégies de « community management » permettent d’optimiser les logiques d’identification et d’adhésion à une offre éditoriale, quand elles ne vont pas jusqu’à permettre le recrutement de contributeurs - auteurs, photographes, illustrateurs… De quoi nuancer au passage la vision d’un web fossoyeur du papier.

A défaut de réinventer les fondamentaux de la presse écrite, les nouvelles publications se montrent plus sûrement innovantes sur un plan esthétique. Pour résumer à grands traits la créativité dont elles font preuve : à chaque titre son format, son papier et ses techniques d’impression. Sans compter les partis pris graphiques et iconographiques qui, à en croire l’étude précitée d’Innovation Media Consulting, sont devenus des paramètres de positionnement marketing aussi décisifs que les contenus éditoriaux.

Il n’est à cet égard pas anodin que le directeur de la rédaction de Prussian Blue, Guillaume de Sardes, supervise la direction artistique du titre : l’identité d’une revue passe autant par ses choix éditoriaux que par sa silhouette. Et annonceurs et régies de se montrer sensibles aux attributs visuels d’une revue pour motiver leurs arbitrages, qui ne relèvent pas toujours de la préoccupation du nombre d’exemplaires diffusés.

Valoriser un titre de presse, c’est, enfin, jouer des synergies commerciales qu’il autorise. Car se singulariser, occuper une niche, revendiquer une identité, c’est aussi se définir comme lieu d’un savoir-faire. Soit, pour une revue comme Prussian Blue, un spectre de compétences à faire valoir dans un écosystème élargi : édition haut de gamme, production de séries photographiques, commissariat d’exposition, gestion de galerie à l’instar du magazine Polka, conseil... Un mouvement bien engagé dans la presse spécialisée, qui constitue le cœur du modèle économique de la presse technique et professionnelle, avec plus de 50 % du chiffre d’affaires imputable en 2010 aux prestations « hors presse écrite » (source Ministère de la Culture).

Où l’on voit que lancer un titre de presse, loin d’être un acte mercenaire ou chevaleresque, est le fruit d’une appréciation réfléchie de ses conditions de valorisation, tant symbolique que matérielle. Et par maints égards, miser aujourd’hui sur la presse écrite peut être payant.

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