Rama Yade : symbole de ces personnalités politiques qui triomphent dans les enquêtes de popularité mais s’écroulent dans les urnes<!-- --> | Atlantico.fr
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Rama Yade : 
symbole de ces personnalités 
politiques qui triomphent 
dans les enquêtes de popularité 
mais s’écroulent dans les urnes
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Piédestal

Rama Yade, candidate du Parti radical dans la 2e circonscription des Hauts-de-Seine, a été éliminée au premier tour. La popularité de l'ancienne secrétaire d'Etat de Nicolas Sarkozy n'a, semble-t-il, pas été suffisante pour prétendre à un siège à l'Assemblée nationale.

Christian Delporte

Christian Delporte

Christian Delporte est professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Versailles Saint-Quentin et directeur du Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines. Il dirige également la revue Le Temps des médias.

Son dernier livre est intitulé Les grands débats politiques : ces émissions qui on fait l'opinion (Flammarion, 2012).

Il est par ailleurs Président de la Société pour l’histoire des médias et directeur de la revue Le Temps des médias. A son actif plusieurs ouvrages, dont Une histoire de la langue de bois (Flammarion, 2009), Dictionnaire d’histoire culturelle de la France contemporaine (avec Jean-François Sirinelli et Jean-Yves Mollier, PUF, 2010), et Les grands débats politiques : ces émissions qui ont fait l'opinion (Flammarion, 2012).

 

Son dernier livre est intitulé "Come back, ou l'art de revenir en politique" (Flammarion, 2014).

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Atlantico : Rama Yade, l'une des personnalités politiques préférées des Français, n'a obtenu que 13,8% des votes exprimés à Asnières contre 28% pour le candidat UMP Manuel Aeschlimann et 37% pour le socialiste Sébastien Pietrasanta. Comment expliquez-vous l’écart entre la cote de popularité de l'ancienne secrétaire d'Etat et son score dans les urnes ?

Christian Delporte : Une popularité politique tient souvent à la différence, voire à la marginalité. Ceux qui sont populaires sont souvent ceux qui cultivent leur différence, c’est le cas de Rama Yade. Cela tient également aux dossiers que l’on a en charge. Les politiques les plus populaires sont aussi ceux qui relèvent de dossiers relatifs au social et à l’humanitaire, les moins clivant politiquement. Le secrétariat d’Etat aux Droits de l’homme qu’occupait Rama Yade rentre dans cette catégorie-là.

Cependant, les élections législatives relèvent d’une autre logique. Plusieurs facteurs importants rentrent en ligne de compte.

  • La tendance politique. Elle est clairement favorable à la gauche depuis la victoire de François Hollande.
  • Le mode de scrutin, avec la nécessaire implantation locale. C’est pourquoi on retrouve des quasi-inconnus du grand public élus dès le premier tour, à gauche comme à droite. Je pense à des personnalités comme Marie-Odille Bouillé dans la 8ème circonscirption de la Loire-Atlantique, Philippe Martin dans la première circonscription du Gers ou Frédéric Reiss dans la 8ème circonscription du Bas-Rhin. Ces gens-là, on les connait localement mais pas encore nationalement.
  • La sociologie électorale. Cela explique notamment pourquoi Claude Goasguen a été élu dès le premier tour dans le 16eme arrondissement de Paris malgré la candidature du dissident UMP David Alphand.
  • La puissance de l’appareil politique. Le Parti radical ne représente pas grand-chose. Certes Jean-Louis Borloo est lui aussi au Parti Radical mais il a commencé par une implantation locale. Il est ensuite devenu leader du parti.

Rama Yade ne réunit aucune de ces conditions. De plus, elle n’a fait campagne que sur son passé de ministre et cela ne suffit pas. Le sien lui apporte une certaine popularité mais pas d’épaisseur politique. Les ministres qui peuvent jouer de cela sont les ministres régaliens ou ceux qui sont réellement en phase avec les préoccupations quotidiennes d’une tranche de la population comme le ministre de l’Agriculture par exemple. Rama Yade ne pouvait prétendre cela avec une carrière au ministère des Sports et des Droits de l’homme d’autant plus qu’elle n’a pas fait de travail de terrain pendant 5 ans comme ses concurrents.

Quels enseignements peut-on alors tirer de ces sondages de popularité ?

Le problème est dans l’ambiguïté même de la question que l’on pose. Que veut dire « être populaire » ? Cela ne veut pas dire grand-chose à part que l’on renvoie une certaine sympathie. Or la sympathie n’est pas grand-chose par rapport à la confiance.

Il ne faut pas confondre politique et médiatisation de la politique. C’est effectivement aussi le cas de personnalité comme Bernard Kouchner et Nicolas Hulot. Bernard Kouchner est toujours resté le docteur Kouchner. Son passé humanitaire ne l’a jamais lâché et il se trouve que lui aussi était ce qu’on appelle un « bon client » pour les médias. Sauf à la faveur de l’ouverture initiée en 2007 par Nicolas Sarkozy, il n’avait jamais eu une fonction ministérielle de premier ordre.

Rama Yade ne paye-t-elle pas aussi sa propension à faire cavalier seul, au lendemain de la défaite d’une droite qui pourrait avoir tendance à resserre les liens ?

Certainement. Si la marginalité attire de la sympathie, à un moment, il faut jouer collectif. Dans un moment aussi difficile pour la droite, les partis feront confiance aux fidèles. Rama Yade est considérée comme incontrôlable à droite.

Comment alors inverser la tendance et combler le déficit ce crédibilité électorale ?

Une carrière politique ne commence pas par en haut, mais pas en bas. Si Rama Yade veut continuer sa carrière, cela commence par du travail de terrain. C’est la seule façon de ne pas se laisser entrainer par les bourrasques. L’enracinement local reste quand même quelque chose de très important dans le fonctionnement de la 5ème République.

Dans la mesure où nos modes de scrutins sont la plupart du temps uninominaux à deux tours, cela risque d’être difficile. Elle pourra certainement être élue sur des listes européennes, qui sont des listes de parti, mais pour faire une carrière nationale fondée sur un mode de scrutin local, il lui faudra ratisser le terrain !

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