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La guerre du web 2.0 aura-t-elle lieu ?
La guerre du web 2.0 aura-t-elle lieu ?
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Révolution 2.0

Iran, Tunisie, Égypte, Libye : chaque nouveau soulèvement semble avoir été lancé par Facebook ou Twitter. Mais renverser un régime grâce aux réseaux sociaux n’est pas aussi simple !

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe, docteur d’État, hdr., est directeur de recherche à l’IRIS, spécialisé dans la communication, la cyberstratégie et l’intelligence économique, derniers livres : « L’art de la guerre idéologique » (le Cerf 2021) et  « Fake news Manip, infox et infodémie en 2021 » (VA éditeurs 2020).

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Difficile de nier que le web 2.0 - cet Internet participatif où l’utilisateur crée et partage  les contenus – ait facilité les récentes « révolutions » nées dans le monde arabe. Mais la portée de son pouvoir démocratique fait débat. Pour les optimistes, aucun autocrate ne pourra plus empêcher son peuple de savoir et d'échanger ; donc de se révolter. Les pessimistes, eux, dénoncent "l'illusion du net" qui confond capacité de communiquer et liberté d'agir démocratiquement. Et critiquent l'utopie selon laquelle seules les forces du Bien sauront faire usage des réseaux. Ce qui permet de s'exprimer permet aussi de désinformer et de repérer. Donc de réprimer.

Ce sont des foules aux mains nues qui font les révolutions

Les réseaux sociaux, comme les médias, offrent tout d’abord la possibilité de créer un espace public pour diffuser nouvelles et opinions. Ensuite, ils servent à se coordonner rapidement (pour lancer, par exemple, une manifestation avant que la police ne réagisse). Enfin, ils peuvent amplifier l'écho d’une action (et dénoncer les crimes adverses) en touchant les médias étrangers, et éventuellement une diaspora  sensible aux malheurs du pays.

Toutefois, si blogs et réseaux sociaux sont complémentaires, ils ne forment pas un univers isolé des autres médias : les télés satellite ou Al Jazeera jouent ainsi un rôle indéniable de lien l’opinion arabe hors des frontières.

Surtout, si les réseaux sociaux ne favorisent pas automatiquement la passivité (ni ne bornent l'action politique à une vague participation par écran interposé), d'autres médiations sont nécessaires pour échauffer les passions jusqu'à l'incandescence révolutionnaire. Les morts de Tunisie ou d'Égypte n'étaient pas virtuels. Ce sont des foules face aux hommes armés qui font les révolutions, pas les gazouillis de Twitter.

Les réseaux peuvent tout : une vieille rengaine

L'idée que les réseaux favorisent mécaniquement l'épanouissement démocratique et qu'ils sont le pire cauchemar des dictatures n’est pas nouvelle. Souvenons-nous que dès les années 90, il était question d'autoroutes de l'information et non de Web 2.0 ou 3.0. Le thème de la contagion électronique libertaire était déjà à la mode. Une telle idée fait d’ailleurs partie de la batterie d’armes standards de la diplomatie américaine, CIA comprise. Ainsi, Hillary Clinton, dans un fameux discours de janvier 2010, surnommé de "cyberguerre froide" promettait que les Etats-Unis soutiendraient toutes les "cyberdissidences" (c'était avant Wikileaks…). Depuis, la Secrétaire d'État a du en rabattre...

Les Européens de l'Est n'ont pas attendu la blogosphère pour faire tomber le mur de Berlin en 1989 et, vingt ans plus tard, les Iraniens ont eu beau twitter les images de la répression, cela n'a pas fait chuter Ahmadinejad.

N’oublions pas également que la maitrise des réseaux sociaux n’est pas univoque : les e-jihadistes ne sont pas moins habiles que les démocrates à utiliser ces technologies. Par ailleurs, s’il existe en Chine plus de 400 millions d'internautes et 200 millions de blogs, le pouvoir parvient tout de même à contrôler l'opinion.

Par conséquent, la guerre du web 2.0 aura peut-être lieu, mais il n'est pas si sûr que les peuples démunis et les branchés gagnent à tous les coups face à l'État.

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