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Les téléphones portables vont-ils nous rendre encore plus accros
aux jeux vidéo ?
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Junkies

Les Français jouent de plus en plus sur leurs téléphones portables. Cet accessoire véhicule les addictions liées à Internet... et stimule des pulsions différentes, selon les sexes.

Michael Stora

Michael Stora

Michael Stora est l'auteur de "Réseaux (a)sociaux ! Découvrez le côté obscur des algorithmes" (2021) aux éditions Larousse. 

Il est psychologue clinicien pour enfants et adolescents au CMP de Pantin. Il y dirige un atelier jeu vidéo dont il est le créateur et travaille actuellement sur un livre concernant les femmes et le virtuel.

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Atlantico : De quelle façon le développement du téléphone portable influe-t-il sur l'addiction aux jeux vidéo ?

Michael Stora : Les mondes virtuels ne sont pas à l’origine des phénomènes d’addiction, ils n’en sont que les révélateurs voire les facilitateurs. Internet, lorsque l’on s’y penche en lisant toutes les formes de contributions numériques, nous révèle la fragilité narcissique dans laquelle la plupart de nos contemporains se retrouvent.

Au delà de la qualité créative, il y a des ressorts attractifs qui ne sont là que pour flatter les fragilités narcissiques. Chaque site, réseau social, plateforme de blogs, forum participatif ou monde persistant (World of Warcraft, Dophus, Guild War…) dans ses spécificités techniques, ergonomiques et marketing possède des ressorts addictogènes. Evidemment le modèle économique de ces plateformes a des exigences qui peuvent parfois oublier leurs responsabilités citoyennes.

Le téléphone portable possède en soi un concentré d’émotions à disposition du bout des doigts. Sa fonction utile disparait petit à petit pour remplir souvent une fonction de prothèse. Sa fonction permet ainsi de se donner l’illusion de « serrer le monde entre son poing fermé » ! Il évite toute angoisse de séparation qui est souvent la base des pathologies d’addiction. 

Peut-on voir une différence d'addiction entre la pratique du jeu vidéo sur téléphone portable et sur d'autres plateformes (sur console par exemple) ?

Les femmes et les hommes ont des addictions différentes sur Internet. Les hommes seront majoritairement attirés par les mondes persistants ou jeux en réseau sur consoles (COD Modern warfare, Diablo3) et sites pornographiques, eux aussi persistants de par leurs choix à la carte.

Les femmes, seront elles aussi prises par des jeux vidéo mais rapides. On les appelle les casuals games (Tetris, bubble..). Ils ne prennent pas trop de temps mais sont addictifs dans leurs enjeux sans cesse à renouveler. Mais profondément, la perte de temps n’est souvent pas acceptable dans la psychologie féminine. Les choses changent doucement et les jeunes femmes actuelles s’affranchissent de ce poids socio-culturel de la femme au foyer. Perdre son temps avec plaisir et sans culpabilité devient un nouveau combat féministe !

Concernant l’âge, il est évident que l’attrait est majoritairement du coté des adolescents, mais les phénomènes d’addiction grave seront plutôt à rechercher du côté des adultes qui auront expérimenter des expériences de perte traumatique de l’estime d'eux-mêmes (chômage, accident de travail, séparation...). Il est important de comprendre que l’addiction est une lutte antidépressive. Internet peut donc être perçu comme un prozac interactif.

D'après-vous, n'y-a-t-il pas un manque de prévention dans notre société vis-à-vis des risques d'addiction aux jeux vidéo ?

Il y a des associations (E-Enfance, Action et innocence, Calysto), qui depuis plus de 5 années se déplacent dans des collèges, lycées et auprès de parents, pour exposer les risques sur Internet. Le danger est de stigmatiser une pratique qui ne ferait que nourrir l’inquiétude parentale. Le paradoxe étant que plus on diabolise ces pratiques, plus l’adolescent va apprécier. La contre-culture de l’image TV du salon est son écran à soi.

La politique de prévention dépend d’instances médicales et dont l’INPES en est le représentant. Il y a pour le moment une dissension dans l’avis des experts qui fait qu’il y a une non reconnaissance du concept de cyberdépendance. Mais mon expérience clinique me montre que les plaisirs numériques peuvent devenir chez certains individus une dépendance.

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