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130 milliards, vraiment ? L’accord pour la relance de la zone euro
est un marché de dupes !
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Croissance, vous avez dit croissance ?

Les dirigeants des quatre premières économies de la zone euro se sont accordés ce vendredi sur un paquet de relance de 130 milliards d’euros. Un montant largement insuffisant pour engager le retour de la croissance, et qui n'invalide pas le projet de fédéralisme budgétaire allemand.

Nicolas Bouzou

Nicolas Bouzou

Nicolas Bouzou est économiste et essayiste, fondateur du cabinet de conseil Asterès. Il a publié en septembre 2015 Le Grand Refoulement : stop à la démission démocratique, chez Plon. Il enseigne à l'Université de Paris II Assas et est le fondateur du Cercle de Bélem qui regroupe des intellectuels progressistes et libéraux européens

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Atlantico : A l'issue du mini sommet européen de ce vendredi, François Hollande, la chancelière allemandeAngela Merkel,le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy, et le président du Conseil des ministres italien Mario Monti se sont accordés sur un paquet de relance d'un montant d'environ 130 milliards d’euros. S'agit-il d'une nouvelle mesure mobilisant de l'argent frais ou d'un projet qui était déjà dans "les tuyaux" européens ?

Nicolas Bouzou : Cette mesure était déjà largement dans les cartons... Certes, elle n'a pas été discutée et prévue de très longue date, mais elle ne fait que prendre le relais de mécanismes pré-existants. Beaucoup d’argent et de mesures sont d'ores et déjà mobilisés, notamment les fonds structurels (FESF, MES) et l’extension du rôle de la Banque européenne d'investissement.

Pour être tout à fait précis, cela était prévu depuis le quatrième trimestre 2011, mais il s’agit bien de 130 milliards d’euro « nouveaux ». Une nouvelle qui arrive au bon moment pour le nouveau président de la République française.

Sachant que ce "paquet" pour la relance ne représente que 1% du PIB européen, sera-t-il en mesure d'impacter réellement la relance et de favoriser la croissance en zone euro ?

En effet, ces 130 milliards d’euro ne représentent pas un montant important par rapport au PIB de la zone euro... Autrement dit, même dans une logique de relance keynésienne, il n’y aura pas ou peu d’effet multiplicateur sur le plan macro-économique. En comparaison  des montants mobilisés aux États-Unis par la Fed (réserve fédérale américaine), ce "paquet de relance" fait pâle figure...

Par ailleurs, il ne s’agit pas d’un véritable plan de relance en soit, puisque sur le plan économique, il ne représente rien. Un plan de relance au sens macroéconomique du terme consisterait par exemple à abaisser de 3 points la TVA dans tous les pays européens. De même, une dévaluation de l’euro de 15% par rapport au dollar aurait un impact massif sur la croissance de l’ensemble de la zone euro.

Reste l'effet microéconomique... Si des enveloppes substantielles sont accordées à des secteurs liés à l’innovation, ce plan peut permettre des effets sectoriels importants qui, in fine, peuvent se traduire par des gains de productivité supplémentaires pour l’ensemble de l’économie. Mais cela prendra beaucoup de temps, peut être 10 ou 15 ans.

Angela Merkel, partisane de la rigueur budgétaire, a t-elle finalement cédé aux exigences de François Hollande avec l’adoption de ce "paquet" pour la relance ?

Au vu de la très faible taille de ce plan de relance, nous ne pouvons pas dire que la chancelière allemande ait cédé... Dans le meilleur des cas, nous pourrions dire qu'elle a cédé à un caprice.

Certes ce paquet peut permettre de pousser certains secteurs, de financer des infrastructures ou l’innovation... Mais il n’aura pas d’effet macroéconomique.

En définitive, ce plan n’a pas grand chose à voir avec nos problèmes structurels comme la rigidité du marché du travail, la difficulté de basculer d’une recherche publique à une recherche privée, l'endettement public et la non véritable gouvernance européenne.


Dans ces conditions, quelles avancées peuvent être attendues lors du prochain sommet européen du 28-29 juin ?

Nous pouvons nous attendre à des avancées importantes en terme de gouvernance et d’intégration européenne, car sur ce point, il est certain que la chancelière allemande (soutenue par le Bundestag) ne reviendra pas sur ses positions : la croissance et l'investissement allemand dans la résolution de la crise de la zone euro, à la condition préalable du fédéralisme budgétaire.

Les avancées peuvent donc s’effectuer sur la mutualisation de la dette. Cela ne prendra pas la forme d’eurobonds (l'Allemagne n'en veut pas), mais plutôt celle d’une mutualisation d’une partie du marché obligataire européen, les eurobills, comme le propose François Hollande. Mais cela suppose l'instauration d'un système de contrôle très important des budgets, soit le fédéralisme budgétaire allemand. 

Peut-on imaginer que François Hollande cédera finalement au fédéralisme budgétaire allemand ?

François Hollande a un problème de « grand écart » ! Il est partagé entre sa volonté de mutualiser les dettes et, de l’autre, sa réforme sur les retraites qui conforte les Allemands dans leur position, y compris au sein du SPD (Parti social-démocrate allemand).

Il faut comprendre qu’outre-Rhin il y a un consensus autour des questions budgétaires. La seule chose que puisse faire François Hollande, c'est d’accepter de rentrer dans une logique d’allongement de la durée de cotisation. Autrement dit, travailler plus !

Ce "paquet" de relance risque donc de déboucher sur des accords à minima, puisque ce sommet est mal engagé du fait que la France n’a toujours pas mis sur la table la question de la réduction des déficits sociaux.

Propose recueillis par Franck Michel

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