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7% sur la dette, le taux qui tue : 
quel avenir pour l’Espagne 
post échec du plan de sauvetage ?
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Pan t'es mort

L'Espagne n'en est pas à sa première crise économique. Par le passé, certains outils ont pu permettre de redresser la situation. Cette fois-ci pourtant, l'Europe ne permettra pas d'y recourir et les solutions doivent se trouver ailleurs.

Cristel Birabent

Cristel Birabent

Christel Birabent enseigne  à  l’Université  Lyon  3.  Elle  est  spécialiste  en  communication  du secteur  de  l’automobile  et  a  publié  différents  travaux  et  ouvrages.  Elle  anime  le  projet  Dimension économique de l’espagnol  dont  l’objectif  est  l’analyse  stratégique  des entreprises  espagnoles internationalisées.

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Après l’annonce de l’octroi d’une aide de 100 milliards à l’Espagne, le taux d’intérêt des bons du Trésor espagnol à 10 ans frise les 7 % (6,9998%), un taux considéré comme le plafond pour un plan d’aide à un pays. Mais ce plafond est très psychologique, car les taux des plans de sauvetage du Portugal, de l’Irlande et de la Grèce étaient supérieurs à 8 %.

Le gouvernement attribue cette situation à des facteurs externes, mais la cause est probablement liée aux effets secondaires du traitement : l’aide apportée au secteur bancaire. Eurostat s’est chargé de préciser que l’aide européenne au secteur bancaire sera comptabilisée comme de la dette publique et que le paiement des intérêts aggravera le déficit public.

L’augmentation du rapport dette publique / PIB a poussé Moody’s à diminuer la note de solvabilité de l’Espagne de A3 à Baa3. En langage scolaire, on dirait que l’Espagne est presque recalée. En termes de risques, elle est au bord du junk bond. Le raisonnement est simple ; l’augmentation du rapport rendra l’accès aux marchés internationaux, et donc le financement, plus difficile. La dette deviendra de plus en plus chère, avec en corollaire une augmentation du déficit et des besoins de financement. Un cercle vicieux qui en amène un autre, plus vicieux s’il en est : l’ajustement.

« Ajustement », voici un terme qui fait partie de notre vie quotidienne d’Européens, même si certains pays, dont l’Espagne, le pratiquent plus que d’autres. Rappelons que derrière le mot se cachent des ajustements macroéconomiques et des réformes structurelles.

Les ajustements macroéconomiques, comme leur nom l’indique, sont destinés à corriger les dysfonctionnements macroéconomiques tels que le déficit public, le déficit extérieur et l’inflation. Les réformes structurelles permettent d’établir les bases d’une nouvelle croissance par le biais de la libéralisation économique. Les premiers sont des mesures à court terme alors que les deuxièmes agissent sur le moyen et le long terme

L’Espagne vit en ce moment son troisième plan d’ajustement en 55 ans. Le tout premier, le Plan national de Stabilisation, date de 1959, et le deuxième faisait partie intégrante des Pactes de la Moncloa en 1977. En 1959, l’Espagne était asphyxiée économiquement, avec une inflation élevée et de grands déséquilibres économiques. Les mesures adoptées alors avaient pour but de rétablir les équilibres et de permettre à l’Espagne de se faire une place sur les marchés internationaux en libéralisant graduellement l’économie, jusqu’alors contrôlée d’une main de fer par un Etat autoritaire.

En 1977, l’inflation mensuelle de l’Espagne frôlait les 30%. Pour la juguler, il fallut refondre le modèle des hausses de salaires en tenant compte de l’inflation prévue et non plus de l’inflation passée. Cette mesure fut également accompagnée de la liberté de licenciement (sous certaines conditions, bien entendu), du droit d’association syndicale, d’une maîtrise de la masse monétaire et d’une dévaluation de la pésète. L’administration fiscale fut réformée en profondeur et des mesures de contrôle financier furent prises face au risque de faillites bancaires et d’évasion de capitaux.

Il n’est cependant pas possible de comparer la situation actuelle avec ces deux moments historiques. Le contexte économique est radicalement différent, mondialisation oblige, et les instruments de politique économique à disposition du gouvernement ne sont plus les mêmes. Il lui est, par exemple, impossible de dévaluer la monnaie pour stimuler les exportations et relancer l’économie.

Parmi les différences majeures, on observe le manque de mesures, à court et moyen terme, de relance de l’économie. En 1977, il fut relativement aisé d’enrayer l’inflation, ce qui améliora la compétitivité des entreprises espagnoles. A partir de 1959, l’ouverture à l’extérieur permit au pays d’importer des ressources indispensables et d’exporter plus librement. Ces trains de mesures ont ouvert la voie à la reprise. Lors de la crise de la fin des années 70, le PIB espagnol a diminué pendant trois trimestres consécutifs. Ces derniers temps, le PIB a chuté pendant 7 trimestres, puis a connu 6 trimestres de stagnation, et vient de s’effondrer à nouveau ces deux derniers trimestres. En d’autres termes, la croissance n’est pas à l’ordre du jour.

Après l’épisode de cette fin de semaine en Espagne, il semblerait que les pays européens prennent enfin conscience que les mesures d’austérité doivent s’accompagner de plans de relance. Ceci corrobore la position française en faveur de la croissance économique. Cependant, les membres de l’UE sont très différents et leurs visions respectives de la relance le sont tout autant.

Croissance économique. Taux annuel de variation du PIB

Grèce

Espagne

2007

3

3,5

2008

-0,2

0,9

2009

-3,3

-3,7

2010

-3,5

-0,1

2011

-6,9

0,7

2012

-4,7 (prévision)

-1,8 (prévision)

Source : Eurostat http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/table.do?tab=table&init=1&plugin=1&language=en&pcode=tsieb020

Si l’Espagne plonge et s’installe dans un scénario identique à celui de la Grèce, les Espagnols ne seront pas les seules victimes. Les problèmes et les tensions internes seront exacerbés. Les Espagnols sont indignés de toutes les affaires de corruption, des augmentations d’impôts, d’un chômage qui s’approche dangereusement des 25 % et des perspectives d’avenir particulièrement sombres. Mais leurs difficultés vont également rejaillir sur les pays européens. Etant donnée la taille de l’économie espagnole, si le pays connaît une situation similaire à la Grèce, personne ne sortira indemne.

Les exportations françaises et allemandes chuteront irrémédiablement puisque la France et l’Allemagne sont les principaux fournisseurs de l’Espagne. Selon les données de l’INE (l’INSEE espagnol), les pays européens représentent en moyenne 56,2 % du total des achats de l’Espagne à l’extérieur depuis 2007. L’Allemagne est le premier fournisseur, avec 13,2 % des importations. La France, premier fournisseur traditionnel, représente 11,4 %, et l’Italie apporte 7,5 % des importations espagnoles.

Si l’on se place du point de vue de l’INSEE, du côté français, l’Espagne a représenté 7,5 % des ventes totales à l’extérieur en 2010, plaçant le pays au rang de cinquième destinataire des produits français et de ses investissements à l’extérieur. De plus, le voisin d’outre-Pyrénées compose le principal excédent français en Europe. Les investissements cumulés sont importants, tout comme certaines acquisitions réalisées pendant ces années de crise. Nombre d’entreprises françaises ont été gravement touchées par la mauvaise conjoncture espagnole. L’un des exemples les plus illustratifs est probablement le groupe Carrefour, car l’Espagne est son deuxième marché.

Christel Birabent Camarasa, Matilde Alonso et Elies Furio Blasco 


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