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Plus perfectionnés et mobiles, les nouveaux radars devront rendre le système de contrôle de vitesse (enfin) rentable
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Souriez, vous êtes flasché

Cet été, les routes des vacances seront parsemées de nouveaux systèmes de contrôle automatique de vitesse. Les premiers venus de l'escouade, les radars de tronçons, censés calculer la vitesse moyenne des automobilistes ont été testé ce mercredi dans le Doubs.

Denis Boulard

Denis Boulard

Denis Boulard est journaliste et auteur. Il a publié l'enquête intitulée Radar Business aux Editions First.

Il a travaillé dans les rédactions du Journal du Dimanche, du Nouvel Observateur et du Parisien entre autres. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages parmi lesquels Prière de Pardonner et Opération Elysée (en collaboration avec Hélène Fontanaud).

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Atlantico : De nouveaux radars dits de vitesse moyenne ont été testé ce mercredi dans le Doubs à l’entrée du tunnel de la N57. Ils s’inscrivent dans une nouvelle offensive de la sécurité routière afin de lutter contre les excès de vitesse. Comment fonctionnent ces nouveaux instruments ?

Denis Boulard : Ces radars sont des caméras infrarouges, installées à une certaine distance l’une de l’autre. Cette distance n’a pas encore été définie clairement par la législation. La première caméra prend la plaque d’immatriculation, et la seconde la reprend une fois la distance entre elles parcourue par la voiture. Un ordinateur relié à ces caméras calcule si la plaque d’immatriculation a parcouru la distance, en combien de temps, et calcule la vitesse moyenne.  S’il s’avère que la vitesse moyenne est supérieure à celle pratiquée sur ce tronçon de route, l’automobiliste recevra le PV directement chez lui.

Il n’y aura donc plus d’indice visible de l’infraction car les contrevenants ne seront plus flashés.

Ces caméras pallient donc les pratiques de certains automobilistes qui ralentissent juste avant un radar pour accélérer de nouveau une fois celui-ci dépassé. Cependant n’en arrive-t-on pas à une overdose de sécurité avec des automobilistes infantilisés dans leur conduite ?

On peut opposer plusieurs arguments à votre question. Il y a quelques années, on voulait étendre ce système de contrôle de vitesse moyenne à l’ensemble de l’autoroute de la façon suivante : l’automobiliste prendrait son ticket à l’entrée d’une portion d’autoroute, on repérerait son heure de départ et lors de sa remise, on calculerait le temps qui lui a fallu pour la parcourir ainsi que sa vitesse moyenne. En cas d’infraction l'imprudent serait verbalisé.

Ces radars tronçons ne sont donc que les premiers venus d’une foule de nouvelles technologies de contrôle de vitesse. Cinquante radars semblables vont être installés sur le territoire d’ici la fin de l’été. Dans un premier temps, les lettres reçues en cas d’infraction seront simplement informatives sur ce nouveau système, mais très vite leur succéderont les véritables PV.

Viendront aussi une centaine de radars-chantiers dont le rôle sera de contrôler la vitesse sur des portions d’autoroute où ont lieu des travaux et où les automobilistes sont censés réduire la vitesse. Ils seront mobiles et pourront donc être déplacés d’un chantier à l’autre.

Parmi ces nouveautés, il  y a aussi des radars redoutables pour les automobilistes – les mobiles-mobiles - car ils seront installés au bord de voitures de police banalisées, équipées de caméras à 360° capables de repérer la vitesse des véhicules quand la voiture de police les doublent, les croisent, les suivent, ou se place à leur gauche ou leur droite.

Le dernier modèle de radar développé cet été sera le radar discriminant, capable de distinguer la vitesse d’un poids lourd par rapport à celle d’un véhicule léger. Normalement, les poids lourds doivent rouler jusqu’à 90 km/h. S’il roule à 100km/h, un radar normal ne le pénalisera pas. Le radar discriminant oui. Il sera capable de faire le distinguo entre le camion qui roule à 100km/h et le véhicule léger qui est à 140km/h sur la même photo.

Au total, ce sont près de 200 nouveaux radars qui feront leur apparition sur l’ensemble des autoroutes du territoire.

Pour ce qui est de l’infantilisation des automobilistes, il serait facile de tomber dans la polémique. Mais il faut savoir que comme le précise Hervé Mariton, député UMP de la Drôme, le système du contrôle sanction automatisé arrive – si rien ne change – a cours de rentabilité. En 2017, à la fin de ce mandat présidentiel, le système coûtera plus cher qu’il ne rapporte. Ainsi on peut penser que la mise en place de ces nouveaux radars correspondrait à la volonté de pérenniser le système. Car le problème du radar fixe est qu’on le connaît, il est signalé par des panneaux qui sont des assistants à la conduite, et il est très souvent vandalisé. Avec le radar mobile-mobile et le radar tronçon c’est impossible.

