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Quand les entreprises créent leurs banques pour se protéger des ravages du système financier
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Les nouveaux banquiers ?

A l'heure où la crise bancaire fait rage en Europe, et que la question d'une faillite généralisée demeure, de plus en plus d’entreprises industrielles comme EADS étudient la possibilité de créer leurs propres banques. L'idée étant évidemment de se détourner des systèmes traditionnels.

Christophe Moussu

Christophe Moussu

Christophe Moussu est professeur de finance à l’ESCP Europe et professeur visitant au Collège d’Europe et à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne.

Il a toujours promu une finance de long terme au service de l’économie réelle.

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Atlantico : De plus en plus d’entreprises industrielles comme EADS étudient la possibilité de créer leurs propres banques. Pourquoi ce phénomène s’accentue-t-il en cette période de crise ? 

Christophe Moussu : Ces grandes entreprises du secteur industriel parviennent à se financer sur les marchés. Elles créent leurs propres banques afin de répondre à un besoin réel de sécurisation de leurs trésoreries, que se soit au niveau des devises ou des titres à détenir. Ainsi, elles peuvent déposer leurs fonds directement à la BCE, un facteur très rassurant en cette période de turbulences dans les milieux bancaires.

Cependant, si ce phénomène ne répond pas tant à un besoin de se financer directement auprès de la BCE, il permet de financer leurs clients. Ils vont ainsi pouvoir proposer des financements longs à ces derniers, afin qu’ils achètent leurs produits. En effet, les accords de Bâle 3 (relatifs à la régulation du secteur bancaire, ndlr) ont provoqué chez les banques traditionnelles une contraction des crédits à long terme, ce qui a entrainé chez certains clients des grandes entreprises industrielles une incapacité à financer l’achat d’infrastructures ou d’actifs couteux (ex : avions). Ces clients vont donc pouvoir se financer directement auprès des industriels, auxquels ils achètent des produits. Mais il n’est pas exclu que ces grands industriels souhaitent réaliser à termes un nouveau centre de profits pour leurs activités.

En manifestant d’autres motivations que la simple sécurisation d’actifs, ce phénomène révèle une défaillance de l’activité d’intermédiation chez les banques traditionnelles. Il y a une désintermédiation générale qui s’opère par les marchés, du fait que les banques ont octroyé de moins en moins de crédit. Cette réintermédiation s’opère donc par des entreprises "corporate".

Cela n’est-il pas révélateur d’une défiance envers les banques ?

Effectivement. Ces entreprises ont des modes de gouvernance, une lisibilité de leurs opérations, et des "business model" beaucoup moins opaques que les banques. Nous sommes dans une période où nombre d’interrogations se posent au sujet du secteur bancaire. A l’inverse, les clients d’une entreprise sont connus, ainsi que la manière dont elles réalisent leurs profits.

Les ratios de liquidité imposés par Bâle 3 (réglementation financière) consistent à avoir des ressources longues en adéquation avec les emplois longs (au sein d’un bilan, ndlr). Dans un contexte où les banques ne souhaitent pas augmenter leurs capitaux et ont du mal à vendre des titres à long terme, cela se traduit par un désengagement dans le secteur du crédit, pour finalement se tourner vers des titres autorisés par le régulateur. Bâle 3 a donc certains effets contre-productifs...

N’est-il pas difficile pour des industriels de se doter d’une activité bancaire, et donc de se conformer à la régulation bancaire en vigueur, alors qu’il ne s’agit pas de leur métier d’origine ?

Il ne faudrait pas que ces entreprises imitent les banques traditionnelles dans les erreurs qu’elles ont commises dans le passé. Cela serait en effet dommageable que des entreprises commencent à avoir des zones opaques d’opérations sur les marchés.

L’autofinancement des entreprises est extrêmement important pour la croissance. En cette période, il est préférable que les entreprises sécurisent leurs trésoreries, plutôt qu’elles versent des dividendes trop élevés. En effet, beaucoup d’entreprises pensent que lorsque l’on verse des dividendes, il est impossible de revenir en arrière. En ce sens où une baisse du dividende se traduirait par une baisse du cours de Bourse. Ce qui est une erreur très européenne.

En période de croissance, une baisse brutale du dividende peut effectivement être interprétée par les marchés comme une inquiétude sur la capacité de l’entreprise à verser des dividendes. Mais nous sommes actuellement dans un environnement économique très instable, dans lequel les marchés préfèrent voir les entreprises investir, puisque cela manifeste des opportunités de croissance. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans le monde anglo-saxon en général où les entreprises ont procédé à des modérations dans le versement des dividendes.

Propos recueillis par Olivier Harmant

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