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Après les élections, quel calendrier prévisible pour le pouvoir socialiste ?
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Perspectives

La gauche étant pratiquement assurée d'obtenir une majorité à l'Assemblée, quel sera l'agenda politique des socialistes ? Doit-on s'attendre à un remaniement ministériel ? Quelles seront les premières réformes ?

Gérard Grunberg

Gérard Grunberg

Gérard Grunberg est directeur de recherche émérite CNRS au CEE, Centre d'études européennes de Sciences Po. 

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Atlantico : En partant du principe que la majorité socialiste est quasiment acquise pour les élections législatives, à quoi peut-on s'attendre dans les jours qui suivront le scrutin ?

Josée Pochat : Déjà il y a très peu de risques d'assister à un remaniement ministériel. Les ministres en lice aux législatives sont en bonne position, et un remaniement en faveur d'une ouverture vers le Front de gauche ou les Verts est à exclure, tant leurs scores respectifs a été contre-productif, même dans les circonscriptions qu'on leur avait données. En revanche il est intéressant de soulever la question de cette règle absurde, qui dit qu'un ministre battu aux législatives doit renoncer à son portefeuille ministériel. Pourquoi ? Est-ce infâmant de perdre un scrutin ? Pourquoi sanctionner un ministre qui aurait le courage d'aller à la conquête d'une circonscription difficile ? Cette règle est ridicule, elle intervient dans le cadre de l'exemplarité que veut donner François Hollande, mais l'exemplarité ne doit pas être là.

Gérard Grunberg : Il n'y aura pas de remaniement, à part à la marge. Peut-être que les communistes vont entrer au gouvernement. Mais cela paraît très peu probable aujourd'hui, puisque François Hollande est en mesure d'obtenir la majorité absolue. Il est en situation de pouvoir négocier avec les autres pays européens, et en particulier avec l'Allemagne, le pacte budgétaire européen. Dans les quinze jours qui viennent, François Hollande va surtout se consacrer à la question internationale. Le 22 juin à Rome, un premier sommet réunira la France, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne, prélude au Conseil européen des 28 et 29 juin.

Quelles vont être les premières lois votées ou du moins décisions marquantes prises dans les jours ou semaines qui suivent les élections législatives ?

J.P.: La question qui va se poser immédiatement est économique. C'est très clair. François Hollande ne va pas accepter la rigueur : il n'en a pas le choix ! Tous les spécialistes le disent : on est guettés au tournant. Maintenant que nous ne sommes plus dans un programme électoral, le premier élément qui va compter sera le discours de politique générale du Premier ministre. Le problème français est toujours le même: face à des déficits importants et un problème de la dette qui devient crucial, la seule réponse française est une hausse d'impôt, et laquelle ? Celle prévue dans le programme de François Hollande est de 30 milliards, qui vont peser essentiellement sur les entreprises. Ce qui signifie que cela va peser sur le coût du travail, qui est déjà notre point faible. Ce sera donc un handicap supplémentaire sur notre compétitivité, qui est pourtant le seul moyen de nous en sortir. En revanche, et c'est un vrai problème français, de droite comme de gauche, le débat est biaisé parce que la seule réponse qu'on apporte est : quelle hausse d'impôts ?

Le vrai sujet devrait être la dépense publique. La nôtre est de huit points de PIB plus élevée que celle de l'Allemagne, c'est-à-dire 160 milliards d'euros par an. Et pourtant, les Allemands ont des conditions de vie excellentes et des services publics qui fonctionnent très bien. Là l'heure de vérité est arrivée : notre dépense publique est affolante, alors qu'en outre nous n'avons pas les meilleurs services sociaux du monde, loin de là ! Le problème majeur en France est évidemment celui-ci. Et aujourd'hui, aucun homme politique français n'a eu le courage de mettre cette question sur la table. Mais nous n'allons pas avoir le choix, la rigueur va s'imposer d'elle-même.

G.G.: La première décision importante sur le plan national sera le vote du budget. Quelles que soient les décisions qui seront prises au niveau européen, il faudra trouver des recettes supplémentaires et diminuer les dépenses. Après la phase électorale, on entre dans une nouvelle phase: celle du gouvernement. La situation s'annonce difficile, non seulement pour la France, mais pour l'ensemble de l'Europe.

Face à l'intransigeance d'Angela Merkel, la France va être obligée d'accepter un compromis. Quelle que soit la situation, François Hollande sera obligé de faire une politique beaucoup plus restrictive que prévue. D'ailleurs le Premier ministre a commencé à parler d' « efforts à faire » et de « situation difficile ». La Cour des comptes publiera le 28 juin l'audit des finances publiques demandé par François Hollande. Le gouvernement Ayrault entend s'appuyer sur ce rapport pour ajuster sa politique budgétaire et fiscale. A partir de ce moment-là, on entrera dans une nouvelle période.

Il est évident que les mesures annoncées par François Hollande durant sa campagne ne suffiront pas pour régler les problèmes cette année et l'année prochaine. Il faudra procéder soit à une augmentation d'impôts, soit à une diminution drastique des dépenses publiques, soit faire les deux. La seule vraie promesse de François Hollande était de réduire le déficit budgétaire. Il va s'appuyer sur cette promesse pour dire: « la situation est encore plus grave que prévue et il faut absolument faire des efforts supplémentaires. » On ne saura rien avant la fin du mois. Tout va commencer en juillet lorsque la nouvelle Assemblée nationale va siéger.