On dit souvent que les radars jouent un rôle important dans les campagnes de sécurité routière et qu’ils ont permis la baisse de la mortalité routière. Cette réputation est-elle vraie ?

J’en doute très fortement. La baisse de la mortalité routière n’est pas liée aux radars car depuis décembre 1961 elle suit une courbe constante qui est de moins 6% par an. Il y a eu une forte baisse du nombre de morts en 2002, soit un an avant l’installation du premier radar. Aussi, le discours très commun qui consiste à expliquer que baisse du nombre de morts et radars sont corrélés est improuvable.

En revanche, ce que l’on peut prouver, c’est que la vitesse moyenne de circulation sur les autoroutes française a diminué de 10km/h en 10 ans. Ensuite, la baisse de la mortalité routière est due à l’évolution de la législation : port obligatoire de la ceinture de sécurité à l’avant et à l’arrière, port obligatoire du casque pour les motards. Mais surtout à l’amélioration des voitures avec l'installation de l’ABS, des airbags, de l’ESP qui empêche la voiture de sortir de la route en cas de virage mal maîtrisé, des trois feux à l’arrière qui évitent les carambolages, et enfin des carrosseries désormais en matériaux composites plus légers et moins coupants. 

Donc, la première cause de mortalité sur les routes françaises n’est plus la vitesse, mais bien l’alcool et ce depuis six ans. Il faut insister sur ce fait car il peut être prouvé par les chiffres. Il y a une énorme hypocrisie sur ce dossier. Les radars ne sauvent pas de vies, en tout cas on n’en n'a aucune preuve chiffrée, de plus ils sont la cause de nombreuses dérives telles que le manque de transparence financière, le fait qu’ils contraignent certains automobilistes à conduire sans permis et donc sans assurance, et le fait qu’il y ait une augmentation des fausses plaques d’immatriculation.

Le seul avantage des radars est à chercher sur le plan politique. Il n’y a, en effet, plus grand-chose que l’homme politique puisse faire et qui soit immédiatement perceptible par les citoyens. Avec l’installation des radars, l’homme politique tente de dire aux citoyens qu’il prend leur protection à cœur. Ce postulat se vérifie par des études qui ont été réalisées pour le service d’information du gouvernement dans les années 2000 et qui sont à l’origine de l’installation des radars en France.

Plus qu'un acteur politique, le radar a-t-il aussi un rôle d'acteur financier ?

Il est certainement un acteur financier, cependant, il n’est pas très efficace. Contrairement à ce qui est couramment admis par la société, les radars ne sont pas rentables pour l'Etat. Le système de contrôle automatique coûte de plus en plus cher à l’installation et à l’entretien et rapporte de moins en moins d’argent justement parce que les automobilistes ralentissent à leur approche. D’ailleurs, une étude publiée par AutoPlus dévoilait que le radar le moins rentable de France n’avait flashé qu’une fois dans l’année. Rapportez à cela le fait qu’un radar fixe coûte 75.000 euros, la comparatif est rapidement fait.

Il faut donc se garder de certaines caricatures quand il s’agit de ce thème.

Plus qu’une simple campagne de répression, telle qu’elle est menée par le gouvernement actuellement, les automobilistes auraient donc besoin d’une stratégie de pédagogie de terrain ?

A ce niveau, il y a quelque chose de très révélateur. Durant mon enquête, j’ai accompagné sur le terrain des agents de police qui plaçaient des sacs poubelle sur les radars car ils en avaient assez d’être considérés comme des agents du fisc au lieu de gardiens des citoyens. C’est une évolution de leur métier qu’ils vivent très mal. Même si ce n’est pas un mouvement majoritaire, il a le mérite d’exister et de démontrer que désormais la sécurité routière connaît une dérive qui fait que l’on n’est plus au contact des citoyens et que l’on a mis une machine entre lui et l’Etat. On est donc plus dans une démarche pédagogique d’accompagnement, mais on se contente de punir. Le côté répressif est très pratique à court terme politiquement, mais à long terme il produit une distanciation entre le citoyen au volant et le citoyen une fois sorti de sa voiture.

Collectivement, le message – très contestable – selon lequel le radar sauve des vies a été correctement assimilé, mais individuellement les citoyens s’insurgent contre le rôle uniquement répressif de cette machine.

Propos recueillis par Priscilla Romain

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