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Revendre les dettes européennes 
à la BCE, cette mesure d'urgence qui pourrait sauver l'Europe
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Comme une odeur de brûlé

Alors que les limites des politiques d'austérité sont de plus en plus mises en avant par les économistes, l'urgence d'un rachat de la dette par la BCE apparaît. Encore faut-il que les membres cessent de tergiverser.

Jean-Pierre Pagé

Jean-Pierre Pagé

Jean-Pierre Pagé économiste, ancien élève de l'Ecole nationale de la statistique et de l 'Administration économique (ENSAE), après une carrière de haut fonctionnaire, s'est spécialisé dans l'étude de l'Europe de l'est. Il est consultant au Centre d’études et de recherches Internationales (CERI-Sciences Po) où il dirige la publication du "Tableau de bord des pays d'Europe centrale et orientale".

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La crise de l’euro est entrée dans une phase décisive. Ou bien les responsables de la zone prendront, enfin, les mesures nécessaires pour stopper l’hémorragie et transformer celle-ci en une union viable et un espace opérationnel. Et il faudra faire très vite ! Ou bien la zone éclatera sous le poids de ses contradictions et en raison de ses faiblesses structurelles.

Il est clair que la « politique de l’austérité » sur laquelle les dirigeants de la Commission et des gouvernements européens ont fondé jusqu’ici leurs espoirs a échoué telle qu’elle a été conçue. Ceci est maintenant reconnu par un grand nombre d’économistes. Martin Wolf dans le Financial Times, article repris dans Le Monde Eco et Entreprises, en fait une  remarquable démonstration.[1] Cela ne signifie pas qu’un effort majeur vers plus de discipline et de responsabilité budgétaires ne soit pas nécessaire. Il le demeure. Mais tel qu’il a été imaginé, sans un accompagnement pour éviter un effondrement de l’activité économique et promouvoir plus de justice fiscale, il est voué à l’échec. Et les rodomontades de Madame Lagarde stigmatisant l’attitude de la population grecque et comparant le sort de celle-ci à celui de la population du Nigéria confine à l’insupportable. Demander à un pays de rééquilibrer ses finances publiques en baissant les salaires et les dépenses publiques parce qu’il ne peut pas dévaluer est absurde s’il a peu de choses à exporter et si l’amélioration ne peut être qu’un processus de longue haleine.

Les responsables de la zone euro sont donc devant un choix : ou bien ils feront faire un saut majeur à l’Union européenne dans le sens d’une Union mieux construite et opérationnelle (rappelons que c’est ainsi qu’ont été accomplis les progrès historiques de l’Europe), ou bien ils prendront la responsabilité dans l’Histoire de laisser l’Union européenne se saborder. Car il ne faut pas se faire d’illusion. Laisser sortir un pays de la zone euro aurait de multiples conséquences négatives. Non seulement, ceci aurait un coût élevé dont on commence à prendre la mesure, mais ce serait un signal annonciateur de débandade, car d’autres pays de la zone sont dans une situation difficile et les marchés ne manqueraient pas de l’interpréter comme un témoignage de l’impuissance des autorités européennes à leur venir en aide. Ceci ouvrirait la voie à une balkanisation de l’Europe avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer et la fin d’un grand espoir.

Il y a donc urgence. La première mesure de sauvegarde à prendre devrait être le rachat direct des dettes des pays-membres de la zone par la BCE, à l’instar de ce que font les banques centrales des États-Unis, de la Grande Bretagne et du Japon, même si cela bouscule les règles juridiques et constitutionnelles. Quand il y a le feu, on ne demande pas aux pompiers de vérifier s’ils ont bien les autorisations pour intervenir avant de le faire.

Cette mesure, que l’on a parfois comparée à une arme nucléaire, devrait être employée pour stopper la dégradation, en attendant de mettre au point les dispositifs de mutualisation de la dette (présentés sous le nom d’eurobonds) avec leurs corrélats de mesures de contrôle et de renforcement de la discipline budgétaire. Le flou actuel et l’impuissance manifeste des autorités considérées comme responsables à agir ne peuvent qu’inciter les marchés et les spéculateurs à développer leur action mortifère, ne serait-ce que par un réflexe défensif pour protéger leurs avoirs, alors que les mesures énoncées ci-dessus, de nature à rassurer les opérateurs, auraient toutes chances de stopper dans l’œuf le processus dégénératif. Encore une fois, tout ceci n’a de sens que si c’est fait dans l’urgence.



[1]« Mais que veut donc l’Allemagne ? » : « …L’austérité affaiblit un peu plus les économies et les banques. Cela, à son tour, fait augmenter le chômage et réduit les recettes publiques, ce qui rend l’austérité budgétaire inefficace. Pendant ce temps, la demande atone des pays du cœur de la zone aggrave la faiblesse économique de la périphérie au lieu de la compenser. Avec des banques en difficulté, une demande privée essoufflée, une demande publique en contraction et une demande extérieure faible, il est probable que, dans deux ou trois ans, les économies fragiles enregistreront une production moindre et un chômage en hausse. La récompense de la douleur actuelle, ce sera la douleur future. » 

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