Quant au timing des réformes, peut-on s'attendre à des réformes rapides, en fonction de l'audit que la Cour des comptes va rendre le 28 juin, à la demande de François Hollande, sur l'état des finances publiques de la France ?

Cette date n'est pas un hasard : cet audit intervient seulement 10 jours après le second tour des législatives. Lors d'un débat il y a un an et demi entre François Hollande et François Baroin, j'avais posé cette question des dépenses publiques, et François Hollande m'avait répondu texto, ce qui était passé alors un peu inaperçu, "Mes amis socialistes vont devoir comprendre qu'il faut réduire la dépense publique, y compris dans le domaine social". Mais aujourd'hui c'est un peu la politique du "on verra ce qu'on pourra faire". Et on peut s'attendre à une réaction de François Hollande qui annoncera qu'il n'avait pas mesuré l'ampleur de la situation, qu'il fera les réformes qu'il a promises, mais dès qu'il le pourra.

Cela signifie-t-il que ce problème des dépenses publiques va reléguer au second plan des mesures symboliques, portées comme des projets phares durant la campagne de François Hollande, telles que le droit de vote des étrangers aux municipales, ou encore le mariage homosexuel ?

J.P.: Ces réformes ont un grand avantage: elles ne coûtent rien. Le droit de vote des étrangers est un sujet sensible en France. François Hollande a été clair sur ce sujet, il fera un référendum. A partir de là, si 1 Français sur 2 souhaite ce droit de vote, le texte ira dans le Parlement, mais il n'obtiendra pas les 3/5 requis pour effectuer un changement de la Constitution. Le cas échéant, François Hollande arguera du blocage de la droite parlementaire, qui n'aura pas respecté le choix du peuple français. C'est très malin.

Quant au mariage homosexuel, il y aura sans doute un vrai changement. On voit d'ailleurs que cette évolution, des politiques de droite l'appellent de leurs vœux, à l'instar d'Alain Juppé par exemple. Ce ne sera pas le sujet le plus clivant.

Néanmoins, la priorité reste une réforme de la fiscalité et des dépenses publiques. Ce serait donc presque mal vu par l'opinion de lancer des réformes telles que le droit de vote des étrangers ou le mariage homosexuel avant de redresser les déficits budgétaires.

G.G.: Oui je le pense. Toute l'actualité va a être entièrement absorbée par la question européenne qui est extrêmement grave. Il faudra traiter les conséquences de la crise qui se poursuit et pourrait même se durcir. En outre, pour la question du droit de vote des étrangers, il y a un problème de révision de la constitution. Cela m'étonnerait beaucoup que ce projet soit mis en avant très rapidement.

La vacance d'un siège d'une durée d'un mois pour les ministres candidats aux législatives peut-elle jouer un rôle ?

J.P.: Je ne crois pas. Honnêtement cela ne changera rien, dans le sens où l'enjeu qu'est l'élection du Président de l'Assemblée ne sera pas faussé, puisque les élus de la gauche plurielle (Front de gauche, Verts…) voteront pour le candidat PS.

G.G.: Si les sondages se révèlent exacts et si le PS obtient la majorité absolue, François Hollande n'a pas de crainte à avoir. Même s'il lui manque quelques sièges, il pourra s'appuyer sur les écologistes pour faire voter les premières mesures en attendant que les suppléants puissent siéger.

Malgré la large majorité que les socialistes ont des chances d'obtenir à l'Assemblée, peut-on prévoir des difficultés pour François Hollande et son gouvernement dans les semaines à venir, alors que commence la phase réelle de gouvernement, après celle de l'élection et des nominations ? Lesquelles?

J.P.: Il n'y en a qu'une, mais qui est colossale: la situation financière de la France. Parce que les marchés nous surveillent et que nous sommes les prochains sur la liste pour eux. Les voix sont aujourd'hui unanimes pour dire que les hommes politiques français, à froid et tant que nous ne serons pas dans la crise majeure où la France sera attaquée par les marchés, ne prendront pas les décisions qui s'imposent. Les décisions sont prises à chaud.

Mais nous pourrions commencer par une réduction efficace des dépenses publiques. L'exemple du Conseil économique et social est flagrant : il ne sert à rien et coûte beaucoup d'argent. Ça semble dérisoire mais ce genre d'institutions est de l'argent jeté par les fenêtres. Un autre exemple, bien plus important financièrement, est la formation professionnelle. On ponctionne aux entreprises plus de 30 milliards par an au titre du budget de formation. Ce dernier ne sert à rien, de l'avis général. C'est un gouffre financier, qui plus est aux pratiques très limites. Ce genre de mécanismes plombent les finances de la France.

G.G.: Le problème sera de savoir qui va être mis à la tête du Parti socialiste. Martine Aubry a dit qu'elle s'en allait. François Hollande ne devrait donc pas être pris en otage. De même, le Front de gauche, qui est le grand perdant de ces élections, ne sera pas en état de gêner beaucoup le gouvernement socialiste. La principale difficulté se situera dans l'opinion publique.

S'il y un budget de rigueur, il y aura inévitablement des réactions. C'est pourquoi il est important pour François Hollande d'avoir la majorité absolue à l'Assemblée et de garder la majorité au Sénat. Ça va probablement tanguer dès la fin de l'année. On a mal préparé le pays à comprendre et à accepter ce qui va se passer. Beaucoup de Français le pressentent. Mais je crois qu'il aurait fallu leur expliquer beaucoup plus à quel point la situation est grave. Le Président, mais surtout le Premier ministre, devront expliquer à quel point il est nécessaire de prendre des décisions douloureuses.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio et Romain de Lacoste

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